Excéder les limites du pouvoir de direction peut constituer un harcèlement moral...
La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation distingue nettement entre harcèlement moral et pouvoir de direction. L'exercice du pouvoir de direction, même de manière autoritaire et générant du stress au travail, n’est pas systématiquement constitutif de l’infraction de harcèlement moral (Cass. crim. 21-6-2005 n° 04 86.936 F-PF).
Lorsqu'ils sont le fait du supérieur hiérarchique, les agissements doivent avoir excédé les limites du pouvoir de direction pour être qualifiés de harcèlement moral (Cass. crim. 8-6-2010 n° 10-80.570 ; Cass. crim. 27-5-2015 n° 14 81.489 FS-PB ; Cass. crim. 25-4-2017 n° 16-81.180 F-D).
Tel est le cas, par exemple, lorsque les critiques ont été formulées à l’encontre d’un subordonné d’une manière désobligeante, vexatoire et humiliante (Cass. crim. 27-5-2015 précité).
L’appréciation du caractère abusif de l’exercice du pouvoir de direction doit par ailleurs prendre en considération le comportement de la victime, par un examen comparé du comportement du harceleur et du harcelé (Cass. crim. 27-5-2015, précité).
...quel que soit le contexte de travail du prévenu
Dans une affaire récemment soumise à la chambre criminelle, pour relaxer le prévenu du chef de harcèlement moral, les juges d’appel avaient relevé que la manière dont ce dernier s'adressait au personnel était autoritaire, dans la mesure où il claquait des doigts et criait, mais que ce comportement, inadapté en terme de management du personnel, ne caractérisait pas suffisamment des faits de harcèlement moral, dès lors que ces propos, gestes et attitudes étaient tenus à l'égard de tout le personnel dans le contexte particulier du travail en cuisine.
Une telle motivation n’était pas suffisante. En effet, il résultait des constatations de la cour d'appel que le prévenu s’était livré à des faits répétés au sens de l’article 222-33-2 du Code pénal, propres à caractériser l’élément matériel du harcèlement moral.
Les juges du fond avaient, ainsi, qualifié les agissements du prévenu de discours « trop directifs (...) trop exigeant (...) trop abrupt, à la limite de l’acceptable », de « propos désobligeants » et d’ « attitudes et gestes inadaptés ».
Compte tenu de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait prononcer la relaxe qu’à la condition de constater que les faits poursuivis n’outrepassaient pas les limites du pouvoir de direction du prévenu au regard de l’attitude de la partie civile, ce qu'elle n'a pas fait en l'espèce.
La chambre criminelle casse l’arrêt pour avoir omis d’effectuer une telle recherche et précise que celle-ci était nécessaire, quelle qu’ait été l’attitude de la partie civile.
Cette solution s’imposait d’autant plus que le harcèlement moral n'implique pas, selon la Cour de cassation, que les agissements aient nécessairement pour objet la dégradation des conditions de travail, ni que soit caractérisée l'intention de nuire du prévenu (Cass. crim. 24-5-2011 n° 10-87.100 F-D ; Cass. crim. 22-10-2013 n° 12-84.320 ; Cass. crim. 26-1-2016 n° 14-80.455).
Pour en savoir plus sur la protection contre le harcèlement : voir Mémento Social nos 17070 s.