La loi Travail a remanié la procédure de constatation de l’inaptitude physique, en permettant au médecin du travail de constater à l’issue d’un seul examen médical que le salarié ne peut pas être réintégré à son poste, et que son état de santé justifie un changement d’affectation. La nécessité de pratiquer 2 examens médicaux espacés de 15 jours, sauf cas particuliers, a donc été supprimée. Mais une procédure de concertation entre le médecin du travail, l’employeur et le salarié a été instaurée en amont de la décision d’inaptitude physique.
Le décret du 27 décembre 2016 précise les modalités d'application de ce dispositif, prévu par les articles R 4624-42 et suivants du Code du travail. Les nouvelles modalités de constatation de l'inaptitude physique s’appliquent à tous les travailleurs dès le premier examen médical effectué à compter du 1er janvier 2017.
Un examen médical précédé d’une étude du poste et des conditions de travail
Avant de pouvoir déclarer un salarié physiquement inapte à son poste, le médecin du travail doit avoir respecté plusieurs étapes.
Il doit, en premier lieu, pratiquer au moins un examen médical accompagné, le cas échéant, d’examens complémentaires.
A noter : l’examen médical à l’issue duquel le salarié peut être déclaré inapte sera, généralement, l’examen médical de reprise pratiqué après un arrêt de travail d’au moins 30 jours (ou toute absence en cas de maladie professionnelle). Mais cela peut également être un examen pratiqué en cours d’exécution du contrat de travail, à l’occasion d’une visite périodique ou à la demande du salarié ou de l’employeur.
Le médecin du travail doit, comme auparavant, réaliser ou faire réaliser une étude du poste du salarié dont il envisage de conclure à l’inaptitude physique. Il doit également réaliser ou faire réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiquer la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée.
Pour rappel : la fiche d’entreprise, sur laquelle le service de santé au travail consigne les risques professionnels encourus dans l’entreprise, est transmise à l’entreprise et présentée au CHSCT tous les ans.
Des échanges entre le médecin du travail, l’employeur et le salarié
La constatation de l’inaptitude physique du salarié est désormais obligatoirement précédée d’échanges entre le médecin du travail et le salarié, d’une part, et le médecin et l’employeur, d’autre part. Ce dialogue doit permettre à chacune des parties de faire valoir ses observations sur les avis et propositions que le médecin du travail entend leur adresser à l’issue de la procédure.
Pour permettre la constatation régulière d’une inaptitude physique, l’examen médical pratiqué par le médecin du travail doit avoir donné lieu à un échange avec le salarié sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste envisageables ou, à défaut, la nécessité d’un changement de poste.
A notre avis : si le salarié établit qu’il n’a pas échangé avec le médecin du travail sur les modalités de sa réintégration ou de son éventuel reclassement au cours de l’examen médical, peut-il remettre en cause la régularité de la constatation de son inaptitude physique ? Selon nous, oui. Or, si l’avis d’inaptitude a été rendu à l’issue d’une procédure irrégulière, l’éventuelle rupture du contrat de travail qui en a découlé peut être jugée abusive. L’employeur a donc tout intérêt à s’assurer qu’un tel échange a bien eu lieu et à en obtenir confirmation écrite de la part du médecin du travail.
Autre nouveauté issue de la loi Travail et mise en pratique par le décret du 27 décembre 2016 : avant de pouvoir prendre sa décision, le médecin du travail doit avoir échangé avec l’employeur. Ce dialogue peut se faire par tous moyens : courrier, téléphone, e-mail, etc.
A noter : jusqu’à présent, ce dialogue avec l’employeur avait généralement lieu après notification de l’avis d’inaptitude physique du salarié. L’employeur ne formulait donc ses observations sur les éventuelles propositions de reclassement du salarié qu’en réaction aux préconisations du médecin. La procédure mise en place par la loi Travail et son décret d’application devrait permettre d’aboutir à une solution plus concertée.
Signalons, en outre, qu’avant d’émettre son avis, le médecin du travail peut consulter le médecin inspecteur du travail.
Deux examens médicaux si nécessaire
La constatation de l’inaptitude physique à l’issue de 2 examens médicaux espacés de 15 jours n’est plus obligatoire, mais elle reste possible. Si en effet le médecin du travail estime qu’un second examen médical est nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, il doit pratiquer cet examen dans un délai maximal de 15 jours après le premier examen.
A noter : le délai de 15 jours visé ci-dessus est un délai maximal, et non minimal comme c’était le cas jusqu’à présent. La constatation de l’inaptitude physique, même si elle nécessite 2 examens, pourrait donc être plus rapide qu’auparavant.
Dans cette situation, les règles actuellement en vigueur, et issues de la jurisprudence de la Cour de cassation, vont-elles continuer à s’appliquer ? En particulier, dans la mesure où l’organisation d’un second examen médical n’est plus obligatoire, mais relève de l’initiative du médecin du travail, l’employeur pourra-t-il se voir reprocher un défaut d’organisation de la seconde visite en cas de carence du médecin du travail qui en aurait prévu une ? Rien ne permet de l’affirmer.
Notification de l’avis d’inaptitude au terme de la procédure
La notification de l’avis médical d’inaptitude physique intervient une fois les étapes préalables respectées. Si toutefois le médecin a pratiqué 2 examens médicaux, la notification de l’inaptitude intervient au plus tard à la date du second examen médical.
A noter : le décret ne fixe pas de date impérative de notification de l’avis d’inaptitude physique décidé à l’issue d’un seul examen médical. Une lecture a contrario des textes semble indiquer que cette notification n’est pas nécessairement faite le jour même de l’examen médical.
L’article L 4624-4 du Code du travail, tel qu’issu de la loi Travail, impose au médecin du travail d’assortir son avis d’inaptitude d’indications écrites relatives au reclassement du salarié.
Le décret rappelle que le médecin peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, dispensant ainsi l’employeur de toute recherche de poste.
Enfin, les motifs de l’avis médical sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du salarié.
L'avis médical d'inaptitude émis par le médecin du travail est transmis au salarié ainsi qu'à l'employeur par tout moyen leur conférant une date certaine. L'employeur le conserve pour être en mesure de le présenter à tout moment, sur leur demande, à l'inspecteur du travail et au médecin inspecteur du travail. Une copie de l'avis est versée au dossier médical en santé au travail du travailleur.
Un modèle d’avis d’inaptitude physique sera fixé par arrêté du ministre chargé du travail.
Les procédures de reclassement unifiées entrent en vigueurLa loi Travail a également unifié les procédures de reclassement du salarié déclaré inapte, que l’origine de cette inaptitude soit ou non professionnelle. Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, la même procédure doit être appliquée pour tous les salariés déclarés inaptes : - le médecin du travail peut dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement si l’état de santé du salarié l’exige ; - si le reclassement s’impose, les délégués du personnel doivent être consultés ; - si le reclassement est impossible, le salarié doit en être informé par écrit ; - si le salarié n'est pas reclassé ou que son contrat de travail n'est pas rompu un mois après l'avis d'inaptitude physique, le paiement de son salaire doit être repris. |
Laurence MECHIN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Social nos 49970 s.