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Les implications fiscales des ERP ou comment le fiscal tient désormais l'informatique en l'état


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1. Aujourd'hui largement généralisé, le recours à un ERP (« Enterprise Resource Planning », autrement appelé programme de gestion intégré), s'avère dans bien des cas pleinement pertinent d'un point de vue opérationnel, facilitant d'autant l'intégration de données de toute nature dans les applicatifs des entreprises. Pourtant, et sans pour autant contester ce caractère pleinement opérant, la décision de recourir à un ERP n'est pas anodine sur le plan fiscal. De la constitution du fichier des écritures comptables (FEC) à la production des factures dématérialisées, en passant par l'élaboration du nouveau reporting prix de transfert ou bien encore la mise en œuvre de la réforme sur la piste d'audit fiable, le choix d'un ERP se doit, aujourd'hui sans doute plus qu'hier, d'intégrer la fonction fiscale.

2. En considération des sanctions souvent très lourdes susceptibles de découler d'une erreur de paramétrage ou du codage d'un mauvais algorithme, la présente analyse se propose de faire utilement le point sur les principaux écueils fiscaux des ERP.

Un exercice de taxinomie nous conduira ainsi à analyser dans un premier temps et dans un souci au surplus pédagogique, les pièges fiscaux liés à l'intégration des données (I). Ce sont tout à la fois du reste les données fiscales et les données de pure gestion qui sont susceptibles de générer des difficultés. Dans un second temps, la présente analyse se fixera davantage autour des implications fiscales de l'intégration des documents qui, gérés au niveau des ERP, sont susceptibles d'emporter un certain nombre d'implications fiscales dommageables (II).

I. Les implications fiscales liées à l'intégration des données dans les ERP

3. Ce sont deux types de données qui, à titre principal et illustratif, sont susceptibles d'emporter des implications fiscales importantes et qui se devront notamment de faire l'objet d'une attention toute particulière de la part des services informatiques.

Ainsi, l'intégration dans les ERP de données comptables (a) est à l'origine d'incidences majeures en matière fiscale. La production du fichier des écritures comptables mais également la réglementation liées à la procédure du contrôle fiscal des comptabilités informatisées, demeurent ainsi à l'origine de vicissitudes qui, mal maîtrisées, peuvent s'avérer lourdes de conséquences sur le plan pécuniaire.

Mais ce ne sont pas là les seules incidences fiscales des ERP.

L'intégration de données non spécifiquement comptables (b), données de pure gestion, par exemple, engendre à l'identique de fortes implications fiscales. Tel est notamment le cas de l'obligation pour certaines entreprises de satisfaire à l'obligation de documenter leur prix de transfert voire même de sacrifier à l'obligation de reporting pays par pays (obligation dite Country By Country Reporting). Cette obligation est pleinement caractéristique de la nécessité d'adapter utilement les ERP afin de répondre parfaitement à ces nouvelles réglementations.

Ces deux illustrations serviront de ligne directrice à nos développements.

a. Les implications fiscales liées à l'intégration de données comptables

4. Ce sont deux types d'implication qui, à titre principal, découlent de l'intégration des données comptables dans les ERP. En premier lieu, l'obligation désormais généralisée de constituer un fichier des écritures comptables préalablement à toute procédure de vérification fiscale, se doit d'être largement anticipée, conditionnant d'autant la conformité fiscale de l'ERP. Par ailleurs, la réglementation liée à la procédure de contrôle fiscal des comptabilités informatisées, nécessite d'adapter son ERP afin d'être en capacité de répondre favorablement à une telle procédure.

La constitution du fichier des écritures comptables

5. L'obligation, au titre des avis de vérification reçus depuis le 1er janvier 2014, de constituer un fichier des écritures comptables, contraint les entreprises à disposer d'un ERP répondant aux exigences de l'administration fiscale.

6. Nous rappellerons à ce sujet et pour mémoire que ce fichier, dont la production demeure obligatoire, se doit de comporter en fonction de la cédule d'imposition, un certain nombre de rubriques obligatoires.

Ainsi, pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, ce ne sont pas moins de 18 rubriques (potentiellement 19 si l'on adjoint le code établissement) qui se doivent de composer le FEC.

De la date de comptabilisation de l'écriture comptable à la date de validation de ladite écriture, en passant par le code journal, le FEC s'avère être une arme redoutable entre les mains de l'administration fiscale qui dispose ainsi d'un moyen efficace pour détecter les potentielles incohérences de la comptabilité informatisée du contribuable.

