La loi 2016-1088 du 8 août 2016 (Loi « Travail ») a mis en place, dans les réseaux d'exploitants d'au moins 300 salariés en France liés par un contrat de franchise, une instance de dialogue social commune. Le dispositif initial, qui avait suscité une forte hostilité, a fait l’objet d’aménagements visant à en alléger la portée. La mesure a ensuite fait l’objet d’un recours constitutionnel. Les Sages ont censuré les dispositions du texte relatives au financement de l’instance et ont validé le dispositif, en exprimant toutefois des réserves.
Le rôle de cette instance, qui ne se substitue pas aux instances de représentation du personnel existantes, est essentiellement de transmettre et d'échanger sur les décisions du franchiseur ayant un effet sur les conditions de travail des salariés du réseau.
Un décret du 4 mai 2017, pris pour l’application de la loi, fixe les modalités de mise en place et de fonctionnement de l’instance de dialogue social, qui peut donc voir le jour, dans les réseaux de franchise concernés, depuis le 7 mai 2017.
A noter : rappelons que la mise en place de l’instance de dialogue social concerne les réseaux d'exploitants d'au moins 300 salariés en France, liés par un contrat de franchise mentionné à l'article L 330-3 du Code de commerce, qui contient des clauses ayant un effet sur l'organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées.
Un préalable obligatoire : la négociation d'un accord collectif
La loi Travail prévoit que la mise en place de l’instance de dialogue social doit être demandée par une organisation syndicale remplissant certains critères. Le franchiseur doit alors engager une négociation en vue de conclure un accord collectif pour cette mise en place.
Des négociations engagées à la demande d’un syndicat
L’engagement des négociations peut être demandé par tout syndicat représentatif au sein de la branche ou d’une des branches dont relève les entreprises du réseau, ou ayant constitué une section syndicale au sein d’une branche du réseau d’exploitants d’au moins 300 salariés en France.
Le syndicat notifie sa demande au franchiseur par tout moyen de nature à conférer une date certaine à sa réception. Il y joint les documents de nature à justifier sa qualité pour présenter une telle demande.
Une obligation d’information du franchiseur
A réception de la demande, le franchiseur doit en informer toutes les entreprises du réseau employant au moins un salarié.
En réponse, chaque entreprise doit communiquer au franchiseur la moyenne de ses effectifs sur l’année écoulée, calculée selon les modalités de droit commun. Ce chiffre est communiqué au franchiseur par tout moyen et dans un délai de 15 jours.
Si le franchiseur constate que les conditions de mise en place de l’instance de dialogue social ne sont pas réunies, en particulier la condition d’effectif minimal de 300 salariés, il en informe par tout moyen les entreprises du réseau ainsi que le syndicat demandeur.
Un groupe de négociation est constitué
Lorsque les conditions de mise en place de l’instance de dialogue social sont réunies, le franchiseur engage les démarches nécessaires à la constitution d’un groupe de négociation dans le délai de 2 mois suivant la date de notification de la demande du syndicat.
A notre avis : si le franchiseur n’engage pas les démarches nécessaires à la constitution du groupe de négociation, un recours contentieux peut être engagé. Selon nous, le tribunal compétent devrait pouvoir ordonner au franchiseur de se conformer à ses obligations. Un parallèle peut être fait avec le contentieux en matière d’élections professionnelles, dans le cadre duquel le tribunal d’instance peut ordonner à l’employeur qui s’y refuse d’organiser le scrutin.
Le franchiseur sollicite :
- les organisations syndicales de salariés représentatives au sein de la branche ou, lorsque les entreprises du réseau relèvent de différentes branches, chacune des organisations syndicales de salariés représentatives au sein d’au moins une de ces branches ;
- l’ensemble des employeurs des entreprises du réseau employant au moins un salarié.
Dans le délai d’un mois à compter de cette sollicitation, le franchiseur réunit un groupe de négociation.
Ce groupe est constitué de 2 collèges :
- le collège des salariés, composé de représentants des organisations syndicales représentatives ;
- le collège des employeurs, composé de représentants du franchiseur et de représentants de plusieurs employeurs des entreprises du réseau.
Chaque collège comporte un nombre égal de membres, que le franchiseur fixe en tenant compte du nombre des organisations syndicales qu’il aura sollicitées.
