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Une semaine de jurisprudence sociale à la Cour de cassation

Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus cette semaine par la Cour de cassation.


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©Getty Images

Exécution du contrat

  • Le fait pour un salarié de tenir envers deux de ses collègues, de manière répétée, des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants, est de nature à caractériser, quelle qu'ait pu être l'attitude antérieure de l'employeur tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, un comportement fautif constitutif d'une cause réelle et sérieuse fondant le licenciement décidé par l'employeur (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-14.292 FS-B).

Congés

  • L'article L 2145-1 du Code du travail, qui dispose que la durée totale du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale ne peut pas excéder 18 jours, est propre aux salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, auxquels les dispositions de l'article L 2145-5, qui prévoit une durée de congé plus courte pour les autres salariés, ne s'applique pas. Dès lors que le salarié exerce des fonctions syndicales, le juge peut ordonner à l'employeur d'autoriser le congé de 18 jours qu'il lui demande. En revanche, il ne peut pas lui appliquer les sanctions prévues par l'article L 2146-1 du Code du travail, relatif à l'entrave à l'exercice du droit syndical, le non-respect du droit au congé n'entrant pas dans les prévisions de ce texte (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-18.302 F-B et n° 23-10.259 F-D).

Paie

  • Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, ceux-ci doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d'exercice. A défaut, le montant maximum prévu pour la part variable doit être payé intégralement comme s'il avait réalisé ses objectifs.  Dès lors qu’elle avait constaté, d'une part, que la partie variable de la rémunération contractuelle de la salariée dépendait de la réalisation d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, d'autre part, que la fixation des objectifs pour les années 2013 et 2014 était intervenue tardivement et que les objectifs individuels assignés à la salariée pour l'année 2015 n'étaient pas atteignables, la cour d'appel aurait dû en déduire que la rémunération variable devait être versée intégralement à l'intéressée pour ces trois années, sans distinction entre la part assise sur les performances individuelles et la part assise sur les performances collectives (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-17.063 F-D).

  • Lorsque le contrat de travail prévoit le remboursement forfaitaire des frais professionnels exposés par le salarié, ce dernier peut prétendre à l'indemnisation convenue sans avoir à justifier des frais réellement exposés. Une cour d’appel ne peut donc pas débouter un salarié de ses demandes de rappel de primes de panier et de primes de déplacement alors que le contrat liant les parties prévoyait une indemnisation forfaitaire des frais professionnels et qu’elle n’a pas relevé que les déplacements professionnels pour lesquels le salarié demandait à être indemnisé n’avaient pas été effectués par lui (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-12.409 F-D).

  • Une cour d’appel ne peut pas condamner l’employeur au paiement des sommes prélevées par lui en compensation de la part salariale des cotisations de la complémentaire maladie qu’il avait payée pour le compte du salarié alors que le paiement pour le compte du salarié d’une cotisation salariale ne constitue pas une avance en espèces et que la compensation peut s’opérer dans la limite de la fraction saisissable du salaire (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-10.775 F-D).

Epargne salariale

  • Aux termes de l'article L 3326-1, alinéa 1er, du Code du travail, le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent pas être remis en cause à l'occasion des litiges relatifs à la participation aux résultats de l’entreprise. Il résulte de ce texte, d'ordre public absolu, que le montant du bénéfice net et celui des capitaux de l'entreprise devant être retenus pour le calcul de la réserve de participation qui ont été établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes, dont la sincérité n'est pas contestée, ne peuvent pas être remis en cause dans un litige relatif à la participation, quand bien même l'action en contestation de ces montants est fondée sur la fraude ou l'abus de droit invoqués à l'encontre des actes de gestion de l'entreprise. L'attestation établie par l'inspecteur des impôts ou le commissaire aux comptes pour le calcul de la réserve spéciale de participation n'est susceptible d'être entachée d'un défaut de sincérité que lorsque le montant du bénéfice net ou des capitaux propres figurant sur cette attestation est différent de celui déclaré à l'administration fiscale pour l'établissement de l'impôt (Cass. soc. 12-6-2024 n°s 23-14.147 FS-B et 22-16.424 FS-D).