La transmission de ce fichier permettra à l'administration fiscale de disposer des informations et données utiles à la réalisation des opérations de vérification, le fichier devant normalement lui être remis, préalablement à toute procédure de vérification des comptabilités.

7. La principale difficulté s'agissant de la constitution du FEC tient à l'impossibilité pour certains ERP de générer de manière autonome et automatique les reports à nouveau, lesquels devraient théoriquement posséder les caractéristiques de données liminaires dans le fichier des écritures comptables.

Ce n'est là du reste qu'une illustration purement indicative des difficultés auxquelles peut se trouver confrontée l'entreprise face à un ERP qui, dans ses fonctionnalités fiscales, lui échappe. Une autre difficulté peut également être observée lorsque la comptabilité est tenue en norme étrangère (US GAAP) sans plan de conversion français (FRANCH GAAP) dans l'ERP.

8. Même si une certaine souplesse d'interprétation était jusqu'à récemment admise par l'administration fiscale, il n'est plus du tout certain que cette tolérance puisse aujourd'hui prévaloir ; des accommodements devront dés lors être trouvés auprès des éditeurs afin de pallier ces inconvénients d'autant que la sanction en cas de manquements est à la hauteur des enjeux.

En effet, en sus d'une amende pouvant aller jusqu'à 10 % du montant des droits rehaussés, les sanctions fiscales inhérentes à l'opposition à contrôle fiscal sont susceptibles d'être encourues par le contribuable impénitent qui n'aura pas pris soin de s'assurer de la conformité fiscale de son ERP.

9. Là encore, la vigilance est de mise d'autant que la plupart des ERP qui sont susceptibles de soulever difficulté sont des programmes de gestion intégrée (PGI) qui ne possèdent pas dans leur Etat d'origine d'édition d'une législation nécessairement, du moins dans son interprétation, aussi englobante que notre propre législation.

L'attention devra d'autant plus être grande que l'on sait que la législation actuelle relative au fichier des écritures comptables, est une législation strictement transitoire. L'on sait en effet que dans un avenir proche, ce fichier va s'enrichir de nouvelles rubriques, renforçant d'autant les exigences de pleine conformité des ERP participant à sa constitution.

10. Par ailleurs, il faut s'attendre à voir l'obligation de transmission de ce FEC étendue à toute procédure déclarative, nonobstant l'existence d'une vérification de comptabilité. Pour faire simple, il faut s'attendre à ce que le ficher des écritures comptables soit à constituer et surtout à transmettre préalablement à toute procédure de vérification fiscale, sans soute concomitamment au dépôt de la liasse fiscale.

Un tel mode opératoire aura ainsi pour effet de commuter le statut du fichier des écritures comptables qui passera ainsi du statut d'outil de pilotage à celui de déclencheur du contrôle fiscal.

11. La constitution du fichier des écritures comptables n'est pas le seul point d'attention que l'entreprise devra avoir à destination de son ERP. En sa qualité d'outil intégrant des données comptables, l'ERP est susceptible d'engendrer très clairement de multiples incidences en matière de contrôle fiscal des comptabilités informatisées.

Le contrôle fiscal des comptabilités informatisées

12. Les entreprises le savent bien, une procédure spécifique liée à la réglementation sur le contrôle fiscal des comptabilités informatisées, est susceptible d'emporter un certain nombre de conséquences sur les paramétrages de leur ERP.

13. Nous rappellerons à cet égard et à titre liminaire que cette procédure emporte d'importantes séries d'obligations à l'endroit des sociétés - et elles sont nombreuses ! - qui tiennent leur comptabilité à l'aide d'un outil informatique.

Ainsi, en sus d'une obligation documentaire conséquente (production de cartographies en tout genre, séquestre potentiel des sources documentaires entre les mains d'un tiers habilité…), les entreprises se doivent d'être en capacité de produire, en cas de contrôle fiscal des comptabilités informatisées initié à leur encontre, les données qui concourent directement ou indirectement à la détermination de leur résultat comptable et fiscal.

Par données, il importe de comprendre et d'entendre les informations et les données élémentaires, c'est-à-dire les informations et les données qui alimentent en amont le système informatisé de l'entreprise, celles qui sont intégrées pour la première fois dans le système d'information de l'entreprise.

