Selon les dispositions l’article 1er, paragraphe 2 du règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009, la marque de l’Union européenne a un caractère unitaire. Il en résulte que, pour être admis à enregistrement, un signe doit posséder un caractère distinctif dans l’ensemble de l’Union. Toutefois, en vertu de l’article 7, paragraphe 3 du même règlement, cet enregistrement ne peut être refusé lorsque la marque a acquis, pour les produits ou services pour lesquels il est demandé, un caractère distinctif après l'usage qui en a été fait. L’affaire rapportée permet à la Cour européenne de justice (CJUE) de préciser l’étendue territoriale de la preuve à établir dans cette hypothèse.
La société Nestlé obtient de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) l’enregistrement, comme marque de l’Union, du signe tridimensionnel reposant sur la forme d’une tablette de chocolat recouvertes de 4 barres trapézoïdales, correspondant au produit « Kit Kat 4 barres » qu’elle commercialise. L’enregistrement de la marque vise la catégorie de produits suivants : « bonbons, produits de boulangerie, articles de pâtisserie, biscuits, gâteaux gaufres ». La société concurrente Mondelez conteste cet enregistrement.
La demande d’annulation est rejetée par l’EUIPO mais retenue, par la suite, par le Tribunal de l’Union européenne : l’Office a commis une erreur en considérant qu’il n’était pas nécessaire de prouver le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque dans tous les Etats membres concernés.
En l’espèce, l’établissement du caractère distinctif par l’usage dans 10 pays imposait à l’Office :
- d’examiner la perception que le public pertinent d’une autre partie de l’Union – soit 4 autres Etats membres – avait de la marque comme une indication de l’origine commerciale du produit couvert par celle-ci ;
- d’analyser les éléments de preuve rapportés pour ces états (TUE 15 déc. 2016, Mondelez UK Holdings & Services Ltd/EUIPO, T-112/13).
Saisie sur pourvois, la Cour de justice de l’Union européenne confirme l’arrêt du Tribunal.
Elle souligne, concernant la preuve, qu'il y a lieu de distinguer les faits qui doivent être prouvés (acquisition du caractère distinctif par l’usage par un signe qui en est dépourvu) des moyens de preuve susceptibles de démontrer ces faits.
Elle réaffirme que la preuve de l’acquisition par une marque du caractère distinctif par l’usage dans la partie de l’Union où il faisait défaut – partie pouvant n'être constituée que d’un seul Etat membre – n’a pas à être rapportée pour chaque Etat membre pris individuellement aux fins d’enregistrement [CJUE 24 mai 2012, aff. C-98/11, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)]. La preuve peut être rapportée de façon globale pour tous les Etats membres concernés ou de façon séparée pour différents Etats membres ou groupes d’Etats membres. Toutefois, les preuves doivent permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des Etats membres de l’Union, et « non pas uniquement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire » (point 87).
Le caractère unitaire d’une marque européenne impose donc de prouver l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de manière suffisante sur le plan quantitatif et absolue sur la plan géographique, un seul Etat membre ne pouvant dispenser de son obligation le titulaire de la marque sur lequel pèse la charge de la preuve.
Audrey TABUTEAU