Les statuts d'une société civile prévoient la continuation de celle-ci en cas de procédure collective de l’un de ses associés, celui-ci devant être « remboursé de la valeur de ses parts au jour de l'ouverture du droit de rachat ». Une société anonyme (SA), associée de cette société civile, est mise en redressement, puis en liquidation judiciaires. Plus de 15 ans après, une assemblée générale de la société civile décide que les parts doivent être valorisées à la date de l'ouverture du redressement judiciaire de la SA et nomme un expert pour les évaluer. L'expert ayant estimé cette valeur à zéro, une nouvelle assemblée générale décide que la SA a perdu sa qualité d’associé à la date à laquelle le liquidateur judiciaire a reçu le rapport de l’expert et qu’il n’y a lieu à aucun remboursement. Le liquidateur poursuit alors la société civile, contestant que la SA a perdu la qualité d’associé et demandant le remboursement à une valeur actualisée.
Une cour d’appel rejette cette demande, estimant qu'elle est prescrite car elle a été engagée plus de dix ans après la date du redressement judiciaire.
La Cour de cassation censure cette décision : la perte de la qualité d’associé ne peut pas être antérieure au remboursement de la valeur des parts sociales. Il revenait à la société civile de procéder à ce remboursement afin de faire perdre à la SA sa qualité d’associé, et donc de lui adresser une proposition à cette fin, laquelle aurait fait courir le délai de prescription. En l’absence d’une telle offre, la demande n’était pas prescrite.
A noter : en cas de redressement ou de liquidation judiciaire atteignant l’un des membres d’une société civile, et sauf dissolution anticipée de la société, il est procédé au remboursement des droits sociaux de l’intéressé, lequel perdra alors la qualité d’associé (C. civ. art. 1860). La perte de la qualité d’associé ne peut pas être antérieure au remboursement de la valeur des parts sociales (Cass. 3e civ. 9-12-1998 n° 97-10.478 : RJDA 8-9/99 n° 952 ; Cass. com. 13-12-2011 n° 11-11.667 : RJDA 3/12 n° 307). La Cour de cassation réaffirme ici cette solution, qui contredit la position retenue par plusieurs cours d’appel selon laquelle la perte de la qualité d’associé résulte de l’ouverture de la procédure collective.
La Cour suprême se prononce, pour la première fois, sur la question du point de départ de la prescription du droit pour l’associé de demander le remboursement de ses parts, lorsqu’il fait l’objet d’une procédure collective. Cette prescription ne court qu’à compter d’une offre de remboursement adressée par la société à l’associé, et non de la date de l’ouverture de la procédure collective de ce dernier.
La décision a été rendue sous l'empire du droit antérieur à la réforme de la prescription par la loi du 17 juin 2008, le délai étant aujourd'hui de cinq ans (C. com. art. L 110-4, I).
En pratique : les sociétés civiles dont un associé fait l’objet d’une procédure collective ont intérêt à lui adresser rapidement une offre de remboursement, y compris lorsque les parts sociales ont une valeur nulle.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés civiles n° 20215