Cette notion de données élémentaires est fréquemment source de difficultés d'identification et de caractérisation. Les entreprises ont en effet une nette tendance à pécher par excès de prudence en faisant par exemple supporter sur le département informatique de fortes contraintes en terme de granularité d'informations à archiver. Parfois, c'est l'inverse, l'entreprise procédant à l'archivage d'informations ou de données déjà agrégées (i.e. ayant déjà fait l'objet de traitements informatiques), ce qui ne permettra pas nécessairement à l'entreprise de satisfaire à ses obligations d'archivage des données élémentaires. Mais ce n'est pas tout. Le chemin de révision se doit de la même manière et à l'identique d'être rejoué.

14. La notion de chemin de révision et plus spécifiquement de traitements informatiques n'est pas davantage aisée à déterminer d'autant qu'il n'existe, au sein des textes fiscaux, aucune définition véritablement précise de cette notion ( (1) ).

Dans les faits et en pratique, il y a lieu de considérer qu'un traitement informatique se doit d'être défini comme le processus de mutation d'une donnée élémentaire en donnée agrégée ou semi agrégée.

Bien naturellement, une telle obligation de production à destination de l'administration fiscale de ces données à visée comptable, implique que l'entreprise soit en capacité d'archiver correctement les éléments qu'elle doit ainsi être en mesure de produire en cas de procédure de vérification des comptabilités informatisées initiée à son endroit.

Là encore, un ERP mal paramétré ou bien encore mal maîtrisé par l'entreprise sera à l'origine de déconvenues majeures.

15. Nous rappellerons à cet égard qu'en sus du rejet ponctuel d'une charge dont les données élémentaires n'auraient pas été correctement gérées par l'ERP (telles les données permettant le calcul d'une provision), l'entreprise encourt une sanction pouvant aller jusqu'au rejet de sa comptabilité (accompagné de l'amende de 100 % des droits rehaussés, qui s'applique ordinairement dans une telle conjecture).

16. La connaissance et surtout la mise en œuvre du corpus de règles applicables en matière de contrôle fiscal des comptabilités informatisées sont dés lors importantes pour les sociétés qui, dotées d'un ERP, sont souvent liées par les paramétrages initiés par les directions des systèmes d'information (DSI).

Non dotée d'une culture spécifiquement fiscale, ces dernières ont souvent à cœur de satisfaire pleinement aux contraintes budgétaires qui leur sont assignées, lesquelles ne sont pas toujours pleinement compatibles avec les exigences souvent maximalistes de la réglementation en vigueur en matière de contrôle fiscal des comptabilités informatiques.

Aussi, l'on aura pu se convaincre au travers de l'analyse de ces deux illustrations de l'impérieuse nécessité d'introduire la fonction fiscale dans le paramétrage des ERP. Toutefois ce ne sont pas seulement les données spécifiquement comptables qui demeurent source de difficultés. En effet, la gestion de données non spécifiquement comptables par les ERP est à l'identique de nature à générer des difficultés d'ordre fiscal.

b. Les implications fiscales liées à l'intégration de données non spécifiquement comptables

17. Ce sont deux typologies d'implication qui feront l'objet de développements subséquents. Les premières conséquences qui seront abordées auront trait à la toute nouvelle réglementation en matière de prix de transfert. En effet, la nécessité pour certaines sociétés de devoir établir un reporting pays par pays suppose de disposer d'un ERP ou, tout au moins, d'un outil informatique permettant de disposer d'une granularité d'informations suffisante pour répondre aux obligations légales. De la même manière mais dans un tout autre registre, les réglementations relatives à certains crédits d'impôt nécessitent souvent dans leur mode de détermination, la production de données possédant des caractéristiques autres que des caractéristiques purement fiscales dont la gestion, au sein d'un ERP pleinement opérant, peut s'avérer particulièrement salvateur.

La détermination des prix de transfert

18. L'on rappellera à titre schématique que la problématique fiscale des prix de transfert concerne plus spécifiquement les groupes internationaux et plus particulièrement les entités qui, au sein de ces groupes, entretiennent des relations commerciales (biens ou services) à des prix qui peuvent ne pas complètement répondre au principe de pleine concurrence.

Ces entreprises se doivent en effet de documenter à l'aide souvent d'une véritable comptabilité analytique, les prix ainsi pratiqués en recourant, le plus fréquemment, à des données de pure gestion, souvent gérées par les applicatifs de gestion commerciale.

19. Une nouveauté au surplus récente est venue encore étendre davantage l'arsenal mis à la disposition de l'administration fiscale pour un certain nombre d'entreprises qui répondent à des critères nettement identifiés par le législateur fiscal (en termes de chiffre d'affaires notamment).

