Une Polonaise et un Français se marient en France. Un enfant naît de cette union. La mère quitte la France pour se rendre en Pologne où elle dépose une requête en divorce. Elle obtient du tribunal polonais que la résidence de l’enfant soit fixée chez elle. Puis elle dépose une requête en déclaration de constatation de la force exécutoire de la décision polonaise en France. Peu après, le père saisit un juge aux affaires familiales français, aux fins de voir fixer les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. La mère soulève l’exception de litispendance internationale à l’encontre de cette action. Celle-ci est rejetée et le juge français, statuant ensuite au fond, fixe la résidence de l’enfant chez son père. La cour d’appel confirme le rejet de l’exception de litispendance. Il est prévu que « lorsque des actions relatives à la responsabilité parentale à l'égard d'un enfant, ayant le même objet et la même cause, sont introduites auprès de juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie » (Règl. 2201/2003 du 27-11-2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II bis », art. 19.2). Or, selon la cour, il ne peut y avoir de litispendance car l’objet principal des demandes principales est différent :
La mère a saisi les tribunaux polonais à titre principal d’une demande en divorce ; la demande en matière de responsabilité parentale est accessoire et fondée sur la prorogation de compétence prévue par l’article 12 du Règlement (prorogation de la compétence des juridictions du divorce pour statuer en matière de responsabilité parentale, à certaines conditions, notamment l’accord de tous les titulaires de la responsabilité parentale).
L’action du père en France constitue en revanche une action relative à la responsabilité parentale.
Cassation. L'article 19, § 2, du Règlement ne distingue pas selon que l'action relative à la responsabilité parentale a été engagée à titre principal ou à titre de prorogation de compétence, c’est-à-dire sur le fondement respectivement de l'article 8 ou 12, § 1 du Règlement. Elle casse par voie de conséquence le rejet de la demande de la mère tendant à voir déclarer exécutoire sur le territoire français l'ordonnance polonaise pour inconciliabilité avec la décision française au fond ayant fixé la résidence de l’enfant chez son père.
A noter :
David Lambert, avocat, souligne que cette décision est intéressante. Elle est conforme à la jurisprudence de la Cour de Justice développée à propos de la Convention de Bruxelles du 27-9-1968 et du Règlement dit « Bruxelles I » (Règl. 44/2001 du 22-12-2000), aujourd’hui remplacés par le règlement dit « Bruxelles I bis » (Règl. 1215/2012 du 1-12-2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale). Celle-ci prône une interprétation souple des notions d’identité de cause et d’objet, laquelle ne saurait se réduire à l’identité formelle des deux demandes (CJCE 8-12-1987 aff. 144/86).
Il est admis en doctrine que cette jurisprudence est transposable aux autres textes européens sur la compétence, dans la mesure où leur formulation est identique. La solution est transposable au règlement dit « Bruxelles II ter » (Régl. 2019/1111 du 25-6-2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale), ainsi qu'à l'enlèvement international d'enfants qui remplace Bruxelles II bis (art. 20 qui reprend l’article 19 de Bruxelles II bis).