Une modification en profondeur des attributions gratuites d'actions
1. L’article 135 de la loi Macron remanie profondément le régime juridique, fiscal et social des attributions gratuites d’actions. Entrée en vigueur : ces modifications s’appliquent aux actions gratuites dont l’attribution a été autorisée par une décision de l’assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de la loi.
2. La période d’acquisition, déterminée par l’assemblée générale extraordinaire, ne devra pas être inférieure à un an, au lieu de 2 ans pour les actions attribuées par une décision de l’assemblée générale extraordinaire intervenant au plus tard le jour de la publication de la loi.
L’assemblée générale extraordinaire ne sera plus tenue de fixer une période de conservation, qui court à compter de l’attribution définitive des actions. Sa durée minimale, qui est de 2 ans, est supprimée pour les attributions d’actions gratuites décidées après la publication de la loi. Pour ces actions, la durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation des actions ne pourra seulement pas être inférieure à 2 ans (C. com. Art. L 225-197-1 modifié).
L’article L 225-197-1 du Code de commerce est modifié en conséquence.
A noter que l’assemblée générale extraordinaire peut donc désormais fixer seulement une période d’acquisition de 2 ans sans imposer de période de conservation. Le bénéficiaire de l’attribution d’actions gratuites devient ainsi propriétaire des actions à la fin de cette période et peut en disposer immédiatement.
3. 3 Les attributions d’actions gratuites et les stock-options sont soumises à deux contributions spécifiques, l’une salariale, l’autre patronale. Alors que ces contributions étaient dues dans des conditions très similaires pour ces deux dispositifs, le régime est fortement modifié pour les attributions d’actions gratuites mais pas pour les stock-options.
4. Le régime de la contribution patronale, est profondément modifié. Cependant, la précision selon laquelle elle s’applique également lorsque l’option est consentie ou l’attribution est effectuée par une société dont le siège est situé à l’étranger et qui est mère ou filiale de l’entreprise dans laquelle le bénéficiaire exerce son activité est toujours valable (CSS art. L 137-13).
5. Les petites et moyennes entreprises qui répondent à la définition donnée à l’annexe à la recommandation 2003/361 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises sont désormais exonérées de la contribution patronale sur les attributions gratuites qu’elles décident si :
- elles n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création ;
- ces actions sont attribuées dans la limite, par salarié, du plafond annuel de la sécurité sociale (soit 38 040 € en 2015). Cette limite s’apprécie en faisant masse des actions gratuites dont l’acquisition est intervenue pendant l’année en cours et les 3 années précédentes.
L’ensemble de ces conditions s’apprécie à la date de la décision d’attribution. Sont donc concernées les attributions décidées dès le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.
Le bénéfice de cette exonération est subordonné au respect du règlement 1407/2013 de la Commission, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis (CSS art. L 137-13 modifié).
Les PME visées par ce dispositif sont celles qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros.
6. La contribution patronale est due au taux de 20 % sur les actions gratuites. Elle est exigible le mois suivant la date d’acquisition des actions par le bénéficiaire.
La contribution était antérieurement due au taux de 30 % le mois suivant la date de la décision d’attribution des actions.
7. S’agissant des actions gratuites, l’assiette de la contribution patronale est modifiée : elle s’applique désormais sur la valeur, à leur date d’acquisition, des actions attribuées.
Jusqu'à présent, l’employeur pouvait choisir d’appliquer la contribution :
- sur la juste valeur des actions telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement 1606/2002 du 19 juillet 2002 ;
- ou sur la valeur des actions à la date de la décision d’attribution par le conseil d’administration ou le directoire.
8. La contribution salariale spécifique prévue à l'article L 137-14 du CSS est supprimée pour le gain d’acquisition des actions gratuites attribuées en vertu d’une autorisation donnée postérieurement à la publication de la présente loi.
Elle reste applicable aux actions gratuites attribuées en vertu d’une autorisation antérieure ainsi qu’aux gains d’acquisition des options sur titres.
9. L’exonération du forfaitsocial étant subordonnée, pour les attributions d’actions gratuites notamment, à l’assujettissement à la contribution patronale spécifique, l’article L 137-15 du CSS est aménagé afin que les PME exonérées de cette contribution (voir n° 5) n’entrent pas dans le champ du forfait social.
A notre avis, cette précision n’était pas nécessaire.
L’assiettede principe du forfait social comprend les éléments de rémunération répondant à la double condition d’être à la fois exonérés de cotisations de sécurité sociale et soumis à CSG sur revenus d’activité. Les actions gratuites attribuées en vertu d’une autorisation de l’assemblée générale extraordinaire intervenant jusqu’à la date de publication de la loi remplissaient cette double condition, sous réserve du respect de certaines règles. Elles auraient donc été assujetties au forfait social si la loi ne les en avait pas expressément exonérées.
Les actions attribuées gratuitement par une autorisation postérieure à la publication de la loi sont exonérées de cotisations de sécurité sociale dans les mêmes conditions mais sont désormais assujetties à la CSG sur revenus du patrimoine (voir n° 13). Elles sont par conséquent désormais hors du champ d’application du forfait social.
10. En 2012 le Gouvernement avait décidé d'aligner le régime fiscal des revenus issus de l'actionnariat salarié sur celui des autres revenus salariaux. Il revient aujourd’hui partiellement sur sa réforme s’agissant des attributions gratuites d’actions.
En effet, le gain tiré de l’attribution gratuite des actions (ci-après gain d’acquisition) sera désormais imposé comme la plus-value de cession des actions. Cet « alignement » permettra d’appliquer au gain d’acquisition l’abattementpour durée de détention de droit commun ou, le cas échéant, celui prévu en faveur des titres de PME cédés par des dirigeants prenant leur retraite.