Ces entreprises devront en effet, à compter du 31 décembre 2017, établir et déposer une déclaration permettant à l'administration fiscale de disposer d'une meilleure visibilité relativement à la répartition des bénéfices et des activités par pays d'implantation.

Ainsi et au titre des informations qui devront être portées à l'attention de l'administration fiscale, le chiffre d'affaires, le résultat avant impôt mais également les actifs et les effectifs des différentes entités devront être ainsi transmis.

20. Dans ce contexte et afin de répondre pleinement aux exigences ainsi édictées par le législateur fiscal, les entreprises devront inexorablement se doter d'outils, notamment informatiques, permettant de garantir et d'assurer la fiabilité des données fiscales remontées.

A n'en pas douter, une telle obligation sera de nature à induire des procédures de vérification nettement plus ciblée, ne se limitant pas à la simple remontée de données exclusivement comptables et fiscales.

Ainsi, les entreprises devront, lors de la procédure de vérification éventuelle, être en capacité de justifier des composantes des prix pratiqués au sein du groupe. Dans cette perspective et en considération de la multiplicité des flux auxquels les entreprises multinationales sont ordinairement confrontées, les sociétés devront afin de justifier pleinement de leur prix, disposer d'une solution permettant de décomposer puis de reconstituer les composantes tarifaires des prix intra-groupes.

21. Outre l'archivage de ces éléments, la solution technique utilisée par l'entreprise se devra d'assurer le rejeu et la reconstitution des prix ainsi pratiqués au sein du groupe. Les données de pure gestion utiles à l'analyse des comparables, devront à l'identique faire l'objet d'une procédure d'archivage au sein de l'entreprise afin d'entériner la politique de prix de transfert adoptée et privilégiée par l'entreprise.

De manière générale, l'on observera un niveau de disponibilité de l'information nettement suffisant avec le niveau de détail requis dans les outils de reporting des groupes de grande taille qui, déjà dotés d'un ERP pleinement efficient, seront en capacité de répondre favorablement aux exigences du texte fiscal.

Dans les groupes dont l'organisation peut s'avérer moins complexe, une solution plus simple voire manuelle, pourra suffire avec cependant la nécessité impérieuse de collecter puis de compiler l'information aux fins de parfaite homogénéisation au sein du groupe. Là encore, le recours à un ERP pleinement opérant pourra s'avérer indispensable.

22. Au-delà même de la problématique des prix de transfert, qui intéresse plus spécifiquement les entités de taille importante, un autre exemple se veut être particulièrement illustratif du rôle grandissant des ERP dans le rôle de gestionnaires de données non spécifiquement comptables. Le cas à cet égard de la détermination de certains crédits d'impôt est particulièrement éclairant.

La détermination de certains crédits d'impôt

23. La réglementation relative à de nombreux crédits d'impôt nécessite la gestion et la conservation de données élémentaires de nature autre que comptable.

Ces données, qui concourent directement ou indirectement à la détermination desdits crédits d'impôt, ont bien naturellement une incidence directe sur les ERP qui se doivent de la même manière d'être correctement paramétrés aux fins de pleine satisfaction des règles fiscales.

Il est en effet patent qu'une maladresse dans l'historisation des données est de nature à contrevenir sérieusement au caractère pleinement efficient du crédit d'impôt litigieux, lequel pourra être valablement remis en cause en cas de procédure de vérification initiée par l'administration fiscale et portant sur les années antérieures.

24. Deux illustrations sont particulièrement éclairantes relativement à l'implication des ERP dans la gestion des crédits d'impôt étant précisé que dans les faits, de nombreux autres crédits d'impôt nécessitent, dans leur détermination, le recours à des données de pure gestion.

Ainsi et en premier lieu, le crédit d'impôt recherche nécessitera-t-il, afin d'être entériné par l'administration fiscale, la production de données de pure gestion (données permettant par exemple d'établir des feuilles de temps issues de système Daily Time Report). Un ERP correctement dimensionné permettra ainsi d'être en capacité de répondre pleinement au service vérificateur qui, notamment dans le cadre d'une demande de traitements, sera en mesure de s'assurer du bien-fondé de la pratique de l'entreprise en terme d'affectation des temps du personnel affecté à la recherche.

A l'identique, la détermination du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, nécessitera la production de données non spécifiquement comptables, tel le matricule d'un salarié ainsi que le code société d'une société concernée. L'ERP se devra par conséquent de disposer de fonctionnalités permettant de déterminer ces éléments qui, ayant la nature de données élémentaires, permettront d'entériner d'autant le calcul du CICE.

