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Projet de loi Pacte après lecture par les députés : création du fonds de pérennité économique

Les députés ont ajouté au projet de loi Pacte la création du fonds de pérénnité économique, conçu pour être un outil de stabilité de l’actionnariat des entreprises. Les parts ou actions des sociétés concernées seraient apportées au fonds qui en deviendrait l’actionnaire.

Texte AN n° 179 art. 61 octies


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1. Les députés ont ajouté au projet de loi Pacte un nouvel instrument de détention et de transmission du capital : le fonds de pérennité économique. L’objectif de cette mesure est de permettre la poursuite du développement économique d’une ou de plusieurs sociétés commerciales dont les parts ou actions seraient apportées au fonds et dont celui-ci serait l’actionnaire « inamovible ». La logique économique présidant à cette opération est à l’exact opposé de celle d’un fonds d’investissement classique qui prend une participation au capital d’une société pour en tirer la meilleure rentabilité et la céder à un tiers quelques années plus tard avec une plus-value.

La mesure s’inspire, en l’adaptant aux spécificités de notre droit (qui connaît déjà les fonds de dotation et les fondations d’entreprise et les fondations d’utilité publique), du modèle des fondations actionnaires, expérimenté avec succès dans certains pays européens, notamment en Europe du Nord.

Constitution du fonds de pérennité

2. Le fonds de pérennité serait constitué par l’apport gratuit et irrévocable des titres de capital ou de parts sociales d’une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole. Cet apport serait réalisé par une ou plusieurs personnes (les « fondateurs ») afin que le fonds gère les titres ou parts concernés, exerce les droits qui y sont attachés et utilise ses ressources dans le but de contribuer à la pérennité économique des sociétés les ayant émis. Il pourrait aussi réaliser ou financer des œuvres ou des missions d’intérêt général (Texte AN n° 179 art. 61 octies, I). Les titres ou parts apportés au fonds seraient en principe inaliénables (n° 7).

3. Comme les statuts d’une société, les statuts du fonds devraient être établis par écrit. Ils devraient déterminer notamment la dénomination, l’objet, le siège et les modalités de fonctionnement du fonds, ainsi que la composition, les conditions de nomination et de renouvellement du conseil d’administration et du comité de gestion mentionné au n° 11. La clause relative à l’objet devrait comprendre les indications suivantes : principes et objectifs appliqués à la gestion des titres ou des parts apportés au fonds, à l’exercice des droits qui y sont attachés et à l’utilisation des ressources du fonds ; mention des actions envisagées dans le cadre de cette utilisation ; mention des œuvres ou des missions d’intérêt général dont la réalisation ou le financement seraient envisagés (art. 61 octies, II).

4. Le fonds devrait être déclaré à la préfecture du département dans le ressort duquel serait situé son siège. Cette déclaration devrait être assortie du dépôt de ses statuts, auxquels serait annexée l’indication des titres ou parts rendus inaliénables. Ces documents feraient l’objet d’une publication dans des conditions fixées par décret. Le fonds jouirait de la personnalité morale à compter de la date de publication au Journal officiel de la déclaration faite en préfecture (art. 61 octies, III).

5. Le projet ne prévoit pas la sanction de l’inobservation des règles de constitution. Par exemple, à quoi s’exposeraient les fondateurs du fonds en cas d’apport de parts d’une société autre que celles visées à l’article 61 octies, I ? A notre avis, la préfecture serait en droit de rejeter la déclaration après avoir constaté le non-respect des conditions de constitution.

Actif et ressources du fonds de pérennité

6. Les titres ou parts apportés lors de la constitution du fonds en composeraient la dotation, de même que les biens et droits de toute nature qui lui seraient apportés à titre gratuit et irrévocable. L’article 910 du Code civil (faculté pour le préfet de s’opposer à la donation) ne serait pas applicable à ces libéralités (art. 61 octies, IV).

7. Les titres ou parts apportés au fonds seraient inaliénables. Toutefois, si le fonds contrôlait, par l’effet de la libéralité ou d’une acquisition ou encore « d’une situation antérieure à ces dernières », une ou plusieurs des sociétés dont les titres ou parts sont apportés, l’apporteur ou le testateur (en cas de libéralité) ou le conseil d’administration du fonds (en cas d’acquisition) pourrait décider que cette inaliénabilité ne frappe pas tout ou partie des titres ou parts dans la limite de la fraction du capital social qui ne serait pas nécessaire à l’exercice de ce contrôle (art. 61 octies, IV).

En outre, le fonds pourrait être autorisé en justice à disposer des titres ou parts frappés d’inaliénabilité si la pérennité économique des sociétés ayant émis ces titres ou parts l’exigeait. Cette autorisation serait donnée dans les conditions de l’article 900-4, al. 2 du Code civil (art. 61 octies, IV), c’est-à-dire en ordonnant que le prix de vente soit employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant.

8. Les ressources du fonds seraient constituées des revenus et produits de sa dotation (dividendes, pour l’essentiel), des produits des activités autorisées par les statuts et des produits des rétributions pour service rendu. Aucuns fonds publics, de quelque nature qu’ils soient, ne pourraient lui être versés. Il disposerait librement de ses ressources dans la limite de son objet (art. 61 octies, IV).

