Un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments fait l’objet d’une donation-partage. L’acte prévoit que la parcelle desservant les bâtiments partagés restera indivise « à perpétuelle demeure, à titre d’accessoire indispensable à l’usage commun des locaux ». Les six lots issus du partage sont ultérieurement divisés pour créer des locaux à usage d’habitation. Ces derniers sont ensuite vendus, sans qu’il soit fait mention dans les actes de vente du droit indivis perpétuel sur la parcelle. Les acheteurs des locaux d’habitation en revendiquent néanmoins la propriété indivise.
La cour d’appel fait droit à leur demande. Les juges retiennent que la parcelle litigieuse, servant à la desserte commune des locaux issus du partage, constitue un accessoire indispensable à ceux-ci; elle doit donc demeurer attachée à ces locaux au titre d’une indivision perpétuelle et forcée. Par suite, toute cession de locaux intervenue après l’acte de partage emporte cession d’un droit indivis sur cette parcelle, peu important que les actes de vente n’en aient pas fait mention.
La Cour de cassation confirme.
A noter : Jurisprudence d’application qui permet de rappeler deux points particuliers.
Tout d’abord, à titre exceptionnel, il est admis que certains biens ne soient pas partageables et doivent en conséquence rester dans l’indivision. Il s’agit, comme en l’espèce, de biens affectés à titre d’accessoire indispensable à l’usage commun de deux ou plusieurs fonds appartenant à des propriétaires différents. Déjà jugé en ce sens à propos des parties communes d’une copropriété (Cass. 3e civ. 27-5-2010 n° 09-65.338 FS-PB : BPAT 4/10 inf. 239) ou du chemin indivis donnant accès aux parcelles divises qui l’entourent (Cass. 1e civ. 28-2-2006 n° 04-15.937 F-PB). Les juges du fond apprécient souverainement et de façon restrictive le caractère d’accessoire indispensable (Cass. 1e civ. 12-2-1985 n° 84-10.301 et 84-10.345 : Bull. civ. I n° 58). En l’espèce, la parcelle desservait des locaux attribués à des propriétaires différents et sa division aurait rendu l’accès commun impossible. Elle devait donc rester indivise, comme l’indiquait d’ailleurs l’acte de partage. Mais ce n’est pas cet acte qui a conféré à la parcelle son caractère indivis, c’est son statut d’accessoire indispensable à l’usage des biens divis.
En effet, c’est le second intérêt de l’arrêt, il importe peu que les actes de vente des locaux desservis par cette parcelle n’aient pas prévu la cession du droit indivis : perpétuel, il se transmet de plein droit.
Rappelons également que l’obligation du vendeur de délivrer l’immeuble comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel (C. civ. art. 1615). À défaut de stipulation contraire dans l’acte de vente, le transfert de propriété emporte celui des accessoires de l’immeuble. Par précaution toutefois, pour une parfaite information des parties, il peut être conseillé au rédacteur de l’acte de vente de mentionner la transmission de plein droit du droit indivis.
Florence GALL-KIESMANN
Pour en savoir plus sur l'indivision perpétuelle : voir Mémento Droit de la famille n° 70085