Ce ne sont là que quelques exemples qui pourront, à l'aune des caractéristiques intrinsèques de l'entreprise, être utilement complétés.

25. On le voit bien au travers de l'analyse de ces illustrations, que les données soient de nature comptable ou que ces données revêtent les caractéristiques de données non spécifiquement comptables (données de pure gestion par exemple), la nécessité de disposer d'un ERP efficace est d'une importance cruciale pour l'entreprise. Les toutes dernières réformes en matière fiscale confèrent un rôle central à l'informatique. Les manquements avérés aux règles d'archivage de ces données peuvent être à l'origine de sanctions pécuniaires particulièrement lourdes.

Mais au-delà même des données, ce sont également les documents qui, gérés par les ERP, sont susceptibles d'emporter des incidences fiscales dommageables.

II. Les implications fiscales liées à l'intégration des documents dans les ERP

26. Il est, à l'instar de l'exercice de taxinomie conduit au titre de la précédente phase d'analyse, possible de dissocier à des fins de pédagogie, les implications liées à l'intégration des documents comptables et fiscaux (a), des incidences liées à la gestion de documents non spécifiquement comptables (b). Nous aborderons la toute première partie au travers de l'analyse d'un document juridique et fiscal particulièrement impactant : la facture électronique. Le second point sera quant à lui analysé à l'aune de la toute nouvelle réglementation sur la piste d'audit fiable qui impose l'archivage de documents non spécifiquement fiscaux.

a. Les implications fiscales liées à l'intégration de la facturation électronique

27. Deux types de factures électroniques sont de nature à impacter les ERP. Ainsi et en premier lieu, les factures se présentant, par exemple, sous la forme d'un fichier de type WORD, PDF ou bien EXCEL et qui sont signées à l'aide d'une signature électronique, sont de nature à soulever des difficultés. Dans un sens nettement plus restrictif, le législateur confère également la qualité de facture électronique aux factures dématérialisées.

Factures sécurisées au moyen d'une signature électronique

28. Dans sa rédaction, l'article 289, V du CGI autorise les assujettis à transmettre par voie électronique des factures sécurisées à l'aide d'une signature et d'un certificat électronique dédié ( (2) ). Le recours à ce mode de facturation nécessite, pour être véritablement efficient, le respect d'un certain nombre de conditions qui s'imposent sans ambiguïté à l'assujetti et, le cas échéant, à son ERP.

29. Aussi, ce dernier devra, en premier lieu, s'enquérir de l'acceptation du destinataire du message facture émis et adressé selon ces modalités. Deux situations se doivent dès lors d'être différenciées qui varient selon qu'un contrat lie ou non les parties à la facturation électronique.

L'on admet ainsi qu'en présence d'une convention, l'acceptation du destinataire de la facture se doit d'être matérialisée dans l'acte. Il s'agit là d'une condition qui vaut à titre de validité, la convention étant entachée d'une irrégularité certaine en l'absence de clauses spécifiques portant acceptation de l'assujetti concerné. En l'absence de contrat idoine, le destinataire de la donnée facturation, qui n'entendrait pas persévérer dans la voie de la transmission électronique, se doit de faire connaître son refus à l'émetteur dans un délai « raisonnable ».

30. Une fois l'acceptation du destinataire connue, l'émetteur devra encore obtenir une signature et un certificat électronique efficient. Les caractéristiques de ces éléments ont été précisées, ces derniers devant remplir un certain nombre de propriétés nettement identifiées. Il ressort ainsi des règles en vigueur que la signature électronique, telle qu'entendue par l'administration fiscale, se doit tout à la fois d'être propre au signataire, de permettre une identification sans faille du signataire, d'être créée à l'aide d'une technique que le signataire doit pouvoir garder sous son contrôle. La signature électronique doit au surplus permettre de garantir le lien avec les factures auxquelles elle s'attache, de telle sorte que toute modification ultérieure de ces factures soit aisément détectable.

En sus de cette signature, l'assujetti désireux de recourir à ce mode de facturation électronique devra obtenir une certification spécifique, permettant d'attester du lien entre l'identité du signataire et les données de vérification de sa signature électronique.

31. Une fois émises, ces factures tiennent lieu de factures d'origine pour l'application du droit à déduction. Il s'agit là d'un point particulièrement important dès lors qu'il n'apparaît guère douteux que l'impression sur papier d'une facture transmise par voie électronique ne saurait, en aucune manière, constituer une facture d'origine au sens de la législation fiscale. Les contribuables désireux de se prévaloir du droit à déduction attaché à la facturation auront ainsi cure de présenter, puis de conserver, sous son format originel, le « message facture » adressé par l'assujetti.

