Un usufruitier consent à la Safer Provence Alpes Côte d’Azur une convention de mise à disposition de terres agricoles. Le nu-propriétaire, qui n’a pas donné son accord, obtient l’annulation de cette convention car son concours à l’acte était nécessaire.
La Cour de cassation confirme. La condition de concours du nu-propriétaire s’applique à tous les baux portant sur un fonds rural, qu’ils paraissent ou non soumis au statut du fermage lors de la conclusion du contrat. Au cas particulier, la convention de mise à disposition, même si elle déroge au statut du fermage (C. rur. art. L 411-1), s’analyse en un bail rural sur un fonds rural et nécessite donc l’accord du nu-propriétaire. La Haute Juridiction ajoute que la lettre recommandée avec accusé de réception informant le nu-propriétaire de la conclusion de la convention litigieuse et l’absence d’opposition pendant un an ne peuvent pas valoir autorisation de conclure l’acte ni justifier une demande d’autorisation judiciaire de la convention au cours de l’instance. L’autorisation judiciaire de conclure l’acte, en cas de refus du nu-propriétaire, ne peut pas être donnée a posteriori pour régulariser la situation.
À noter : Pour donner à bail un fonds rural, l’usufruitier doit, soit obtenir le concours du nu-propriétaire, soit être autorisé en justice à passer seul l’acte (C. civ. art. 595, al. 4). Traditionnellement, la doctrine et la jurisprudence limitaient l’application de cette règle à la conclusion des baux soumis au statut du fermage et du métayage ou susceptibles de l’être (F. Roussel et P. Viudès, L’usufruitier peut-il encore conclure seul un bail rural ? : SNH 11/19 inf. 10) ; ainsi notamment pour les petites parcelles (Cass. 3e civ. 14-11-1972 : D. 1973 p. 252 note G. Chesné).
Or, récemment et pour la première fois, la Cour de cassation a étendu le champ de l’autorisation obligatoire du nu-propriétaire en retenant comme critère l’existence d’un bail rural et non sa soumission au statut du fermage et métayage. Elle a ainsi jugé qu’une convention pluriannuelle de pâturage ne pouvait pas être conclue par l’usufruitier seul, considérant que si cette convention n’est pas soumise au statut du fermage, elle constitue un bail portant sur un fonds rural (Cass. 3e civ. 29-11-2018 n° 17-17.442 FS-PBI : SNH 42/18 inf. 6).
Dans l’espèce commentée ici, la Haute Juridiction applique ce principe à une convention de mise à disposition au profit d’une Safer (C. rur. art. L 142-6). Cette convention – dérogatoire au statut du fermage – a la nature juridique d’un bail rural dans la mesure où elle opère un transfert de jouissance des immeubles au profit de la Safer territorialement compétente et où ce transfert se fait à titre onéreux. L’accord exprès du nu-propriétaire était donc nécessaire.
Juliette COURQUIN
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Patrimoine n° 3063
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