De jurisprudence constance, l’employeur manque à son obligation de sécurité de résultat lorsque l’un de ses salariés est victime de harcèlement moral ou sexuel de la part d’un collègue, et ce même s’il prend les mesures nécessaires pour y mettre fin (Cass. soc. 3-2-2010 n° 08-44.019 ; Cass. soc. 11-3-2015 n° 13-18.603).
Encore récemment, la prise d’acte par le salarié de la rupture de son contrat pour un tel motif était systématiquement jugée justifiée (Cass. soc. 3-2-2010 n° 08-44.019 ; Cass. soc. 19-1-2012 n° 10-20.935). Mais il est désormais exigé par la Cour de cassation, pour que la prise d’acte de la rupture soit justifiée, que le manquement reproché à l’employeur soit tel qu’il rende impossible la poursuite de la relation contractuelle (Cass. soc. 26-3-2014 n° 12-23.634, 12-35.040, 12-21.372 ; Cass. soc. 12-6-2014 n° 13-11.448 et 12-29.063), ce qu’il appartient aux juges du fond de vérifier.
Un arrêt du 8 juillet 2015 illustre cette évolution de la jurisprudence. Dans cette affaire, une salariée avait, juste avant son retour d’un congé parental ayant immédiatement succédé à un congé de maternité, pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison du harcèlement moral infligé par son supérieur hiérarchique, et dont elle avait informé son employeur avant son départ en congé.
Pour faire juger que cette prise d’acte devait produire les effets d’une démission, l’employeur faisait valoir notamment que les faits étaient anciens, compte tenu de l’absence de la salariée qui était sans lien avec le harcèlement subi, et que l’auteur des agissements avait été licencié depuis la rupture du contrat de la victime.
Les juges du fond, approuvés par la Haute Juridiction, ont décidé que la situation en cause rendait impossible la poursuite de la relation contractuelle et que la prise d’acte de la rupture de son contrat par la salariée devait produire les effets d’un licenciement nul (en application de l’article L 1152-3 du Code du travail). En effet, au jour de la prise d’acte, et alors que l’employeur était informé depuis longtemps de la situation de harcèlement, ce dernier n’avait pris aucune mesure pour le faire cesser. L’auteur des faits était toujours en poste et n’avait pas été licencié, de sorte que la salariée pouvait légitimement craindre que ces agissements se reproduisent.
Il ressort en filigrane de cette décision que, pour les juges, la principale réponse appropriée pour mettre fin à une situation de harcèlement est le licenciement de son auteur. Peu importe toutefois qu’un tel licenciement soit intervenu ultérieurement, car c’est au jour de la rupture du contrat de travail matérialisée par la prise d’acte que les juges apprécient la gravité des manquements invoqués.
A notre avis :
A contrario, si l’employeur avait licencié l’auteur du harcèlement au moment où il en avait été informé, ou du moins avant que la salariée ait pris acte de la rupture de son contrat, les juges du fond auraient sans doute jugé possible la poursuite de la relation contractuelle.