On notera que les autres modalités d’imposition à l’impôt sur le revenu (fait générateur et opérations intercalaires en particulier) ne sont pas modifiées.
En pratique, au regard de l’impôt sur le revenu, trois régimes sont donc désormais susceptibles de s’appliquer selon la date d’attribution des actions :
- pour les actions gratuites attribuées jusqu'au 27 septembre 2012 inclus, le gain d’acquisition bénéficie d'un régime spécial d'imposition qui se traduit par un double avantage consistant en l'imposition seulement au titre de l'année de cession des actions et à un taux proportionnel, à condition de respecter une durée d’indisponibilité fiscale. Le régime est régi par les dispositions de l'article 80 quaterdecies du CGI et le 6 bis de l'article 200 A du CGI dans leur rédaction antérieure à l'adoption de l'article 11 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;
- pour les actions gratuites attribuées à compter du 28 septembre 2012 et autorisées par une décision d’attribution intervenant au plus tard à la publication de la loi Macron, le gain d’acquisition est soumis à l'impôt sur le revenu au barème progressif selon les règles de droit commun des traitements et salaires, mais cette imposition n’est effective qu’au titre de l’année de cession des actions ;
- pour les actions gratuites attribuées en vertu d’une décision prise postérieurement à la date de publication de la loi Macron, le gain d’acquisition sera soumis à une imposition similaire à celle de la plus-value de cession des actions, c’est-à-dire imposition selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu l’année de cession des titres après application de l’abattement de droit commun ou de l’abattement spécifique aux dirigeants de PME prenant leur retraite.
11. Le gain d’acquisition d’actions gratuites dont l’attribution a été autorisée par une assemblée générale extraordinaire postérieurement à la publication de la loi Macron sera soumis, comme déjà indiqué, à l’impôt sur le revenu après application, le cas échéant, de l’abattement pour durée de détention prévu à l’article 150-0 D, 1 du CGI (abattement de droit commun) ou de celui prévu à l’article 150-0 D ter du même Code (abattementen faveur des titres de PME cédés par des dirigeants prenant leur retraite) (CGI art. 80 quaterdecies, I modifié et art. 200 A, 3 nouveau).
L’abattement pour durée de détention de droit commun s’applique comme suit :
- - il est égal à 50 % du montant du gain d’acquisition lorsque les titres sont détenus depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans à la date de la cession ;
- - il est de 65 % de son montant lorsque les titres sont détenus depuis au moins 8 ans.
Aucun abattement n’est évidemment applicable si la cession intervient moins de 2 ans après l’acquisition des titres.
Lorsque les conditions pour l’application de l’abattement en faveur des dirigeants de PME sont remplies, le gain d’acquisition pourra en bénéficier. Les modalités de cet abattement sont les suivantes : un abattement fixe de 500 000 € est pratiqué sur le gain d’acquisition, le surplus éventuel étant ensuite réduit d’un abattement renforcé déterminé comme suit :
- 50 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins un an et moins de 4 ans à la date de la cession ;
- 65 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins 4 ans et moins de 8 ans ;
- 85 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins 8 ans.
Pour l’application de ces abattements, la durée de détention est décomptée à partir de la date d'acquisition des titres (CGI art. 150-0 D, I quinquies-7° nouveau) (en ce qui concerne cette date, voir n° 2). Elle prend fin à la date du transfert de propriété.
A noter que, même si le texte de l’article 182 A ter du CGI n’a pas été expressément modifié à cet égard, l’abattement pour durée de détention de droit commun ou l’abattement renforcé seront, selon nos renseignements, pris en compte pour déterminer la base de la retenue à la source applicable aux bénéficiaires domiciliés hors de France.
12. L’application du régime exposé ci-dessus suppose toutefois, comme actuellement, le respect des conditions définies aux articles L 225-197-1 à L 225-197-6 du Code de commerce (sur les modifications apportées au régime juridique, voir n° 2).
A défaut, le gain d’acquisition constitue un complément de salaire imposable à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires dans les conditions de droit commun l’année de réalisation de l’avantage (et non l’année de cession des titres).
Si le régime fiscal est désormais similaire à celui des plus-values de cession, la nature salariale du gain d’acquisition n’est, en effet, pas remise en cause et est même réaffirmée à l’article 80 quaterdecies, I modifié et à l’article 200 A, 3 nouveau du CGI. En cas de non-respect des conditions du régime spécifique, il y donc lieu d’appliquer les règles de droit commun applicables aux salaires.
13. Le gain d’acquisition des actions gratuites attribuées depuis le 28 septembre 2012et autorisées par une décision d’attribution intervenant au plus tard à la publication de la présente loi sont soumis à la CSG et à la CRDS sur les revenus d’activité, au taux global de 8 %, mais selon les modalités applicables aux revenus du patrimoine. La CSG est déductible du revenu global imposable l’année de son paiement, à hauteur de 5,1 %.
Le gain d’acquisition des actions attribuées en vertu d’une autorisation postérieurement à la publication de la loi Macron sera soumis, comme celui relatif aux actions gratuites attribuées avant le 28 septembre 2012, à la CSG et à la CRDS sur les revenus du patrimoine, ainsi qu’aux prélèvements y adossés (prélèvement social, contribution additionnelle et prélèvement de solidarité), au taux global de 15,5 %. Dès lors que le gain d’acquisition n’est pas soumis à un taux forfaitaire d’imposition mais est soumis au barème, la CSG reste déductible, à hauteur de 5,1 %, du revenu global imposable l’année de son paiement.