Des concubins concluent par acte sous signature privée le partage de leurs biens indivis. L’acte prévoit que ces biens, acquis par eux mais entièrement financés par l’homme, sont attribués à ce dernier. La femme perçoit quant à elle 6 000 € pour « acheter un véhicule dont elle avait besoin ». Elle assigne son ex-compagnon en nullité du partage amiable et en partage judiciaire.
La cour d’appel accueille ces demandes. Le partage amiable peut être annulé pour cause d’erreur si celle-ci a porté sur l’existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable (C. civ. art. 887, al. 2). En l’espèce, l’amplitude entre la valeur des immeubles attribués au concubin (entre 214 000 et 227 000 €) et la somme revenant à la concubine (6 000 €) montre que l’erreur commise par cette dernière porte sur l’existence de ses droits et non seulement sur la valeur des lots. Les juges ajoutent que la somme de 6 000 €, consentie après 30 ans de vie commune, est une négation des droits de la concubine alors qu’elle était cosignataire de tous les actes d’achat et des emprunts destinés à leur financement. Ladite somme est si dérisoire et insignifiante au regard de ses droits qu’elle ne peut être constitutive d’une erreur sur la valeur ou d’une lésion.
Cassation. L’erreur commise sur l’existence ou la quotité des droits d’un copartageant ne peut pas être déduite du seul constat d’une différence entre la valeur du lot attribué à celui-ci et celle des biens partagés.
A noter : Il y a, par exemple, erreur sur l’existence ou la quotité des droits lorsqu'un partage est réalisé sans tenir compte d'un testament qui modifie l'étendue des droits des copartageants ou de certains d'entre eux. En revanche, un partage ne peut être annulé pour cause d’erreur sur la valeur des lots ou à raison d’un allotissement dont la valeur est inférieure à celle à laquelle le copartageant peut prétendre ; seule une action en complément de part pour lésion est ouverte, si les conditions en sont réunies (Cass. 1e civ. 7-2-2018 n° 17-12.480 F-PB : BPAT 2/18 inf. 85 ; JCP G 2018 n° 331 note Y.-M. Serinet). Dans l’affaire rapportée, les juges du fond ont considéré qu’il n’y avait pas d’erreur sur la valeur des lots. Ils ont d’ailleurs insisté sur ce point pour écarter la jurisprudence précitée et justifier l’annulation du partage. L’argument n’a pas été retenu par la Cour de cassation : difficile en effet de ne pas entrevoir une erreur sur la « valeur » lorsqu’on évoque un écart important de « valeur » entre les lots attribués… Toutefois, sa solution est sévère. Car à l’examen des moyens, il semble bien que la concubine, cosignataire des actes d’achats, n’ait pas eu conscience qu’elle était propriétaire indivise des cinq immeubles acquis durant la vie commune. Elle était aussi débitrice d’une indemnité puisque son compagnon a intégralement financé ces acquisitions.
Florence GALL-KIESMANN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille nos 70750 s.