32. S'agissant de l'obligation de conservation, l'on admet, sur le plan fiscal, que les factures électroniques doivent être conservées, dans leur format original, dans les délais et conditions fixés à l'article L 102 B du LPF. Cette disposition fixe à six ans le délai pendant lequel « les pièces justificatives d'origine relatives à des opérations ouvrant droit à une déduction en matière de taxe sur le chiffre d'affaires » doivent être conservées. Il importe toutefois, dans un souci de réalisme juridique, de combiner ce délai avec celui mentionné à l'article L 123-22 alinéa 2 du Code de commerce qui impose de conserver les factures pendant un délai préfixe de dix ans. Ces délais de conservation ont, naturellement, vocation à s'appliquer à la signature, ainsi qu'au certificat électronique qui, constituant l'accessoire de la facture, reçoit sur ce point le même traitement fiscal. Des délais de conservation spécifiques ont par ailleurs vocation à être appliqués en présence, par exemple, d'exercices déficitaires.

33. Une spécificité tenant au lieu de stockage se doit d'être mentionnée. Les assujettis sont autorisés à stocker, en dehors du territoire national, les factures dématérialisées.

Il importe toutefois, dans cette dernière conjecture, de s'enquérir, auprès de l'Etat concerné, de l'existence d'une convention fiscale conclue avec la France comportant une clause d'assistance mutuelle et permettant un accès en ligne aux factures ainsi stockées (Zone Europe en pratique).

34. Aux termes de ces premiers développements, la question de l'opportunité de recourir à ce mode spécifique de facturation électronique (i.e. factures éditées sous format Word, PDF ou Excel, adressées par voie électronique et sécurisées au moyen d'une signature électronique) suscite quelques réserves. Ce mode opératoire apparaît, à notre avis, peu satisfaisant tant pour l'émetteur que pour le destinataire du message facture. Le problème de l'interopérabilité des certificats électroniques en cas de transactions avec des Etats tiers ne peut, en premier lieu et en l'état actuel des technologies, être complètement occulté ; il n'est pas du tout certain qu'un certificat électronique délivré en France pourra, systématiquement, être lu et reconnu par le système d'information d'un assujetti établi dans un Etat tiers, fragilisant d'autant la situation fiscale de l'émetteur de la donnée facturation qui, rappelons-le, doit s'assurer de l'efficience de la signature et du certificat électronique alloué.

35. Le destinataire de la facture adressée selon les modalités analysées ci-avant, n'est pas davantage à l'abri de toute difficulté. En effet, ce mode de facturation se réduisant, par définition, à l'envoi sécurisé d'un message facture édité sous format Word, PDF ou autres, la facturation électronique ainsi caractérisée ne permettra pas d'alimenter automatiquement le système d'information du destinataire qui devra, le cas échéant, saisir à nouveau les informations figurant sur le fichier adressé. Ce support recouvre dès lors les mêmes inconvénients que la gestion des flux papier, ne permettant notamment pas d'obvier les risques de déperdition d'informations inhérente à toute saisie non automatisée ; l'économie en est réduite d'autant.

36. En définitive, on l'aura compris, l'intérêt de ce mode de facturation demeure particulièrement limité, n'offrant pas les avantages de la dématérialisation, autre variante de la facturation électronique transposée par la législation française (2).

Factures dématérialisées

37. A la différence des factures sécurisées à l'aide d'une signature et d'un certificat électronique, les factures dématérialisées se présentent sous la forme d'un message structuré, le plus souvent codé, non directement lisible, qui peut être traité automatiquement et de manière univoque par ordinateurs distants.

Cette typologie de facture est, plus encore que la première, de nature à engendrer des implications en matière informatique.

La plus-value apportée par ce mode opératoire est donc loin d'être négligeable puisqu'un traitement automatisé des données de facturation est offert aux parties, limitant d'autant les coûts générés par le traitement manuel des informations et les risques d'erreurs ou de manquements y attachés.

38. Plus efficace, mais également nettement plus économique, en « vitesse de croisière », que la facturation sécurisée par signature et certificat électronique, le choix de ce mode de facturation implique toutefois, en premier lieu, le recours à un système de dématérialisation et de télétransmission spécifique ( (3) ). D'un point de vue pratique, il importe de souligner que l'utilisation d'un système de cette nature doit faire l'objet d'une déclaration préalable (et non d'autorisation) auprès du service des impôts compétent (obligation de déclaration pesant tout à la fois sur l'émetteur et sur le destinataire de la facture dématérialisée).

