Exécution du contrat
Hors l'existence d'un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre société, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l'état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-10.488 F-B).
Les obligations résultant du principe de non-discrimination et celles résultant du principe de prohibition du harcèlement moral sont distinctes, en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-16.098 F-D).
Les documents détenus par le salarié dans le bureau de l'entreprise mis à sa disposition, sont, sauf lorsqu'il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence. Dès lors que les documents litigieux découverts par l'employeur sur le bureau du salarié provenaient de sa messagerie personnelle, de sorte qu'étant identifiés comme personnels, l'employeur ne pouvait y accéder et les appréhender hors la présence du salarié, la cour d'appel aurait dû en déduire que la preuve avait été obtenue de manière illicite (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-14.465 F-D).
Un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu. Ayant constaté que le salarié avait été licencié pour faute grave en raison d'un trouble objectif au sein de l'entreprise occasionné par la médiatisation en 2017 de faits commis par lui en 2012 et déjà sanctionnés par un avertissement décerné par l'employeur, celui-ci avait épuisé son pouvoir disciplinaire à l'égard des faits commis en 2012 et leur révélation en 2017, non imputable au salarié, ne pouvait pas justifier son licenciement disciplinaire (Cass. soc. 9-10-2024 n° 22-17.757 F-D).
Le fait de n'avoir pas pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une sanction disciplinaire (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-19.063 F-D).
Ayant constaté que la prise de parole pendant quelques minutes de l'agent de La Poste, appelant ses collègues de travail à la grève en solidarité de ceux convoqués pour des entretiens préalables pouvant aller jusqu'au licenciement, ne constituait pas une réunion statutaire ou d'information, et ayant fait ressortir que cet agent n'avait pas commis d'abus dans l'exercice de sa liberté d'expression, la cour d'appel a pu décider que la sanction disciplinaire prononcée par l'employeur était disproportionnée et devait être annulée (Cass. soc. 9-10-2024 n° 22-21.048 F-D).
Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins 20 salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur. Dès lors que l'employeur ne justifie pas des formalités de publicité du règlement intérieur de l'entreprise, la mutation disciplinaire prononcée à l'encontre de la salariée doit être annulée (Cass. soc. 9-10-2024 n° 22-20.054 F-D).
Rupture du contrat
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Dès lors que le salarié, licencié pour faute grave par lettre du 22 décembre, a poursuivi son travail dans l'entreprise jusqu'au 31 décembre, il en résulte que l'employeur a considéré que les faits invoqués n'excluaient pas son maintien dans l'entreprise et n'étaient donc pas constitutifs d'une faute grave (Cass. soc. 9-10-2024 n° 22-19.389 F-D).
Ayant constaté que le licenciement de la salariée était motivé, d'une part, par son refus de se soumettre à la mutation disciplinaire, laquelle était nulle, de sorte que son refus de l'exécuter et son refus de quitter le site où elle était affectée n'étaient pas fautifs, d'autre part, par des faits de soustraction d'un passe d'accès dans le coffre de l'hôtel, lesquels n'étaient pas établis, et le contrôle des chambres, lequel s'inscrivait dans l'exécution de ses fonctions habituelles et n'était donc pas répréhensible, la cour d'appel a pu décider que ces griefs ne pouvaient pas constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu important que l'intéressée n'ait pas préalablement saisi le juge prud'homal pour contester sa mutation disciplinaire (Cass. soc. 9-10-2024 n° 22-20.054 F-D).
Ayant constaté que le salarié, chauffeur routier poids lourds, avait diffusé des insultes à l'égard du responsable d'exploitation sur son compte Facebook dont le profil était public et avait pris des photographies, les avait postées sur son compte Facebook et avait répondu à des commentaires tout en roulant sur une route enneigée, un tel comportement manifestant une grave imprudence de sa part alors qu'il aurait dû faire preuve d'une particulière vigilance par un tel temps, la cour d'appel a pu en déduire que ces manquements rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et justifiaient son licenciement pour faute grave (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-19.063 F-D).
Durée du travail
Il résulte de l'article 15, paragraphe 3, du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par le décret 1946-1541 du 22 juin 1946 que dans les entreprises dont le personnel relève du statut national des industries électriques et gazières, l'horaire collectif de travail est arrêté par un accord collectif et que ce n'est qu'après l'échec d'une négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives, que l'employeur peut par une décision unilatérale arrêter l'horaire collectif de travail ou le modifier (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-15.816 F-B).
