Constatant que la société Sodebo a déposé la marque « Pizza Giant Sodebo » pour désigner des pizzas vendues en supermarché, la société Quick restaurants, propriétaire de la marque « Giant » désignant des aliments et plats préparés, notamment de fast-food, poursuit celle-ci en contrefaçon et nullité de la marque. La société Sodebo réplique en demandant l’annulation de la marque « Giant », dont elle nie le caractère distinctif.
La cour d’appel de Paris refuse d'annuler la marque « Giant » au motif que le mot anglais « giant » est compris du consommateur francophone comme signifiant géant et que ce terme suggère d’une manière générale et impersonnelle la dimension particulièrement importante de la portion des produits afin de leur conférer une image positive, sans pour autant informer le consommateur sur l’une de leurs qualités ou caractéristiques déterminantes. Ce signe relèverait ainsi, pour la cour d'appel, de l’évocation. Elle en déduit que la marque « Giant » apparaît comme intrinsèquement arbitraire et distinctive pour permettre au consommateur d’identifier l’origine des produits et services qu’elle désigne.
La cour de cassation censure l’arrêt : sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique des produits ou services couverts par la marque ; il importe peu, précise-t-elle, que les caractéristiques des produits ou services qui sont susceptibles d’être décrites soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires.
A noter : 1. L'exigence liée au caractère distinctif du signe enregistré en tant que marque est cruciale et fondatrice du droit attaché à son enregistrement : le signe protégé doit permettre au consommateur de relier tel produit ou service à un agent économique. La condition de distinctivité doit s’apprécier en tenant compte des produits et services revendiqués par cette marque : sont notamment dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, comme par exemple, l’espèce, la qualité, la quantité du bien ou de la prestation de services (CPI art. L 711-1 et L 711-2). Il s’agit d’exclure la réservation de termes ou, plus largement de signes, qui sont utiles pour tous. Les superlatifs tombent fréquemment sous le coup de cette interdiction : ainsi, il a été jugé que les préfixes « méga » ou « super », appliqués à des magazines de jeux vidéo, étaient dépourvus de caractère distinctif (CA Paris 12-3-1999 n° 1996-04489). La décision commentée illustre cette règle. Elle précise par ailleurs que le caractère essentiel de la caractéristique décrite par la marque est sans incidence sur la solution. Cette exigence figurait dans la loi 64-1360 du 31 décembre 1964 sur les marques de fabrique, mais elle a été supprimée.
2. Comme le rappelle la décision, l’emploi d’une langue étrangère ne modifie pas cette appréciation. Il faut rechercher si, au jour de l’enregistrement, le terme ou l’expression déposée était compris par le public visé comme décrivant le produit couvert par la marque.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 32640 s.