39. En règle générale, l'assujetti souhaitant valablement recourir à la dématérialisation aura généralement tout intérêt à s'orienter vers la technologie EDI qui, sous certaines conditions, offre la possibilité de dématérialiser et de télétransmettre les données informatisées. Ce mode opératoire constituera le support de choix de la dématérialisation, permettant aux assujettis d'échanger et de traiter sans encombres, selon des modalités propres, le message facture concerné. La mise en place d'un tel mode de télétransmission suppose toutefois, à titre préalable, un investissement non négligeable, dès lors qu'il nécessite une installation et une configuration informatiques spécifiques chez l'utilisateur. Des solutions alternatives existent qui, proposées par des prestataires de dématérialisation dédiés, sont basées sur un langage HTML ou XML.

40. Le système de télétransmission ainsi défini doit remplir un certain nombre de caractéristiques dont les utilisateurs demeurent garants. Ainsi, en premier lieu, le système de télétransmission doit permettre d'assurer l'intégrité et l'identité du message facture émis et reçu. Cela signifie que, bien que dématérialisées et se présentant sous la forme de données codées, les données de facturation doivent, au minimum, comporter les mentions obligatoires prévues par les textes en vigueur. Ces mentions doivent figurer dans des zones de saisie automatique idoines que le logiciel doit impérativement rendre obligatoires.

41. Le système de télétransmission doit, par ailleurs, faciliter la constitution d'une liste récapitulative dont l'élaboration demeure une obligation fiscale prédominante. Cette liste doit être établie par toute personne qui émet ou reçoit des factures dématérialisées. Ce document, qui doit bien évidemment être tenu à la disposition de l'administration fiscale et présenté à première demande, doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires. Ainsi, en sus du numéro et de la date de facture, la date de constitution du « message facture », les montants hors taxe et toutes taxes comprises des transactions mais également les éléments d'identification donnés par le système de télétransmission doivent être nettement portés sur cette liste. En outre, la version du logiciel utilisé mais également les éventuelles anomalies intervenues lors de chaque transmission, se devront d'être couchées sur cette liste dont l'importance revêt un caractère prépondérant.

Au regard des textes en vigueur, cette liste doit être conservée pendant une durée minimale de six ans ; elle peut être, au choix de l'entreprise, conservée sur support informatique ou bien sur support papier. En cas de conservation sur support informatique, il est nécessaire de s'assurer que le fichier est correctement alimenté au fur et à mesure de l'émission ou de la réception du « message facture ». La conservation sur support papier n'est pas sans contrainte puisque dans une telle conjecture, il demeure nécessaire d'éditer la liste de manière séquentielle, dans l'ordre d'arrivée ou d'émission des messages, au fur et à mesure de l'émission ou de la réception du message facture.

42. En sus de ces documents, l'entreprise souhaitant recourir à la dématérialisation de ses factures se doit de constituer un fichier des partenaires pertinent. Ce fichier spécifique doit mentionner le nom, la dénomination ainsi que l'adresse de l'émetteur et du récepteur des données de facturation. La date d'entrée et, le cas échéant, de sortie du périmètre de dématérialisation se doit également d'être portée explicitement sur cette liste.

43. Une dernière contrainte principale pèse sur l'assujetti souhaitant dématérialiser ses factures et recourant de ce fait à un système de télétransmission ; il doit s'engager à restituer, à première demande et en langage clair, le message facture ainsi dématérialisé. La restitution en langage clair telle que spécifiée ci-avant, consiste à restituer les données dans un format habituellement admis par les usages commerciaux. Cette restitution des données peut avoir lieu, au choix du contribuable, sur support informatique ou bien sur papier.

44. Là encore, à l'instar de ce qui demeure en matière de factures sécurisées au moyen d'une signature électronique, les factures dématérialisées doivent être conservées pendant une durée minimale de six ans. Il est possible de stocker en dehors du cadre national les factures dématérialisées. Il importe toutefois, dans cette hypothèse, de s'enquérir préalablement auprès de l'Etat concerné de l'existence d'une convention fiscale conclue avec la France comportant une clause d'assistance mutuelle et permettant un accès en ligne aux factures ainsi stockées (Zone Europe en pratique).

