En mai 2019, un agent commercial demande la résiliation judiciaire du contrat d'agence aux torts de son mandant, lui reprochant le non-paiement de commissions, la violation de l’exclusivité accordée et un défaut de coopération. Il lui réclame le paiement, outre des commissions, d'une indemnité de cessation du contrat et d'une indemnité compensatrice de préavis. Reconventionnellement, le mandant sollicite la résiliation du contrat aux torts de l’agent pour faute grave : l’agent n’a pas d’indépendance financière suffisante et il n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour prospecter la clientèle et développer les ventes.
Une cour d’appel retient la faute grave de l’agent, dont elle rejette les demandes indemnitaires. Elle fixe la date de cette faute et de la résiliation du contrat au 18 avril 2018, date d’une lettre adressée par l’agent à son mandant par laquelle il lui indiquait n’avoir plus les moyens financiers de voyager et d’assurer certains rendez-vous avec des clients depuis que le mandant ne lui versait plus l’avance sur commissions convenue. La cour d’appel fixe le montant de ses commissions en retenant que le contrat a cessé à cette date.
La Cour de cassation censure cette décision : d’une part, le mandant avait, par lettre du 19 janvier 2019, déclaré à l'agent vouloir la poursuite du contrat, ce dont il se déduisait que, à la date du 18 avril 2018, la faute reprochée à l’agent commercial ne présentait pas les caractères de la faute grave ; d'autre part, la relation contractuelle s'était poursuivie, fût-ce de façon résiduelle, jusqu'en août 2021.
A noter :
La faute grave de l’agent commercial prive ce dernier d’un droit de préavis et d’une indemnité réparatrice en cas de rupture du contrat (C. com. art. L 134-11 et L 134-12).
Est qualifiée de grave la faute qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel (Cass. com. 29-6-2022 n° 20-13.228 F-B : RJDA 11/22 n° 625).
Mais cette qualification est écartée lorsque le mandant a toléré le comportement de l’agent (Cass. com. 11-6-2002 n° 98-21.916 F-D : RJDA 11/02 n° 1132 pour un mandant n'ayant jamais invoqué l'existence d'une faute grave de l'agent avant que ce dernier le poursuive en justice pour obtenir une indemnité de rupture ; Cass. com. 8-12-2009 n° 08-17.749 F-PB : RJDA 3/10 n° 235 à propos d’un mandant ayant toléré le comportement de l’agent pendant deux ans). En pratique, le mandant qui reproche des manquements professionnels à son agent commercial doit s'en prévaloir immédiatement.
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