Des concubins acquièrent un immeuble en indivision, l’homme à concurrence des trois quarts, la femme à hauteur du quart restant. À l’heure de la liquidation de l’indivision, le premier réclame une créance contre l’indivision pour avoir financé le remboursement du prêt immobilier destiné à l’acquisition du bien indivis.
La cour d’appel la lui reconnaît, mais la plafonne à 25 144,64 €, montant du profit subsistant, égal au financement de la part de la concubine par son ex appliqué à la plus-value prise par le bien (valeur actuelle – prix d’acquisition).
La Cour de cassation censure la méthode de calcul adoptée par les juges du fond au visa de l’article 815-13, alinéa 1 du Code civil. S’agissant d’une dépense de conservation, il faut, pour calculer le profit subsistant, établir la proportion dans laquelle le règlement par le concubin des échéances de l’emprunt, en capital et intérêts, a contribué au financement global de l’acquisition, frais d’acquisition et coût du crédit inclus. Cette proportion est ensuite appliquée à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l’acquisition. Le profit subsistant ainsi déterminé, il convient de le comparer à la dépense faite et de retenir la plus forte des deux sommes.
A noter :
L’enseignement majeur de cet arrêt consiste à affiner la méthode de calcul du profit subsistant en cas de dépense de conservation, dans l’hypothèse où l’indivisaire a remboursé le prêt destiné au financement de l’acquisition du bien indivis.
Comme nous le rappelle la Cour de cassation, le profit subsistant représente l’enrichissement procuré au patrimoine indivis, autrement résumé selon l’équation suivante :
Il en résulte trois apports et des interrogations.
Premier apport, à propos des intérêts de l’emprunt. La Haute Juridiction apporte une réponse positive à la question restée jusque-là ouverte de la prise en compte ou non des intérêts de l’emprunt. Il faut donc tenir compte des mensualités de prêt remboursées par l’indivisaire, pour leur montant en capital et intérêts (au numérateur). Corrélativement, les intérêts sont comptés dans le coût total de l’acquisition au titre du coût du crédit (au dénominateur). Elle règle ainsi un débat en doctrine, certains auteurs considérant que si les intérêts devaient être pris en compte pour le calcul de la dépense faite, ils devaient être exclus pour l’appréciation du profit subsistant.
Deuxième apport relatif au coût total de l’acquisition, qui équivaut non seulement au prix d’acquisition mais aussi aux frais d’acquisition et au coût du crédit. On songe ici aux frais de notaire proprement dits, à l’impôt de mutation, à la commission de l’agent immobilier ou encore aux intérêts d’emprunts comme il a été dit ci-dessus. Il ne s’agit pas seulement de la valeur du bien au moment de son acquisition. Reste que la notion de coût du crédit emporte de nouvelles interrogations : quel traitement réserver à l’assurance emprunteur ? Doit-elle être comptée dans le coût total de l’acquisition (au dénominateur) ? Dans l’affirmative, et bien que la Cour de cassation ne l’envisage pas au titre des mensualités réglées par l’indivisaire (au numérateur), le coût de l’assurance emprunteur pris en charge par l’indivisaire devrait être compté. Cette solution ne joue pas si le prêteur n’est pas l’assureur. Dans ce cas de figure, comment faire ?
Dernier apport de l’arrêt : pour déterminer le coefficient à retenir, la Cour de cassation applique le correctif de l’état du bien. Autrement dit, il y a lieu de prendre en compte la valeur actuelle du bien (Cass. 1e civ. 1-2-2017 n° 16-11.599 FS-PB : BPAT 2/17 inf. 71), mais dans son état au jour de l’acquisition.
Véritable aubaine, cette affaire permet aussi aux magistrats du quai de l’Horloge de confirmer, à nouveau, que le remboursement par un indivisaire de l’emprunt contracté lors de l’acquisition du bien indivis constitue une dépense nécessaire à sa conservation, indemnisable (C. civ. art. 815-13 ; voir, notamment, à propos du remboursement par un seul des époux durant l’indivision postcommunautaire de l’emprunt immobilier souscrit au cours de la communauté, Cass. 1e civ. 7-6-2006 n° 04-11.524 F-PB : RJDA 12/06 n° 1282 et Cass. 1e civ. 11-5-2012 n° 11-17.497 F-PBI : BPAT 4/12 inf. 231). L’indemnité dont il doit être tenu compte à l’indivisaire est égale à la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu’il a faite et le profit subsistant (voir également Cass. 1e. civ. 4-3-1986 n° 84-15.071 : Bull. civ. I n° 51).
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