Les actionnaires minoritaires d'une société anonyme exploitant une clinique avaient vendu leur participation aux membres du conseil de surveillance. Quelques mois plus tard, ceux-ci avaient cédé à un investisseur l'intégralité des actions de la société pour un prix unitaire supérieur à celui consenti aux minoritaires. Ces derniers avaient agi en réparation contre les membres du conseil et le président du directoire, leur reprochant d'avoir manqué à leur obligation de loyauté en dissimulant, au moment de la première vente, l'existence de négociations en vue d'une cession globale des actions de la société.
Une cour d'appel avait accueilli cette action en retenant les éléments suivants : des projets d’expansion de la clinique et des opérations de rapprochement avec d’autres établissements de soins avaient été envisagés et débattus au cours des mois ayant précédé la vente des actions des minoritaires ; pendant la même période, des fonds d’investissement avaient réalisé de nombreuses acquisitions tant sur le territoire national que celui régional et avaient clairement annoncé leur volonté de procéder à de nouvelles acquisitions, ce que ne pouvaient pas ignorer le président et les membres du conseil, qui auraient dû tenir informé l’ensemble des actionnaires, fussent-ils minoritaires, de ces opérations et de l'intérêt potentiel que présentait la société à court ou moyen terme pour des fonds d’investissement ; le président et les membres du conseil ne justifiaient pas avoir examiné avec soin la matérialité des faits pris en compte et la situation du marché pour informer utilement les minoritaires sur les conditions d’évaluation du prix offert pour le rachat de leurs titres.
Cet arrêt a été censuré par la Cour de cassation : cour d'appel n'avait pas constaté que, à l’époque de la vente des titres des minoritaires, le président et les membres du conseil détenaient des informations, qu’ils pouvaient seuls connaître, de nature à influer sur le consentement des minoritaires, ni que des négociations étaient en cours en vue de la revente globale des actions.
A noter :Le dirigeant d'une société est tenu d'informer le vendeur des parts ou actions de la société sur l'existence de négociations en vue de la revente de ces parts ou actions (jurisprudence constante ; notamment, Cass. com. 22-2-2005 n° 01-13.642 : RJDA 6/05 n° 713 ; Cass. com. 11-7-2006 n° 05-12.024 : RJDA 11/06 n° 1146). Le dirigeant qui intervient en tant que partie, intermédiaire ou initiateur à la vente doit ainsi informer le cédant, quelle que soit la qualité de celui-ci au sein de la société, de l'existence de négociations et des conditions de ces négociations lorsqu'elles sont de nature à influer sur le consentement du cédant (par exemple, le prix de revente des titres, même si un accord de confidentialité interdit de le révéler à quiconque ; Cass. com. 12-3-2013 n° 12-11.970 : RJDA 7/13 n° 634).
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation précise la portée de sa jurisprudence sur le devoir de loyauté mis à la charge du dirigeant en ajoutant que les informations à révéler sont celles dont lui seul dispose. En effet, s'il s'agit d'informations que le cédant, tenu de se renseigner sur les conditions de la vente, peut obtenir par lui-même (état du marché, intérêt que présente la société pour les investisseurs, etc.), il est à armes égales avec le dirigeant et la loyauté de celui-ci ne peut pas être mise en cause.
Pour en savoir plus : voir Mémento Cessions de parts et actions n° 19625.