45. Si l'on devait, à titre prospectif, tirer un premier bilan de la dématérialisation, l'on se devrait de regretter le succès jusqu'alors mitigé de cette variante de la facturation électronique ( (4) ). Pour autant, il est indéniable qu'avec l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions fiscales relatives à la dématérialisation des factures, offrant notamment la possibilité de recourir à la dématérialisation des factures en dehors du cadre national, cet instrument reste voué à un développement exponentiel certain.

b. Les implications fiscales liées à l'intégration des documents non spécifiquement comptables

46. Nous aborderons les implications fiscales liées à l'intégration des documents non spécifiquement comptables dans les ERP au travers de la réforme récente de la piste d'audit fiable. Cette réforme relative à la piste d'audit fiable est en effet de nature à engendrer des problématiques fortes pour les ERP.

47. Nous rappellerons en premier lieu que la réforme, entrée en vigueur au 1er janvier 2014, contraint notamment les entreprises qui reçoivent et émettent des factures sous format papier ainsi que des factures sous format électronique simple (PDF par exemple), à documenter leur processus de facturation.

Même si la réforme concerne tout aussi bien les factures émises que les factures reçues, ce sont essentiellement les factures reçues qui soulèvent le plus de difficulté compte tenu du risque de remise en cause de la TVA déductible.

Ainsi et en premier lieu, la réalisation d'une cartographie permettant de recenser les différents documents contractuels et commerciaux liant l'entreprise à ses contractants, se devra d'être conduite par l'entreprise. Une telle cartographie se devra d'être exhaustive et de porter mention le cas échéant des éventuels bons de commande, bons de livraisons, contrats et factures matérialisant le flux liant le fournisseur à l'entreprise.

A ce stade et au titre de la réalisation de cette étape, l'entreprise devra être dotée d'un ERP performant permettant de retracer les documents juridiques et commerciaux amonts matérialisant les relations des parties.

48. Mais c'est également le second volet de la réforme qui rendra utile voire nécessaire le recours à un ERP. En effet, en sus du volet cartographique, les entreprises se devront de procéder à l'archivage des éléments préalablement cartographiés. Ce sont ainsi les contrats, les devis, les bons de commande, les bons de livraison réception qui, en amont du flux de facturation, devront faire l'objet d'un archivage légal.

Là encore et au titre de ce second volet, un ERP pleinement efficient et opérant pourra s'avérer particulièrement utile voire salvateur en cas de procédure de vérification initiée aux fins de contrôle de la piste d'audit fiable de l'entreprise.

De nombreux ERP couramment utilisés par les entreprises disposent de fonctionnalités d'archivage, permettant ainsi à ses utilisateurs de consulter en ligne la copie fidèle des documents commerciaux qui, situés en amont du flux de facturation, permettent ainsi de consolider la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée. De tels ERP permettent ainsi de répondre favorablement aux exigences de l'administration fiscale et en termes de piste d'audit fiable.

49. A l'aune de la conclusion, les exemples analysés au sein de la présente contribution auront permis de s'assurer de l'implication voire même de l'interpénétration de la fiscalité et de l'informatique, laquelle est désormais de nature à engendrer des incidences fiscales dommageables en cas de manquements avérés.

Rémi GOUYET, professeur associé en droit privé à la Faculté de droit de Dijon membre associé duCREDIMI, Avocat associé -E-TAX société d'avocats.

(1) Sur la notion de traitements, cf. notre article « Contrôle fiscal des comptabilités informatisées : une requête n'est pas une demande de traitements informatiques » publié au BF 7/11 p. 535 et s. - cf. également notre thèse sous la direction de Maurice COZIAN.

(2) La signature et le certificat électronique ont pour objectif assigné de garantir l'authenticité de l'origine ainsi que l'intégrité du contenu des factures adressées par voie électronique.

(3) Le système de télétransmission s'entend de l'ensemble du matériel informatique et des logiciels permettant à une ou plusieurs personnes d'échanger et de traiter automatiquement des factures à distance, en conformité avec les sujétions posées par la loi. - Les systèmes ne permettant pas un traitement informatique automatique des données ne peuvent d'aucune manière être qualifiés de système de télétransmission ; il en est, notamment, ainsi des systèmes d'échanges de données tels que télex, minitel et télécopie. Une facture adressée selon ces modalités ne constitue en conséquence pas une facture dématérialisée au sens de la législation fiscale.

(4) Rappelons qu'avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles de facturation, le recours à la facture dématérialisée était possible dans le seul contexte domestique. L'entrée en vigueur du nouveau dispositif à étendu la facturation dématérialisée au contexte international.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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