Au décès de son père, l’un de ses enfants, repreneur de l’exploitation agricole de ses parents, est condamné à rapporter à sa succession 32 703, 95 € et 27 733,83 €, montants des fermages dus au titre d’un bail rural et d’un bail à cheptel, sur des périodes d’environ 7 ans. Pour ce faire, la cour d’appel retient que l’enfant fermier ne justifie pas de l’apurement de ces sommes.
Fort logiquement la Cour de cassation censure les juges du fond, à qui elle rappelle qu’il ne suffit pas de retenir l’appauvrissement du disposant pour caractériser une libéralité rapportable. Il faut également constater l’existence de l’intention libérale des prétendus disposants (C. civ. art. 843, al. 1).
A noter :
Les Hauts Magistrats sont amenés à rappeler très fréquemment le double critère sur lequel repose la notion de libéralité, en l'espèce entre vifs (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Les successions. Les libéralités, Dalloz 5e éd. 2024, nos 273 s.) :
le premier, critère objectif, qui requiert un appauvrissement du disposant et un enrichissement du gratifié. En l'espèce, le montant des fermages ;
le second, critère subjectif, qui suppose du disposant l'existence d'une intention libérale envers le bénéficiaire de la libéralité.
Par conséquent, lorsqu'il s'agit de démontrer l'existence d'une libéralité, il convient de rapporter la preuve à la fois du transfert patrimonial sans contrepartie et de l'intention libérale. Les juges du fond doivent y veiller, sans quoi ils s'exposent à la censure comme dans cette affaire. En l'occurence, l'enjeu était de taille puisqu'il s'agissait d'exiger le rapport à la succession du père de la somme de 60 437,78 € prétendument donnée.
Pour une autre illustration récente en ce sens, à propos de l’occupation d’un logement par un successible en échange d’un loyer inférieur au prix du marché : Cass. 1e civ. 12-6-2024 n° 22-19.569 F-D.