A noter : le décret vise les organisations syndicales que le franchiseur aura sollicitées, et non celles qui ont répondu à sa sollicitation. En pratique, si le franchiseur a sollicité 4 organisations syndicales, le collège employeur devrait être composé de 4 membres, même si seulement 3 organisations se sont manifestées.
Il semble que la répartition du collège employeurs entre représentants des entreprises du réseau et représentants du franchiseur est laissée à la libre appréciation de ce dernier. Mais chacune de ces catégories de représentants doit être présente au sein du collège employeur : par exemple, pour un collège de 4 membres, 2 représentants du franchiseur et 2 représentants des entreprises du réseau peuvent être nommés (mais pas 4 représentants du franchiseur et aucun représentant des entreprises).
Chaque entreprise appartenant au réseau doit informer ses salariés, par tout moyen de nature à conférer date certaine, de l’ouverture de la négociation, de son objet et de la composition du groupe de négociation.
Validité de l’accord subordonnée à une signature tripartite
L’accord négocié par le groupe doit fixer :
- la composition de l’instance de dialogue social ;
- les règles régissant le mode de désignation de ses membres ;
- la durée de leur mandat ;
- la fréquence des réunions ;
- les heures de délégation attribuées aux membres de l’instance et leurs modalités d’utilisation ;
- les dépenses de fonctionnement de l’instance et d’organisation des réunions et la prise en charge des frais de séjour et de déplacement de ses membres.
A noter : si l’accord ne fixe pas certains des points visés ci-dessus ou n’en précise pas les modalités concrètes d’application, ce sont les règles prévues par le décret et visées ci-dessous qui s’appliquent de manière supplétive.
Pour être valable, l’accord doit être signé par :
- le franchiseur ;
- une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau de la branche ou des branches dont relèvent les entreprises du réseau ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L 2122-5 du Code du travail ou, le cas échéant aux élections mentionnées à l'article L 2122-6 du même Code, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants ;
- des employeurs dont les entreprises représentent au moins 30 % des entreprises du réseau et emploient au moins 30 % des salariés du réseau.
En outre, l’accord ne doit pas avoir fait l’objet d’une opposition d'un ou de plusieurs syndicats majoritaires.
L’accord est déposé par la partie la plus diligente auprès de la Direccte, dans les conditions de droit commun prévues par le Code du travail.
Le franchiseur convoque la première réunion de l’instance dans les 2 mois qui suivent ce dépôt. L’instance fonctionne selon les modalités définies par l’accord et, sur les points non visés par ce dernier, dans les conditions prévues par le décret et visées ci-dessous.
Et en cas de désaccord ?
Si la négociation n’a pas abouti à l’expiration d’un délai de 6 mois suivant la première réunion du groupe de négociation, le franchiseur établit un constat de désaccord. Si toutefois une majorité des membres du groupe de négociation, dont un représentant du franchiseur, souhaite prolonger la négociation, elle fixe le délai au terme duquel le franchiseur doit établir un constat de désaccord si la négociation n'a toujours pas abouti.
Le franchiseur transmet le constat de désaccord à l’ensemble des membres du groupe de négociation, par tout moyen de nature à lui conférer date certaine.
Dans les 2 mois suivant ce constat, le franchiseur convoque la première réunion de l’instance de dialogue social.
A défaut d’accord, règles de fonctionnement de l’instance
L’article 64 de la loi Travail a fixé les grands principes de fonctionnement de l’instance de dialogue social à défaut d’accord collectif : 2 réunions par an, l’adoption d’un règlement intérieur de l’instance au cours de la première réunion fixant ses modalités de fonctionnement (notamment, les règles de désignation et le rôle du président, les modalités de convocation des membres, etc.). Pour le reste, le décret apporte plusieurs précisions.
Les situations visées
Si aucun accord n’a été conclu, les règles visées ci-dessous s’appliquent.
Ces règles s’appliquent également, de manière supplétive, lorsqu’un accord a été conclu mais qu’il ne contient pas de dispositions dans les domaines évoqués ci-dessous.
La composition de l’instance est modulée selon la taille du réseau de franchise
L’instance est composée de 2 collèges représentant respectivement les salariés et les employeurs.
