La loi 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a institué un nouveau cadre juridique pour les lettres recommandées électroniques (LRE), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2019, comme prévu par le décret 2018-347 du 9 mai 2018 (voir La Quotidienne du 30 mai 2018).
Même si cela reste à confirmer, ce nouveau cadre juridique nous semble de nature à élargir les usages possibles de la LRE dans les relations entre employeurs et salariés et invite à distinguer les envois effectués par LRE jusqu’au 31 décembre 2018, d’une part, et à partir du 1er janvier 2019, d’autre part.
La LRE réservée à la conclusion ou l’exécution du contrat jusqu’au 31-12-2018
Jusqu’au 31 décembre 2018, la lettre recommandée électronique obéit aux règles fixées par l’ancien article 1127-5 du Code civil (ex-art. 1369-8), qui ne vise que la conclusion et l’exécution d’un contrat, et par le décret 2011-144 du 2 février 2011, lui-même réservé aux LRE dans ces deux hypothèses. Pour qu’une LRE soit adressée par voie électronique, le destinataire doit, s’il n’est pas un professionnel, avoir antérieurement accepté de recevoir des LRE (nous proposons, dans notre Formulaire Social, un modèle de lettre d’acceptation du salarié à recevoir des LRE).
Dans le cadre des relations entre un employeur et son salarié, la lettre recommandée électronique peut, sous l’empire de ces dispositions, recevoir application dans de nombreuses hypothèses relatives à l’exécution du contrat.
A noter : sans en dresser une liste exhaustive, on peut citer notamment :
- la notification au salarié par l’employeur d’une sanction disciplinaire autre qu’un licenciement ;
- l’envoi par la salariée enceinte à son employeur d’un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ;
- l’information du salarié par l’employeur lorsque ce dernier envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail de l’intéressé pour un motif économique ;
- la demande par le salarié de la suspension de son contrat de travail dans le cadre d’un congé parental d’éducation, de présence parentale, d’adoption internationale ou d’un congé sabbatique, notamment.
Dans la mesure où l’ancien article 1127-5 du Code civil ne prévoit le recours à la LRE que pour la conclusion et l’exécution du contrat, et non pour la résiliation du contrat, on s’accorde à considérer qu’il n’est en principe pas possible d’envoyer une lettre de licenciement par courrier électronique et que seule la forme papier de la lettre recommandée peut être utilisée dans ce cas.
Il est vrai que, expressément interrogé sur la possibilité de résilier un contrat par lettre recommandée électronique, le ministre de la justice avait répondu que, bien que l’article 1369-8 (devenu 1127-5) du Code civil alors en vigueur ne mentionne pas expressément la possibilité d’utiliser ce procédé pour résilier un contrat, il y avait lieu de considérer la résiliation du contrat comme une modalité relative à l’exécution de ce dernier (Rép. AN 11-6-2013 no 191 p. 6171).
A notre avis : cette réponse de l’administration, rendue pour le droit général des contrats, ne nous paraît pas transposable au droit du travail, les règles relatives à la rupture du contrat de travail étant en la matière bien distinguées de celles relatives à son exécution.
La LRE également utilisable pour la rupture du contrat à compter du 1-1-2019 ?
Le régime général de la LRE est désormais inscrit à l’article L 100 nouveau du Code des postes et communications électroniques, applicable pour les envois effectués à compter du 1er janvier 2019.
La définition de la LRE est alignée sur celle issue de l’article 44 du règlement européen 910/2014 du 23 juillet 2014, dit « règlement e-IDAS », entré en vigueur le 1er juillet 2016 : l’envoi recommandé électronique sera équivalent à l’envoi par lettre recommandée dès lors qu’il satisfait aux critères d’intégrité définis par ce texte.
Contrairement à l’ancien article 1127-5 du Code civil, l’article L 100 du Code des postes et communications téléphoniques ne réserve pas expressément l’usage de la LRE à la conclusion et l’exécution du contrat. Faut-il en déduire la possibilité d’y recourir pour la résiliation du contrat, y compris en droit du travail ?
A notre avis : la réponse à cette question nous paraît devoir être positive, faute de texte limitant désormais le domaine d’application de la lettre recommandée électronique, qui devient de manière générale équivalente à la lettre recommandée papier à compter du 1er janvier 2019. Aussi, rien ne nous paraît devoir s’opposer à ce que l’envoi notamment d’une convocation à un entretien préalable à un licenciement ou d’une lettre de licenciement soit effectué par LRE si le salarié a exprimé son consentement à recevoir des envois recommandés électroniques. Ce consentement pourrait être formalisé en amont, par exemple au moyen d’une clause insérée au contrat de travail ou dans un avenant à celui-ci.
Une confirmation officielle serait toutefois bienvenue, compte tenu des impacts possibles.
La lettre recommandée électronique est délivrée selon les modalités suivantes, définies par le décret précité du 9 mai 2018 :
- le prestataire de LRE doit délivrer à l’expéditeur une preuve du dépôt électronique de l’envoi de la LRE ;
- le prestataire informe par voie électronique le destinataire qu’une LRE lui est destinée et qu’il peut accepter ou non sa réception pendant un délai de 15 jours à compter du lendemain de l’envoi de cette information. Cette dernière n’indique pas l’identité de l’expéditeur. Si le destinataire accepte la LRE, le prestataire la lui transmet. S’il refuse la LRE ou ne la réclame pas, le prestataire met à la disposition de l’expéditeur, au plus tard le lendemain de l’expiration du délai de 15 jours, une preuve de ce refus (avec date et heure de celui-ci) ou de cette non-réclamation. L’expéditeur a accès à ces informations pendant un an.
Les preuves de l’expédition, de l’acceptation, du refus ou de la non-réclamation de la LRE doivent être conservées par le prestataire pendant au moins un an.
A noter : le régime de la LRE peut soulever des questions d’application, aussi bien dans le cadre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail. On attend avec intérêt de savoir comment la jurisprudence transposera les solutions rendues pour la lettre recommandée papier.
À cet égard, en cas de licenciement notamment, la jurisprudence décide que c’est la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement qui marque le point de départ du préavis (Cass. soc. 7-11-2006 no 05-42.323 FS-PB). Lorsque la convocation à l’entretien préalable est faite par lettre recommandée, c’est également la date de présentation qui marque le point de départ du délai minimal de 5 jours ouvrables avant que puisse avoir lieu l’entretien (Cass. soc. 6-10-2010 no 08-45.141 F-D).
On peut penser, mais cela reste à confirmer, qu’en cas d’envoi d’une lettre recommandée électronique, la date de présentation devrait correspondre à la date à laquelle le salarié est informé par le prestataire qu’une LRE lui est destinée.
La date de la rupture du contrat correspondant à la date d’envoi de la lettre recommandée notifiant le licenciement (Cass. soc. 28-11-2006 no 05-42.202 F-PB ; 4-3-2015 no 13-16.148 F-D), il devrait en être de même pour la lettre recommandée électronique.
Pour en savoir plus sur la procédure de licenciement pour motif personnel : voir Mémento Social n° 47450 s.