En vertu de l’article L 4614-13 du Code du travail, l’employeur peut saisir le juge judiciaire s’il entend contester la nécessité d’une expertise sollicitée par le CHSCT en cas de risque grave ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Toutefois, ce texte ne précise pas le délai dans lequel il peut intenter son action.
La chambre sociale de la Cour de cassation vient de juger, pour la première fois à notre connaissance, qu’en l’absence de texte spécifique c’est le délai de prescription quinquennale de droit commun (article 2224 du Code civil) qui s’applique.
Jusqu'alors, plusieurs jugements s’étaient prononcés pour le respect par l’employeur d’un délai raisonnable, sans plus de précision (TGI Clermont-Ferrand 9-2-2011 n° 11-122 : RJS 5/11 n° 430 ; TGI Paris 20-1-2011 n° 10-57994 : RJS 6/11 n° 533). Les cours d’appel reconnaissaient également la nécessité pour l’employeur d’intenter son action judiciaire dans un bref délai.
Très différente, la solution retenue par la Cour de cassation n’est pas surprenante. Reste que le délai de droit commun de 5 ans apparaît assez peu compatible avec la nature même du recours de l’employeur à l’encontre de l’expertise décidée par le CHSCT, laquelle peut faire suite à un risque grave, par conséquent urgent, et alors même qu’en cas de projet important l’article R 4614-18 du Code du travail donne un délai de 45 jours à l’expert pour effectuer son expertise. Retenir un « bref délai », comme les juges du fond, aurait également suscité des difficultés, notamment au regard de l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme. En effet, le juge de Strasbourg exige que les délais de recours soient connus de façon suffisamment précise pour que le justiciable puisse savoir à l’avance à quelles conditions son recours sera déclaré recevable (CEDH 15-10-2002 n° 55782/00).
A noter :
Le législateur pourrait profiter de la réforme de l’article L 4614-13 du Code du travail, rendue nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel ayant déclaré partiellement inconstitutionnelle cette disposition législative, pour prévoir un délai de recours de l’employeur en contestation de l’expertise, d’autant que, désormais, ce recours devra avoir un caractère suspensif conformément aux exigences du Conseil (Cons. const. 27-11-2015 n° 2015-500 QPC ; voir La Quotidienne du 10 décembre 2015).