Gestion du fonds de pérennité

9. Le fonds serait administré par un conseil d’administration comprenant au moins trois membres nommés, la première fois, par le ou les fondateurs. Le conseil serait investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom du fonds, dans la limite de son objet (art. 61 octies, VI).

Dans les rapports avec les tiers, le conseil ne pourrait engager le fonds que par les actes entrant dans son objet. Les actes réalisés en dehors de cet objet seraient nuls, mais cette nullité ne serait pas opposable aux tiers de bonne foi. Les clauses statutaires limitant les pouvoirs du conseil d’administration seraient également inopposables aux tiers (art. 61 octies, VI).

10. Un comité de gestion prendrait place aux côtés du conseil d’administration. Ce comité, qui devrait être prévu par les statuts, serait composé d’au moins un membre du conseil et de deux membres extérieurs à celui-ci. Il serait chargé du suivi permanent des sociétés dont les parts ou titres auraient été apportés et pourrait formuler des recommandations au conseil portant sur la gestion financière de la dotation, sur l’exercice des droits attachés aux titres ou parts détenus ainsi que sur les actions et les besoins financiers associés permettant de contribuer à la pérennité économique de ces sociétés. Ce comité pourrait également proposer des études et des expertises (art. 61 octies, VII).

Comptes annuels

11. Le fonds devrait établir chaque année des comptes comprenant au moins un bilan et un compte de résultat. Ces comptes devraient être publiés dans les six mois de la clôture de l’exercice. Le fonds devrait nommer au moins un commissaire aux comptes pour certifier les comptes annuels si le montant total de ses ressources dépassait 10 000 € à la clôture du dernier exercice. A défaut d’établissement des comptes, les membres du conseil d’administration s’exposeraient à une amende de 9 000 € (art. 61 octies, VIII).

Modifications statutaires

12. Les conditions de modification des statuts du fonds devraient être définies par ceux-ci. Ces conditions pourraient être fixées librement, sauf pour la modification de l’objet du fonds, qui ne pourrait être décidée qu’après deux délibérations du conseil d’administration réunissant au moins les deux tiers de ses membres ; pour le calcul du quorum, ne seraient pris en compte que les membres présents et non les membres représentés. Ces délibérations devraient être prises à deux mois au moins et six mois au plus d’intervalle, à la majorité des deux tiers des membres en exercice présents ou représentés (art. 61 octies, II).

Les modifications des statuts devraient être déclarées à la préfecture du département dans le ressort duquel est situé le siège du fonds et, comme pour le dépôt en préfecture des statuts d’origine, rendues publiques dans des conditions fixées par décret ; elles ne seraient opposables aux tiers qu’à compter de cette publication (art. 61 octies, III).

Contrôle du fonctionnement du fonds

13. L’autorité administrative devrait s’assurer de la régularité du fonctionnement du fonds. A cette fin, elle pourrait se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles. Le fonds devrait adresser chaque année à cette autorité un rapport d’activité auquel seraient joints le rapport du commissaire aux comptes (s’il en a été désigné) et les comptes annuels. Si l’autorité administrative constatait des dysfonctionnements graves affectant la réalisation de l’objet du fonds, elle pourrait, après mise en demeure non suivie d’effet, décider, par un acte motivé publié au Journal officiel, de saisir le juge en vue de prononcer sa dissolution (art. 61 octies, IX).

Un décret fixerait les conditions d’application de ces mesures (notamment, détermination de l’autorité administrative en charge du contrôle et juge compétent pour connaître de la demande de dissolution).

14. ne procédure d’alerte, comparable à celle prévue pour les sociétés commerciales, pourrait être mise en œuvre par le commissaire aux comptes (s’il en était désigné). Ainsi, si celui-ci relevait, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’activité du fonds, il devrait en informer le conseil d’administration et recueillir ses explications. Le conseil serait tenu de lui répondre dans un délai fixé par décret. A défaut de réponse ou si les mesures prises apparaissaient insuffisantes, le commissaire devrait établir un rapport spécial qu’il remettrait au conseil d’administration et dont la copie serait communiquée au comité de gestion et à l’autorité administrative. Le commissaire devrait inviter le conseil à délibérer sur les faits relevés dans des conditions et délais fixés par décret (art. 61 octies, VIII).

Dissolution du fonds

15. Le fonds pourrait être dissout dans les conditions définies par ses statuts. Il pourrait également être dissout judiciairement, notamment dans le cas prévu ci-dessus (n° 14). La décision de dissolution devrait être publiée au Journal officiel. La dissolution du fonds entraînerait sa liquidation dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, à l’initiative du liquidateur désigné par le juge. À l’issue des opérations de liquidation, l’actif net du fonds (déterminé après paiement des dettes du fonds, donc) serait transféré à un bénéficiaire désigné par les statuts ou à un autre fonds de pérennité, une fondation reconnue d’utilité publique ou un fonds de dotation (art. 61 octies, X).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne