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GPA : reconnaissance du jugement étranger établissant la filiation

L'ordre public international français ne saurait faire obstacle à l'exequatur d'une décision établissant la filiation d'un enfant né à l'étranger à l'issue d'une GPA au seul motif que le parent concerné n'aurait pas de lien biologique avec l'enfant.

Cass. 1e civ. 14-11-2024 n° 23-50.016 FS-BR


Par David LAMBERT, Avocat à Paris
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©Getty Images

Une femme conclut une convention de gestation pour autrui avec une autre femme au Canada, l'enfant étant conçu avec les gamètes de deux tiers donneurs. Elle obtient ensuite une décision d'une cour canadienne déclarant qu'elle est le seul parent de l'enfant né de la GPA et qu'elle détiendra sa garde exclusive et l'ensemble des droits et responsabilités parentaux à son égard. Elle assigne le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris pour voir prononcer l'exequatur du jugement canadien et juger que celui-ci produirait les effets d'une adoption plénière. Elle obtient gain de cause, en première instance comme en appel. Un pourvoi est formé. Le procureur général reproche à la décision étrangère d'être contraire à l'ordre public international dans la mesure où la mère d'intention n'avait aucun lien biologique avec l'enfant et de faire produire à l'ordonnance canadienne les effets d'une adoption plénière, ce qui constitue une révision prohibée de la décision étrangère.

Cassation partielle. La Cour rappelle le principe de la reconnaissance de plein droit des décisions étrangères en matière d'état des personnes, ce qui n'empêche pas un contrôle a posteriori de leur régularité internationale, et notamment de leur conformité à l'ordre public international. 

Or l'ordre public international inclut les droits reconnus par la convention européenne des droits de l'Homme dont son article 8, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH avis consultatif du 10-4-2019 n° 16-2018-001). Il résulte de ce texte qu'au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, la circonstance que la naissance d'un enfant à l'étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, ne peut à elle seule faire obstacle à la reconnaissance en France des liens de filiation établis à l'étranger tant à l'égard du parent biologique qu'à l'égard du parent d'intention (Cass. ass. plén. 4-10-2019 n° 10-19.053 PBRI : BPAT 6/19 inf. 238). En outre, aucun principe essentiel du droit français n'interdit la reconnaissance en France d'une filiation établie à l'étranger qui ne correspondrait pas à la réalité biologique. L'ordre public international ne peut donc faire obstacle à l'exequatur.

Cependant, compte tenu, d'une part, des risques de vulnérabilité des parties à la convention de gestation pour autrui et des dangers inhérents à ces pratiques, et, d'autre part, des droits fondamentaux en jeu, le juge doit être en mesure de procéder à certaines vérifications : à travers la motivation de la décision ou les documents de nature à servir d'équivalent qui lui sont fournis, il doit pouvoir :

- identifier la qualité des personnes mentionnées qui ont participé au projet parental d'autrui ;

- et s'assurer qu'il a été constaté que les parties à la convention de gestation pour autrui, en premier lieu la mère porteuse, ont consenti à cette convention, dans ses modalités comme dans ses effets sur leurs droits parentaux.

Ce qui était le cas en l'espèce (la Cour relevant que le consentement a été signé après la naissance).

La Haute Juridiction casse partiellement l'arrêt pour avoir jugé que la décision étrangère produisait les effets d'une adoption plénière alors qu'il ne s'agissait pas d'un jugement d'adoption. Elle rappelle que lorsque, sans prononcer d'adoption, un jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une GPA, est revêtu de l'exequatur, cette filiation est reconnue en tant que telle en France et produit les effets qui lui sont attachés conformément à la loi applicable à chacun de ces effets.

A noter :

David Lambert, avocat à la cour, souligne que la Cour confirme sa très récente jurisprudence sur la reconnaissance « directe » de la filiation issue d'une GPA via l'exequatur du jugement étranger sans passer par le truchement de l'adoption (Cass. 1e civ. 2-10-2024 n° 23-50.002 FS-BR : BPAT 6/24 inf. 221).

Elle rappelle qu'une telle reconnaissance n'est pas contraire à l'ordre public international, même à l'égard du parent d'intention dépourvu de lien biologique avec l'enfant, ce qui ne faisait guère de doute au regard de la jurisprudence française.L'exigence de conformité à la « réalité biologique » ne s'applique qu'en cas de transcription d'un acte de naissance étranger établissant une filiation à l'égard du parent d'intention, le législateur ayant modifié l'article 47 du Code civil relatif à la transcription des actes d'état civil étrangers, pour prévoir désormais que la réalité des faits déclarés dans l'acte d'état civil étranger « est appréciée au regard de la loi française » et non plus, comme le faisait la jurisprudence, au regard de la loi étrangère (Loi 2021-1017 du 2-8-2021 art. 7 venu briser la jurisprudence issue de Cass. 1e civ. 18-12-2019 n° 18-12.327 FS-PBRI : SNH 4/20 inf. 4). Or il était ici question d'exequatur d'un jugement et non de transcription d'un acte d'état civil.

La Cour rappelle également l'importance de la motivation de la décision étrangère pour qu'elle puisse s'assurer du consentement des parties à la convention de GPA, en premier lieu la mère porteuse (Cass. 1e civ. 2-10-2024 n° 23-50.002 précité et Cass. 1e civ 2-10-2024 n° 22-20.883 FS-BR : SNH 35/24 inf. 6 refusant la reconnaissance pour contrariété à l'ordre public international de procédure en raison du défaut de motivation).

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