Les droits associés à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé sont étendus aux BOETH
L'article L 5212-13-1 du Code du travail accorde, depuis le 20 décembre 2023, aux bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (BOETH) le bénéfice de dispositifs auparavant réservés aux seuls travailleurs reconnus titulaires de la qualité de travailleurs handicapés (Loi art. 10, I-2°). Il s'agit de mettre un terme à la différence de traitement entre ces catégories de personnes.
Ainsi, les BOETH peuvent bénéficier, sans démarche supplémentaire, des dispositifs suivants :
dispositif d'emploi accompagné (ci-dessous) ;
possibilité d'être recrutés par une entreprise adaptée ;
déplafonnement de l'âge pour être engagés en qualité d'apprenti ;
majoration de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ;
accès aux établissements et services de réadaptation professionnelle.
Par exception, la suppression de cette différence de traitement entre les BOETH et les titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ne vaut pas pour les bénéficiaires mentionnés aux articles L 241-3 et L 241-4 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, c'est-à-dire pour les conjoints, partenaires liés par une pacte civil de solidarité ou concubins d'un pensionné de guerre ou en charge d'un enfant mineur de ce pensionné ainsi que ses enfants à certaines conditions.
A noter :
En pratique, cette extension bénéficie aux titulaires de l'allocation aux adultes handicapés, de la carte mobilité inclusion portant la mention « invalidité » , d'une pension d'invalidé ...
Cette équivalence s'applique également aux BOETH exerçant dans la fonction publique (agents reclassés, agents bénéficiaires d'une allocation temporaire d'invalidité, titulaires d'un emploi réservé) (C. général de la fonction publique, art. L 351-5).
La procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est simplifiée et étendue
La procédure administrative de reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés fait l'objet de plusieurs modifications entrées en vigueur le 1er janvier 2024 (Loi art. 10, II).
Sans changement, cette reconnaissance est toujours décidée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) (CASF art. L 146-9). Par ailleurs, si l'évolution du handicap est irréversible, l'attribution de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est maintenue de façon définitive.
Mais l'article 10, I-3° de la loi introduit une mesure de simplification et étend le dispositif.
La loi Plein emploi prévoit que l'attribution à une personne âgée de 15 à 20 ans de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), ainsi que le bénéfice d'un projet personnalisé de scolarisation (PPS), valent reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (C. trav. art. L 5213-2 modifié).
A noter :
L'objectif est d'éviter à ces jeunes une démarche administrative et de leur permettre de bénéficier rapidement de certains droits et dispositifs, notamment les aides dédiées à l'apprentissage.
Rappelons que la loi 2022-217 du 21 février 2022 (loi dite « 3DS ») avait déjà introduit une telle simplification pour certains mineurs âgés d'au moins 16 ans.
Autre modification : l'orientation vers un établissement ou un service d'accompagnement par le travail (Esat) ou vers un établissement ou un service de réadaptation professionnelle vaut, depuis le 1er janvier 2024, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (C. trav. art. L 5213-2 modifié). Ainsi, la loi Plein emploi supprime l'orientation par la CDAPH vers le marché du travail. L'orientation vers le milieu ordinaire de travail devient par conséquent l'orientation de droit commun, ouverte à tous et sans validation préalable.
Jusque-là, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé s'accompagnait d'une orientation vers un Esat, vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle.
Le dispositif d'emploi accompagné est réformé
Les travailleurs reconnus handicapés - et par renvoi de l'article L 5212-13-1 du Code du travail - les BOETH depuis le 1er janvier 2024 -, peuvent bénéficier d'un dispositif d'emploi accompagné comportant un accompagnement médico-social et un soutien à l'insertion professionnelle, en vue de leur permettre d'accéder et de se maintenir dans l'emploi rémunéré sur le marché du travail. Sa mise en oeuvre comprend un soutien et un accompagnement du travailleur, ainsi que de l'employeur.
Pour faciliter, selon les rapports parlementaires, la gestion de ce dispositif, son pilotage sera confié à l'Etat à compter du 1er janvier 2025 (C. trav. art. L 5213-2-1 modifié ; loi, art. 10, I-4° et II). À cette date, le dispositif sera organisé par l'Etat sous la forme de plateformes départementales de services intégrés et sera mis en oeuvre par des organismes respectant un cahier des charges prévu par arrêté et signataires d'une convention tripartite avec l'Etat et des organismes de placement spécialisé dans l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Cap emploi), France Travail ou une mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes. Cette convention pourra également associer l'Agefiph et le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
Le dispositif est mis en oeuvre :
sur décision de la CDAPH, sans qu'il soit besoin qu'elle vienne en complément d'une décision d'orientation ;
ou sur prescription d'un opérateur de service public de l'emploi, auquel cas, la CDAPH en est informée.
Il reviendra ensuite à l'autorité décisionnaire de désigner l'organisme chargé de mettre en oeuvre le dispositif, qui signera ensuite une convention individuelle d'accompagnement (rôle qui appartenait jusque-là à une personne morale gestionnaire) avec la personne accompagnée (ou son représentant légal) et son employeur.
Relevons que les conventions individuelles d'accompagnement et les conventions de gestion conclues avant le 1er janvier 2025 pour l'application de l'article L 5213-2-1 du Code du travail dans sa version applicable avant la loi Plein emploi continuent de s'appliquer jusqu'à leur terme, ou jusqu'au 31 décembre 2025 si leur terme est postérieur à cette date (Loi art. 10, III).
Les dispositifs expérimentaux des CDD tremplin et des EATT sont pérennisés
La loi Plein emploi pérennise, à compter du 1er janvier 2024, deux dispositifs (loi art. 10, I-7° et II) :
la possibilité pour les entreprises adaptées de conclure des CDD tremplin ;
la possibilité pour les entreprises adaptées de se transformer ou de créer des entreprises adaptées de travail temporaire.
Rappelons que la loi de finances pour 2023 avait prolongé d'une année, soit jusqu'au 31 décembre 2023, l'expérimentation par les entreprises adaptées des contrats à durée déterminée tremplin instaurée par l'article 78 de la loi 2018-771 du 5 septembre 2018, dite « loi Avenir professionnel » et la possibilité de constituer des entreprises adaptées de travail temporaire établie par l'article 79 de cette même loi.
Un décret doit préciser les modalités des accompagnements prévus dans le cadre de ces deux dispositifs et fixer les dérogations possibles au Code du travail (C. trav. art. L 5213-19-1 ; loi art. 10, I-11°).
Création d'un compte recensant les aménagements liés au handicap
Un nouveau service intitulé « sac à dos numérique » est chargé de recenser les aménagements dont a bénéficié la personne en situation de handicap pendant sa scolarité, en formation professionnelle ou en emploi. Ce système national est géré par la Caisse des dépôts et consignations et alimenté par diverses autorités (Etat, collectivités territoriales, Agefiph, employeur, toute personne morale mettant en place un aménagement ou qui intervient dans le champ du handicap). Pour une mise en oeuvre effective, un décret doit encore fixer les modalités d'application du dispositif et un arrêté les informations devant y figurer.
Ce système d'information permet au titulaire d'un compte personnel de formation de consulter les informations qui le concernent dans ce domaine mais également de les déclarer et d'en disposer sur un espace personnel au sein d'une plateforme sécurisée.
La consultation de ces informations par un tiers n'est pas possible, sauf sur autorisation du titulaire du compte (C. trav. L 5213-2-2 nouveau ; loi art. 11).
A noter :
Selon les rapports parlementaires, la finalité de ce compte est de permettre la mise en oeuvre d'aménagements plus rapide au moment de l'entrée de la personne en formation ou en emploi, en tenant compte des aménagements déployés par le passé et afin d'éviter les ruptures d'aménagement.
Comme le CPF, cet espace personnel serait ouvert à toute personne de 16 ans et plus. Pour la partie liée à la scolarité, le compte sera alimenté à partir de l'outil numérique de l'éducation nationale, le livret de parcours inclusif.
La portabilité des équipements de compensation est organisée
L'article L 5213-6 du Code du travail charge l'employeur de prendre les mesures appropriées pour permettre aux bénéficiaires de l'obligation d'emploi (sauf exception) d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser, ou encore de pouvoir compter sur une formation adaptée à leurs besoins.
Pour éviter les risques de rupture à l'occasion d'une mobilité professionnelle d'un salarié en situation de handicap, l'article L 5213-6 du Code du travail est modifié par l'article 12 de la loi Plein emploi.
Ainsi, en cas de changement d'employeur, la conservation des équipements contribuant à l'adaptation du poste de travail des travailleurs handicapés peut être prévue par une convention entre les deux entreprises concernées. Ce transfert suppose que le poste de travail comporte les mêmes caractéristiques dans la nouvelle entreprise.
Cette convention peut également être conclue entre une entreprise privée et un employeur public.
A noter :
Ce faisant, la loi Plein emploi, donnant corps à une annonce de la Conférence nationale du handicap d'avril 2023, aligne la situation des travailleurs handicapés dans le privé sur celle applicable dans le public. En effet, la loi de transformation de la fonction publique prévoit déjà la portabilité des équipements.
Ce transfert dans le privé sera possible sans tracasserie administrative (Urssaf, fiscal etc.) mais suppose la rencontre des deux volontés des employeurs successifs.
Documents et liens associés
Loi 2023-1196 du 18-12-2023 : JO 19
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