  • Pour établir l’attestation relative au montant du bénéfice net et des capitaux propres de l’entreprise servant de base au calcul de la réserve spéciale de participation, l’inspecteur des impôts vérifie la cohérence des données chiffrées transmises par l’entreprise avec celles figurant sur ses déclarations fiscales, sans disposer de pouvoir d’appréciation sur la situation de l’entreprise, en sorte que cette attestation est un acte recognitif et ne constitue pas l’octroi d’un quelconque avantage. Dès lors que l’attestation rectificative n'a ni retiré ou abrogé une décision créatrice de droits, ni refusé un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, la règle selon laquelle l'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans un délai de 4 mois suivant la prise de cette décision n'est pas applicable, et l'administration fiscale n'est pas soumise à l'exigence de motivation des actes administratifs pour établir cette attestation rectificative (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-10.011 FS-B).

  • Le bénéfice net des associés des entreprises soumises au régime fiscal des sociétés de personnes est calculé sans tenir compte de la quote-part du résultat de ces entreprises qui leur revient, ni de l'impôt qui correspond à ce résultat. Cette règle, qui a pour objet de répartir les bénéfices pris en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation entre la société de personnes et ses associés, ne concerne que les sociétés de personnes qui sont elles-mêmes soumises à la participation. Les sociétés en participation relèvent de l’article 8 du CGI relatif aux sociétés de personnes mais ne sont pas des personnes morales, de sorte que, ne pouvant pas avoir la qualité d’employeur, elles ne sont pas soumises aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise. Il en résulte que pour le calcul du bénéfice net de l’entreprise tenue de constituer une réserve spéciale de participation, il y a lieu de tenir compte de la quote-part des résultats des sociétés en participation dont elle est associée (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-10.011 FS-B).

Durée du travail

  • Dès lors que les dispositions conventionnelles ne précisaient pas les conditions de contrôle de l'application du forfait en jours ni les modalités du suivi de l'organisation du travail des salariés concernés ainsi que l'amplitude de leur journée de travail comme de la charge de travail qui en résulte, que l'existence d'entretiens dialogues « My performance development » au cours desquels, selon l'employeur, le salarié avait tout loisir d'évoquer d'éventuelles difficultés, n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables, assuraient une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé et assuraient ainsi la protection de la sécurité et de la santé du salarié, l'accord d'entreprise ne répond pas aux exigences légales et la convention de forfait en jours est nulle (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-12.428 F-D).

Rupture du contrat

  • Lorsque le salarié, en raison de son état de santé, travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu'il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé. L'assiette de calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des 12 ou des 3 derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-13.975 FS-B).

  • Pour un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise est de moins d'une année, le montant maximal de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est d'un mois de salaire, ce dont il résulte que l'intéressé peut prétendre à une indemnité dont il appartient au juge de déterminer le montant (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-11.825 F-B).

  • Le juge judiciaire ne peut pas, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une décision de validation d'un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi devenue définitive, apprécier, par voie d'exception, la légalité des mesures figurant dans ce plan, en particulier celles déterminant les catégories professionnelles concernées par le licenciement. Mais le salarié, qui peut saisir le juge administratif pour contester la décision de validation de l'administration et le contenu de l'accord collectif fixant le plan de sauvegarde de l'emploi s'il contient des dispositions discriminatoires de nature à entacher sa validité, n'est pas privé d'un recours juridictionnel effectif (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-12.969 FS-B).

  • La lettre de licenciement qui fait état de difficultés relationnelles et de communication persistantes causant des dysfonctionnements professionnels dans les échanges et générant un climat de tension permanente au sein des équipes, ainsi qu'une aspiration à une indépendance à l'extrême, ne repose pas sur un motif disciplinaire (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-12.416 FS-D).

  • Malgré son irrégularité, le licenciement verbal a pour effet de rompre le contrat de travail. Il en résulte qu'une cour d'appel ne peut pas condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre d'une période de mise à pied conservatoire postérieure à ce licenciement (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-21.079 F-D).

