Un employeur avait refusé de payer à un délégué syndical ses heures de délégation, au motif qu’il les avait accomplies en dehors de son temps de travail sans produire d’élément démontrant la nécessité d’une telle utilisation. Le délégué avait saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes afin d’obtenir la condamnation de son employeur au paiement de ces heures. La cour d’appel ayant accueilli sa demande, l’employeur avait formé un pourvoi, lequel est rejeté par la chambre sociale de la Cour de cassation.
La chambre sociale énonce tout d’abord les règles applicables : il résulte de l’article L 2143-17 du Code du travail que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu’elles soient prises pendant ou hors des heures habituelles de travail, doivent être payées à l’échéance normale et que l’employeur ne peut saisir la juridiction prud’homale pour contester l’usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l’exercice de leur mandat qu’après l’avoir payé.
Puis elle applique ces règles à l’espèce dont elle était saisie : ayant constaté que la demande du délégué n’excédait pas son crédit d’heures et que l’employeur qui contestait l’utilisation de ces heures de délégation en dehors des heures habituelles de travail ne les avait pas payées à l’échéance normale, la cour d’appel avait exactement décidé que la créance du salarié n’était pas sérieusement contestable, à concurrence d’un montant qu’elle avait souverainement apprécié. Elle n'avait pas porté atteinte au droit de l’employeur d’établir devant les juges du fond, à l’appui de sa contestation, la non-conformité de ces heures de délégation avec l’objet du mandat représentatif.
Ce faisant, la chambre sociale s'inscrit dans le prolongement d'une jurisprudence antérieure. L'employeur peut contester l'usage des heures de délégation d'un représentant du personnel, mais seulement après les avoir payées, qu'il s'agisse d'heures prises sur le temps de travail ou en dehors de celui-ci (Cass. soc. 28-2-1989 n° 85-45.488 : RJS 4/89 n° 341). Si les heures ne sont pas payées à l'échéance, le salarié peut saisir le juge des référés. Dans un tel cas, l'employeur ne peut pas invoquer une mauvaise utilisation des heures de délégation ou, le cas échéant, l'absence de justification par le salarié de la nécessité d'avoir exercé son mandat en dehors de ses heures normales de travail. De tels moyens sont irrecevables car soulevés en violation de l'article L 2143-17 du Code du travail imposant le paiement préalable à la contestation (Cass. soc. 9-12-1985 n° 84-44.252 ; Cass. soc. 30-1-2002 n° 00-45.024).
A notre avis : bien que confirmative, cette décision est appelée à être publiée au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. On peut voir dans cette publication la volonté d'un rappel affiché et assumé. Mais peut-être aussi celle d'indiquer aux plaideurs le caractère inopérant de l'invocation d'une atteinte aux droits de la défense tels que garantis par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Ce texte était en effet invoqué par l’employeur. Quoique ne faisant pas expressément référence à la Convention, l'arrêt répond néanmoins au moyen, en relevant que la solution ne porte pas atteinte au droit de l'employeur d'établir devant les juges du fond, à l'appui de sa contestation, la non-conformité de l'utilisation de ces heures de délégation avec l'objet du mandat représentatif. Le recours à cette Convention apparaît en effet artificiel, car cette dernière n'interdit pas aux Etats d'édicter une obligation préalable de paiement avant contestation du bien-fondé d’une créance. Or, c'est bien de cela et des conséquences qui en découlent nécessairement en termes de procédure dont il s'agit en matière d'heures de délégation.
Pour en savoir plus : voir Mémento social nos 62600 s.