Une mesure d’instruction peut être ordonnée en référé ou sur requête s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant un procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige (CPC art. 145 ; mesure d’instruction dite « préventive » ou « in futurum »).
Afin de pouvoir estimer son préjudice avant d'engager une action en concurrence déloyale, le concurrent d’une société anonyme (SA) demande au juge des référés d’ordonner que celle-ci lui communique une situation comptable en cours d’exercice certifiée par son commissaire aux comptes. La SA s'y oppose en faisant valoir qu’elle ne dispose pas d’un tel document, que la loi ne lui impose pas d’établir.
Une cour d’appel condamne la SA à fournir cet état comptable, en considérant qu’il n’existait aucun obstacle l’empêchant de produire des comptes trimestriels ou semestriels et de les faire certifier par son commissaire aux comptes.
La Cour de cassation censure cette décision (Cass. com. 27-9-2023 n° 21-21.995 F-B) : la cour d’appel ne pouvait pas condamner la SA à fournir une situation comptable intermédiaire sans constater que celle-ci détenait un tel document.
A noter :
1° Les sociétés commerciales sont tenues d’établir des comptes annuels à la clôture de leur exercice (C. com. art. L 123-12, al. 3 et L 232-1, I). Dans les sociétés dotées d’un commissaire aux comptes, ces comptes doivent être certifiés par ce dernier (C. com. art. L 823-9, al. 1).
Les sociétés peuvent également arrêter des comptes en cours d’exercice en établissant une situation comptable intermédiaire (ou état comptable intermédiaire). Elles ne sont toutefois tenues de le faire que dans certaines situations prévues par la loi, par exemple en cas de distribution d’acomptes sur dividendes (C. com. art. L 232-12), de fusion entre sociétés par actions (C. com. art. R 236-4) ou lorsqu'un rapport financier semestriel est publié dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (C. mon. fin. art. L 451-1-2, III). Tel n’était pas le cas en l’espèce.
2° Constituent des mesures légalement admissibles au sens de l’article 145 du Code de procédure civile les mesures d’instruction circonscrites dans le temps et leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi ; à cet égard, il incombe au juge de vérifier si la mesure est nécessaire à l’exercice du droit de la preuve du demandeur et proportionnée aux intérêts en présence (Cass. 2e civ. 24-3-2022 n° 20-21.925 F-B : RJDA 6/22 n° 380 ; Cass. com. 28-6-2023 n° 22-11.752 F-B : RJDA 11/23 n° 630). La solution de l’arrêt commenté, à notre connaissance nouvelle, complète cette jurisprudence.
Documents et liens associés :
Cass. com. 27-9-2023 n° 21-21.995 F-B Sté Creacard c/ Sté MT Tel