  • L'employeur a satisfait à son obligation légale d'informer le salarié, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, du motif économique de la rupture en lui adressant, dans le cadre des possibilités de reclassement devant être recherchées à compter du moment où le licenciement est envisagé, une lettre lui proposant un poste à ce titre et en y mentionnant une réorganisation de la société en vue de sauvegarder sa compétitivité (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-10.036 F-D et n° 23-10.033 F-D).

  • Il convient de demander à la Cour de justice de l'Union européenne si les salariés mis à disposition d'une entreprise par une entreprise extérieure doivent être considérés comme ayant la qualité de travailleur habituellement employé par l'entreprise utilisatrice au sens de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 relative aux licenciements collectifs, pour la détermination de l'effectif de l'entreprise imposant la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-10.903 FS-D).

Représentation du personnel

  • Le refus d'un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale de 18 jours à des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales porte préjudice à l'intérêt collectif de la profession. Un syndicat peut donc agir en justice dès lors que l’employeur n’a pas donné de suite favorable à une demande de congé du délégué syndical qu’il aurait dû accorder de plein droit en application de l’article L 2145-11 du Code du travail (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-18.302 F-B).

  • Il incombe au CSE, dont la délibération ordonnant une expertise en application de l'article L 2315-94, 2°, du Code du travail est contestée, de démontrer l'existence d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, sa saisine pour information-consultation en application de l'article L 2312-8 du même Code ne faisant pas obstacle à la contestation par l'employeur de la décision de ce comité de recourir à une mesure d'expertise devant le président du tribunal judiciaire à qui il appartient de vérifier l'existence d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Par ailleurs, il résulte de l'article L 2312-15 du Code du travail que, dans le cadre de ses attributions consultatives, le CSE peut, s'il estime ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants et que le juge, s'il est saisi avant l'expiration des délais dont dispose le CSE pour rendre son avis et s'il retient que les informations nécessaires à l'institution représentative du personnel et demandées par cette dernière n'ont pas été transmises ou mises à disposition par l'employeur, peut ordonner la production des éléments d'informations complémentaires et, en conséquence, prolonger le délai de consultation ou le fixer à compter de la communication de ces éléments complémentaires (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-14.678 F-D).

Santé et sécurité

  • L'appréciation de la légitimité de l'exercice du droit de retrait ne consiste pas à rechercher si l'employeur a commis un manquement mais à déterminer si, au moment de l'exercice de ce droit, le salarié avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Dès lors que, dans le contexte sanitaire de la pandémie de Covid-19 et d'incertitudes et d'interrogations sur les modes de transmission du virus, plusieurs mesures de prévention n'étaient pas ou ne pouvaient pas être appliquées, la cour d'appel a pu estimer que le salarié avait un motif de penser que sa situation de travail présentait un tel danger, sans être tenue de rechercher si l'employeur avait mis en œuvre les mesures prescrites par les autorités gouvernementales au regard des connaissances scientifiques et des recommandations nationales (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-24.598 F-B).

  • L’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles (atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels) constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu’il n’a pas à figurer au dossier constitué par les services administratifs de la caisse et mis à disposition de l'employeur (Cass. 2e civ. 13-6-2024 nos 22-15.721 FS-BR et 22-22.786 FS-BR).

  • Lorsque l'avis d'inaptitude mentionne expressément que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est dispensé de rechercher et de lui proposer des postes de reclassement (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-13.522 F-B). 

  • La réforme d'un agent de la RATP, en l'absence de reclassement à la suite de l'avis d'inaptitude à son poste statutaire émis par le médecin du travail, ne peut être prononcée que sur proposition de la commission médicale (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-20.963 F-B).

  • Ayant constaté que l'avis d'inaptitude mentionnait expressément que tout maintien de la salariée dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé et que les propositions de reclassement faites par l'employeur n'étaient pas compatibles avec les recommandations du médecin du travail, la cour d'appel a pu décider que le licenciement prononcé pour le motif de refus de reclassement était sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-18.136 F-D).

Contrôle-contentieux

  • Une cour d'appel ne peut pas déclarer irrecevable la demande nouvelle en appel au titre de l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement sans rechercher, même d'office, si cette demande n'était pas la conséquence ou le complément nécessaire de la demande de la salariée tendant à dire le licenciement à titre principal nul, à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 12-6-2024 n° 23-13.975 FS-B).

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