La prorogation de la société est décidée à l'unanimité des associés, ou, si les statuts le prévoient, à la majorité prévue pour la modification de ceux-ci. Un an au moins avant la date d'expiration de la société, les associés doivent être consultés à l'effet de décider si la société doit être prorogée (C. civ. art. 1844-6, al. 1).
Lorsque les associés d'une société n'ont pas été consultés avant son terme, tout associé peut, dans un délai d'un an, demander au président du tribunal de commerce statuant sur requête de constater l'intention des associés de proroger la société et d'autoriser, dans un délai de trois mois, la consultation des associés aux fins de régulariser la situation en désignant, le cas échéant, un mandataire de justice chargé de provoquer cette consultation (C. civ. art. 1844-6, al. 4).
Saisi sur ce fondement par un associé d'un groupement forestier agricole (GFA) dont le terme avait expiré depuis moins d'un an, le président d'un tribunal judiciaire constate l'intention des associés du GFA de proroger sa durée et les autorise à procéder à une consultation en vue de régulariser la situation. Un autre associé du GFA conteste cette décision en faisant valoir, d'une part, que les associés du GFA n'avaient pas omis de bonne foi de proroger le GFA avant son terme et, d'autre part, que le président du tribunal ne pouvait pas autoriser la consultation des associés pour régulariser la situation sans constater leur consentement unanime à cette décision.
La Cour de cassation écarte ces arguments (Cass. com. 30-8-2023 n° 22-12.084 F-B) aux motifs suivants. La procédure de prorogation d'une société après son terme peut être enclenchée quelle que soit la raison pour laquelle la consultation des associés à ce sujet n'a pas eu lieu. Lorsque les statuts de la société prévoient que la prorogation peut être décidée à la majorité qu'ils fixent, ce qui était le cas en l'espèce, il suffit au président de constater que des associés représentant au moins cette majorité ont l'intention de proroger la société.
A noter :
L'arrivée du terme entraîne la dissolution de plein droit de la société (C. com. art. 1844-7, 1°). Toutefois, la loi 2019-744 du 19 juillet 2019, dite « Soilihi », a introduit à l'article 1844-6, al. 4 du Code civil une procédure permettant de proroger la société après son terme que la Cour de cassation applique ici pour la première fois à notre connaissance, en apportant deux précisions quant aux conditions d'application de cette procédure.
La procédure de prorogation après le terme est subordonnée à une condition préalable : l'absence de consultation des associés laquelle doit en principe être organisée un an au moins avant la date d'expiration de la société (C. civ. art. 1844-6, al. 2 et 4). Les motifs ayant conduit à ne pas consulter les associés en vue de proroger la société ne sont pas à prendre en compte, affirme la Cour de cassation dans la présente décision, refusant ainsi d'ajouter une condition non prévue par les textes. Cette absence de consultation des associés peut donc résulter d'une omission involontaire ou d'une abstention volontaire sans que cela prive les associés de la faculté de proroger la société après son terme. En revanche, il résulte, à notre avis, de la lettre de l'article 1844-6 du Code civil que la faculté de proroger une société après son terme n'est pas ouverte lorsque les associés ont été consultés et qu'ils ont refusé de voter en faveur de la prorogation de la société.
La Cour de cassation précise également que l'intention de proroger la société n'a pas à être constatée chez l'ensemble des associés, mettant ainsi fin aux incertitudes de la doctrine sur ce point (Ph. Emy et B. Saintourens, Les dispositions de la loi du 10 juillet 2019 relatives à toutes les sociétés, aux sociétés civiles et aux SARL : Rev. sociétés 2019 p. 655 n° 20). Ce faisant, elle aligne les conditions de majorité requises pour proroger la société après son terme sur celles prévues pour adopter cette modification avant le terme. En l’espèce, le juge s’était fondé sur un procès-verbal d’huissier de justice mentionnant les associés favorables à la prorogation.
Bien que la décision ne mentionne que la majorité statutaire, la solution nous semble également transposable lorsque les conditions de majorité sont prévues par un texte.
Rendu à propos d'un GFA, la solution est transposable à toutes les sociétés civiles ou commerciales.
Documents et liens associés
Cass. com. 30-8-2023 n° 22-12.084 F-B
Envie d'aller plus loin ? Découvrez Innéo Entreprise, le portail métier en ligne structuré autour des fonctions dédiées de l’entreprise
Vous êtes abonné ? Accédez à Innéo Entreprise où que vous soyez
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès à la solution documentaire Innéo Entreprise pendant 10 jours.