Le nombre des membres de chaque collège est fixé de la manière suivante :
- si le réseau compte 300 à 1 999 salariés : 3 titulaires et 3 suppléants pour chaque collège ;
- si le réseau compte au moins 2 000 salariés : 4 titulaires et 4 suppléants pour chaque collège.
Dans le collège des employeurs, un des sièges de titulaires et un des sièges des suppléants sont attribués de droit à des représentants du franchiseur. Les autres sont donc attribués à des représentants d’employeurs des entreprises du réseau.
Un collège employeurs …
Les employeurs qui souhaitent siéger au sein de l'instance transmettent au franchiseur leur nom ou celui d'un ou plusieurs salariés ayant qualité pour les représenter.
Les représentants des employeurs, titulaires puis suppléants, sont désignés par le franchiseur. Ils sont choisis sur une liste établie par l’entreprise et désignant l’employeur ou un ou plusieurs salariés ayant qualité pour le représenter.
La liste des représentants est établie en alternant un représentant issu de l’entreprise qui compte le plus de salariés et un représentant issu de l’entreprise qui en compte le moins, jusqu’à attribution de l’ensemble des sièges.
Exemple :
Dans un réseau de franchise comptant 400 salariés, le collège employeur doit comporter 3 titulaires et 3 suppléants. Il y a donc 4 sièges à pourvoir – 2 titulaires et 2 suppléants - parmi les entreprises du réseau, 2 des sièges étant attribués au franchiseur. Si 4 entreprises se proposent pour participer à l’instance de dialogue social, celle qui emploie le plus de salariés et celle qui en emploie le moins obtiennent chacune un siège de titulaire. Les sièges de suppléants sont attribués aux 2 autres entreprises.
Au sein du collège des employeurs, une même entreprise ne peut pas compter plus d’un représentant au sein de l’instance, sauf lorsque le nombre de sièges est supérieur au nombre de sièges attribués à des représentants des autres entreprises plus 1.
… et un collège salariés
Les organisations syndicales de salariés représentatives dans la ou les branches dont relèvent les entreprises du réseau désignent, parmi les salariés de ces entreprises, un nombre de représentants proportionnel à leur audience dans cette ou ces branches, selon la règle de la plus forte moyenne.
Elles informent le franchiseur du nom des représentants qu’elles désignent et de leur qualité de titulaire ou de suppléant.
Instance renouvelée tous les 4 ans
La liste des membres est fixée dans un délai de 45 jours à compter :
- du dépôt de l’accord collectif si celui-ci n’a pas défini la composition de l’instance et le mode de désignation de ses membres ;
- de l’établissement du constat de désaccord en l’absence d’accord.
Les représentants des employeurs du réseau de franchise et ceux des salariés sont désignés tous les 4 ans.
A noter : le décret ne prévoit pas les conditions de renouvellement du mandat des représentants du franchiseur. Il semble donc que ceux-ci peuvent conserver leur siège au sein du collège employeur lorsque l’instance est renouvelée.
Les membres quittant l’instance sont remplacés
Si une entreprise quitte le réseau de franchise :
- son représentant titulaire au sein du collège employeurs est remplacé par le premier suppléant ;
- le membre titulaire du collège salariés est remplacé par son suppléant.
Si ce suppléant ne peut plus siéger non plus :
- le siège au sein du collège employeurs est attribué au premier représentant dont le nom figure sur la liste établie par le franchiseur et qui remplit les conditions pour siéger ;
- le siège au sein du collège salariés donne lieu à une nouvelle désignation par l’organisation syndicale.
Ces remplacements interviennent dans le délai d’un mois après que l’entreprise a quitté le réseau. Ils prennent fin à la date à laquelle le mandat du membre remplacé aurait expiré.
A noter : les dispositions du décret relatives au remplacement d’un membre de l’instance manquent de clarté.
D’une part, le décret ne vise que la situation d’une entreprise quittant le réseau de franchise. Mais un membre titulaire qui quitte l’entreprise, par exemple en cas de licenciement, ne sera-t-il pas remplacé ?
D’autre part, le suppléant qui prend la place d’un titulaire doit-il être remplacé ? A notre sens, non : le décret ne semble viser que le remplacement des titulaires.
Le représentant de l’employeur qui quitte le réseau informe le président de l’instance, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, de la nécessité de procéder à son remplacement.
Si un membre du collège salarié est remplacé, l’organisation syndicale concernée en informe le président de l’instance par tout moyen conférant date certaine à sa réception.