Représentation du personnel
Il résulte des articles L 2312-15 du Code du travail et 481-1 du Code de procédure civile que la demande en justice devant le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, étant formée par assignation, la date de saisine du juge s'entend de celle de l'assignation. Dès lors, doit être censurée la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevables les demandes du comité social et économique tendant notamment à la communication par l'employeur d'informations supplémentaires et à la prolongation de son délai de consultation, retient que la remise d'une copie de l'assignation au greffe est intervenue le 9 septembre 2021, soit postérieurement à l'expiration du délai de 2 mois imparti au comité pour émettre son avis, alors qu'elle avait constaté que l'assignation avait été délivrée à l'employeur le 6 septembre 2021, soit avant l'expiration de ce délai (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-11.339 F-B).
Aux termes de l'article L 2122-1 du Code du travail, dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. Il résulte par ailleurs de l'article L 2314-32 du Code du travail que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions relatives à la représentation équilibrée femmes-hommes sur les listes de candidats prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L 2314-30 entraîne la seule sanction de l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter et que, l'annulation, en application des dispositions de l'article L 2314-32 du Code du travail, de l'élection d'un candidat au titre du non-respect par la liste de candidats des prescriptions prévues à l'article L 2314-30 du même Code est sans effet sur la condition d'audience électorale requise par l'article L 2122-1 du même Code pour l'acquisition de la qualité de syndicat représentatif. C'est en conséquence à bon droit que le tribunal, saisi par l'employeur d'une demande d'annulation du premier tour des élections, à l'issue duquel le seul candidat, figurant sur une liste ne respectant pas les règles de la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, avait obtenu 100 % des suffrages valablement exprimés, et consécutivement du score électoral du syndicat, ainsi que d'une demande d'annulation des élections, rejette ces demandes, sans avoir à procéder à des recherches quant aux comportements hypothétiques du syndicat et d'éventuelles autres organisations syndicales et peu important qu'un second tour ait été organisé compte tenu du nombre de votants au premier tour (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-17.506 F-B).
Ayant constaté, d'une part, que le nombre d'enveloppes comptabilisées lors du dépouillement correspondait au nombre de votants (76) et que lors du décompte, les bulletins de vote étaient en nombre supérieur au nombre de votants (79 + un bulletin nul), d'autre part, que ces bulletins supplémentaires n'avaient eu aucun impact sur le résultat des élections au regard des suffrages obtenus par les deux listes en présence, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le tribunal a estimé que l'existence d'irrégularités ayant eu une incidence sur le résultat du scrutin n'était pas caractérisée et a débouté le syndicat et l’élue titulaire du CSE de leurs demandes d’annulation du second tour des élections (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-14.585 F-D).
En présence d’une clause du protocole préélectoral prévoyant que « pour être valables, les listes de candidats devront contenir la signature identifiable (nom et prénom) de celui qui dépose ces listes », le tribunal ne saurait débouter les parties de leur demande d’annulation des élections alors qu’il n’était pas contesté que M. V., bénéficiaire d’un mandat exprès du syndicat, avait déposé les listes de candidatures avant l’expiration du délai prévu par le protocole d’accord préélectoral et après avoir constaté que les listes avaient été déposées en mains propres auprès du représentant de la société désigné pour les réceptionner, qui connaissait M. V et en avait accusé réception, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le refus par l’employeur d’accepter le dépôt de la liste ne constituait pas un abus (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-17.638 F-D).
