A la suite du refus de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, du malaise survenu sur son lieu et pendant son temps de travail, un salarié a saisi les tribunaux.
Pour rejeter ce recours et donc confirmer la décision de la caisse primaire d'assurance maladie, la cour d'appel retient essentiellement que le salarié n'apporte aucun élément en dehors de ses propres déclarations démontrant l'existence d'un événement brusque et soudain survenu lors d'un entretien dans le bureau de la responsable des ressources humaines, le questionnaire rempli par l'employeur décrivant un entretien se déroulant dans des conditions normales.
A noter :
Aux termes de l'article L 411-1 du CSS, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. S'écartant de l'application des règles du droit commun de la preuve en matière civile, la Cour de cassation a posé, sur le fondement de ce texte, une présomption selon laquelle l'accident au temps et au lieu de travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail (à l'origine : Cass. ch. réunies 7-4-1921 : S. 1921, 1, 81 ; plus récemment : Cass. 2e civ. 7-4-2022 n° 20-17.656 F-D). La victime doit néanmoins établir, par tout moyen, la matérialité de l'accident, c'est-à-dire rapporter la preuve d'une lésion soudaine, qu'elle soit physique ou psychologique (pour un malaise vagal après un entretien préalable à un licenciement : Cass. 2e civ. 9-9-2021 n° 19-25.418 F-D) et sa localisation dans le temps.
La Cour de cassation a longtemps considéré que l'accident du travail était légalement caractérisé par l'action violente et soudaine d'une cause extérieure provoquant, au cours du travail, une lésion de l'organisme humain (Cass. soc. 16-5-1961 n° 60-12.270 P). Puis, elle a adopté une définition plus souple, abandonnant les critères de violence et d'extériorité au profit du seul critère de soudaineté (Cass. soc. 24-4-1969 n°68-10.090 P ; Cass. soc. 2-4-2003 n° 00-21.768 FP-PBIR), permettant de distinguer l'accident de la maladie dont l'évolution est lente et progressive.
L'arrêt est cassé en l'espèce. La Cour de cassation juge que dès lors que la victime avait fait un malaise aux temps et lieu de travail, la cour d'appel ne pouvait écarter la présomption d'imputabilité de l'accident au travail au motif que l'entretien dans le bureau de la responsable des ressources humaines s'était déroulé dans des conditions normales, cette circonstance étant, selon la Haute juridiction, impropre à établir que le malaise avait une cause totalement étrangère au travail.
L'exigence de la soudaineté de l'événément à l'origine de la lésion n'implique donc pas que l'entretien hiérarchique se soit déroulé dans des conditions anormales. Toute lésion psychique en lien avec le contexte professionnel, dès lors qu'on peut isoler l'événement qui en est à l'origine, semble pouvoir recevoir la qualification d'accident du travail.
A noter :
La position de la Cour de cassation semble différer de celle du Conseil d'Etat sur cette question. En effet, le Conseil d'Etat a récemment précisé que « sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent » (CE 27-9-2021 n° 440983). Par suite, la cour administrative d'appel ne pouvait qualifier l'entretien d'évaluation de l'agent d'accident de service, sans relever aucun élément de nature à établir que par son comportement ou ses propos la cheffe de service qui avait conduit cet entretien aurait excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
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