Quel statut pour les membres de l’instance de dialogue ?
Lorsque les représentants des salariés ont la qualité de représentant du personnel au sein de leur entreprise, leur temps de trajet pour se rendre aux réunions de l’instance et le temps de réunion ne sont pas imputés sur le crédit d’heures dont ils disposent au titre de leur mandat (Décret art. 8).
A noter : rappelons que le Conseil Constitutionnel a censuré les dispositions de la loi Travail qui renvoyaient au pouvoir réglementaire le soin de fixer le nombre des heures de délégation des représentants salariés à l’instance, en l’absence d’accord collectif. Le décret ne pouvant pas attribuer d'heures de délégation aux intéressés, faute d’habilitation législative, le problème est contourné : les syndicats désignant les participants salariés à l’instance de dialogue auront tout intérêt à faire leur choix parmi ceux exerçant un mandat de représentant du personnel.
On notera en outre que le principe d’une protection des membres salariés de l’instance contre le licenciement, initialement prévu par la loi, avait finalement été retiré du texte. L’attribution d’une telle protection ne relevant pas du domaine du pouvoir réglementaire, le décret n’aborde pas non plus cette question. Deuxième élément qui devrait inciter les syndicats à désigner des représentants du personnel au sein de l’instance de dialogue social.
Le temps passé par les représentants des salariés au sein de l’instance de dialogue est rémunéré comme du temps de travail effectif.
A noter : le décret n’impose pas à l’employeur de rémunérer comme du temps de travail le temps passé au sein de l’instance par son représentant salarié au sein du collège employeur. On voit cependant mal comment il pourrait se dispenser de rémunérer le salarié à ce titre.
Les frais de séjour et de déplacement des représentants des salariés et des employeurs pour se rendre aux réunions de l’instance, ainsi que les dépenses de fonctionnement de l’instance et d’organisation des réunions sont pris en charge par le franchiseur. Ce dernier peut demander aux entreprises du réseau une contribution à hauteur de la moitié des frais engagés. Les entreprises concernées versent cette contribution au prorata de leurs effectifs, dans un délai fixé par le franchiseur et d’au moins un mois.
Les contentieux portés devant le tribunal d’instance
Le tribunal d’instance, statuant en premier et en dernier ressort, est compétent pour toute contestation relative à la mise en place et au fonctionnement de l’instance de dialogue social.
Le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège social du franchiseur. Si ce siège est situé à l’étranger, le tribunal d’instance du 15e arrondissement de Paris est seul compétent.
Le tribunal d’instance est saisi par voie de déclaration au greffe. Les délais de saisine et leur point de départ, qui diffèrent selon l’objet de la contestation, sont résumés sous forme de tableau :
Objet de la contestation | Délai de contestation | Point de départ |
Ouverture de la négociation | 15 jours | Date de la première réunion du groupe de négociation |
Composition du groupe de négociation | Date de l’information des salariés d’une entreprise du réseau sur l’ouverture de la négociation | |
Opposition d’un syndicat majoritaire à l’accord collectif | Date de notification de l’opposition | |
Validité de l’accord collectif | Date du dépôt de l’accord collectif | |
Composition de l’instance de dialogue social : collège employeurs | Date de désignation des membres par le franchiseur ou d’expiration du délai pour procéder à leur remplacement | |
Composition de l’instance de dialogue social : collège salariés | Date d’expiration du délai imparti au syndicat pour désigner les membres de l’instance ou pour procéder à leur remplacement | |
Montant de la contribution des entreprises du réseau aux frais de fonctionnement de l’instance | Date d’expiration du délai imparti au franchiseur pour demander le paiement d’une contribution | |
Défaut de constitution du groupe de négociation par le franchiseur malgré une demande régulière | 2 mois | Date de notification de la demande d’engagement des négociations |
Le tribunal d’instance statue dans les 30 jours de sa saisine, sans frais ni forme de procédure et sur avertissement qu’il donne 3 jours à l’avance à toutes les parties intéressées. Sa décision est notifiée par le greffe dans les 3 jours, par lettre recommandée avec avis de réception. Elle est susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de 10 jours.
Laurence MECHIN
Pour en savoir plus sur cette instance de dialogue social : voir Mémento CE-CHSCT-DUP et autres représentants du personnel n° 10120