Aux termes de l'article 9 de la loi 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, par dérogation aux articles L 2121-1 et L 2122-5 du Code du travail, jusqu'à la deuxième mesure de l'audience prévue au 3° du même article L 2122-5 suivant la publication de la présente loi, le ministre chargé du travail arrête la liste et le poids des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches regroupant des établissements mentionnés aux articles L 442-5 du Code de l'éducation et L 813-8 du Code rural et de la pêche maritime sur le fondement de l'ensemble des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires aux CSE de ces établissements et au scrutin concernant les entreprises de moins de 11 salariés lors de la période prise en compte pour la dernière mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L 2122-5 du Code du travail. Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, si les personnels enseignants mentionnés à l'article L 442-5 du Code de l'éducation, qui sont des agents publics, bénéficient de la qualité d'électeur pour les élections des institutions représentatives du personnel dans les établissements de l'enseignement privé non lucratif couverts par la convention collective nationale de l'enseignement privé non lucratif et sont éligibles, leurs votes ne peuvent être pris en compte pour la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche professionnelle de l'enseignement privé non lucratif, laquelle est couverte par une convention collective qui ne régit que les relations entre les employeurs relevant de son champ et leurs salariés de droit privé (CE 22-11-2021 n° 431431). L'article d’un protocole d'accord préélectoral prévoyant, pour le deuxième collège, l'existence d'urnes séparées pour les salariés de droit privé et les agents publics, n’est pas contraire aux dispositions légales en vigueur, dès lors qu'il n’est pas de nature à empêcher l'application transitoire des dispositions dérogatoires de l'article 9 de la loi 2022-1598 du 21 décembre 2022 (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-19.627 F-D).
Dès lors que les paroles imputées à la salariée protégée avaient été tenues par celle-ci au cours d'une discussion de nature privée entre collègues sur leur temps de pause et non pas dans l'exercice de son mandat syndical, et ces propos n'étant ni diffamatoires ni injurieux ou excessifs, aucun abus à la liberté d'expression n'est caractérisé et le blâme notifié à la salariée doit être annulé (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-14.770 F-D).
Santé et sécurité
La clause du règlement intérieur prévoyant que l'absence non justifiée ou non autorisée est considérée comme irrégulière et peut justifier une sanction disciplinaire doit être distinguée de celle qui dispose que toute indisponibilité pour maladie doit être signalée au supérieur hiérarchique dans les 24 heures et donner lieu, sous 48 heures, à la production d'un certificat médical précisant la période d'indisponibilité, la non-production de ce certificat caractérisant, après mise en demeure, l'absence irrégulière. Il en résulte que l'absence d'information rapide de l'indisponibilité pour maladie, différente du délai de prévenance de 24 heures, ne caractérise pas une absence irrégulière susceptible de sanction au sens du règlement intérieur (Cass. soc. 9-10-2024 n° 22-23.192 F-D).
La rupture du contrat de travail pour inaptitude est dépourvue de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée (Cass. soc. 9-10-2024 n° 22-11.828 F-D).
Contrôle-contentieux
L'action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 5 ans lorsqu'elle est fondée sur le harcèlement moral (Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-11.360 F-B).
La Cour de cassation a jugé (Cass. 2e civ. 25-3-2021 n° 19-21.401 F-P), d'une part, qu'à défaut d'un texte spécial subordonnant l'application de l'article 386 du CPC à une injonction particulière du juge, la péremption est constatée lorsque les parties n'ont accompli aucune diligence dans un délai de 2 ans, quand bien même le juge n'en aurait pas mis à leur charge, d'autre part, que les pouvoirs du président de la section, prévus à l'article R 143-27 du CSS, alors en vigueur, de mettre en état l'affaire et le rôle du secrétaire général de la Cnitaat, prévu à l'article R 143-25 du même Code, alors en vigueur, qui assure la communication des mémoires et des pièces entre les parties, ne privent pas ces dernières de la faculté d'effectuer des diligences pour accélérer le cours de l'instance, et notamment de demander la fixation de l'affaire à une audience. Or, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, par quatre arrêts rendus le 7 mars 2024 (Cass. 2e civ. 7-3-2024 n°s 21-23.230 FS-B, 21-19.475 FS-B, 21-19.761 FS-B, 21-20.719 FS-B), la Cour de cassation a jugé que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption et qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière. Dès lors, il y a lieu de reconsidérer la jurisprudence précitée relative à la procédure orale applicable devant la Cnitaat. Il résulte des dispositions légales, interprétées à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'à moins que les parties ne soient tenues d'accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n'ont, dès lors, pas de diligences à accomplir en vue de l'audience à laquelle elles sont convoquées par le secrétariat de la Cnitaat. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l'affaire à une audience à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif (Cass. 2e civ. 10-10-2024 n° 22-12.882 FP-B).
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