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Enlèvement international d’enfant : condamnation du formalisme procédural excessif

Le juge du fond fait preuve d'un formalisme excessif en constatant la caducité de l’appel de la mère, faute d’avoir signifié celui-ci à tous les intimés y compris le procureur général, alors que ce dernier avait conclu et que l’appel avait été signifié au père.

Cass. 2e civ. 23-5-2024 n° 22-11.175 FS-B


Par David LAMBERT, Avocat à Paris
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©Getty Images

Un couple ayant un enfant vit en Ukraine. Le père déplace l’enfant d'Ukraine en France. La mère saisit l'autorité ukrainienne d'une demande de retour de l'enfant, sur le fondement de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Le procureur de la République d'un tribunal judiciaire assigne le père devant un juge français à cette fin, tandis que la mère intervient volontairement à l'instance. Le tribunal juge que le déplacement de l'enfant est illicite mais que l'enfant s’est intégré en France ; il rejette donc la demande de retour. Appel de la mère, intimant le père et le procureur général. Le président de la chambre saisie déclare caduque la déclaration d'appel en constatant que l'appelante (la mère) n'a signifié sa déclaration d'appel qu’au père et non au procureur général. La mère fait appel de cette ordonnance, lequel est rejeté.

Pourvoi. Le moyen souligne d’abord (1e branche) que la règle posée par l'article 905-1 du Code de procédure civile (obligeant à signifier la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe) ne vaut que pour remédier au défaut de constitution d’avocat. Le ministère public, étant dispensé de constituer avocat lorsqu'il est partie à l'instance d'appel, l'appelant est par conséquent lui-même dispensé de signifier la déclaration d'appel au procureur général. Le moyen ajoute par ailleurs (2e branche) que cette obligation revient à lui imposer une charge procédurale inutile dont la sanction le prive définitivement de son droit de former appel principal et constitue en conséquence une atteinte disproportionnée et injustifiée au droit d'accès au juge consacré par l'article 6, § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Rejet de la première branche mais cassation sur la seconde. La Cour de cassation cite notamment un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme, lequel a retenu, en vertu de la convention de La Haye et de l'article 6, § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qu'au vu des conséquences entraînées par l'irrecevabilité du pourvoi provoqué du père, tenant essentiellement à l'irrecevabilité du pourvoi principal due à une négligence du procureur qui avait un rôle central et particulier dans la procédure de retour immédiat des enfants sur le fondement de la convention de La Haye, le père s'était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge (CEDH 5-11-2015 n° 21444/11, Henrioud c/ France). La cour d’appel a fait preuve d'un formalisme excessif en faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée sur le fondement de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 l'obligation pour l'appelant de signifier sa déclaration d'appel à tous les intimés, y compris le procureur général, alors qu'elle avait constaté que le procureur général avait conclu devant elle et que la déclaration d'appel avait été signifiée au père.

A noter :

Comme le relève David Lambert, coauteur du Mémento Droit de la famille, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation suit la première en écartant certaines règles de procédure civile pour formalisme excessif, sur le fondement de l’article 6, § 1 de la convention européenne des droits de l’Homme, c’est-à-dire le droit d’accès à un tribunal (Cass. 1e civ. 5-4-2023 n° 22-21.863 : FS-B : BPAT 3/23 inf. 126), à la suite d’un arrêt de la CEDH condamnant la France rendu en 2015. On notera que les circonstances sont différentes : dans l’arrêt de la première chambre civile, comme dans l’affaire soumise à la CEDH, était en cause la négligence procédurale du parquet, lequel a en France un rôle central dans la procédure de retour résultant de la convention de La Haye de 1980. Dans l’affaire commentée, la négligence avait été commise par le parent victime de l’enlèvement. La solution paraît moins justifiée.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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