Perquisition et géolocalisation
Lorsque l'enquête est diligentée pour des faits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, conformément aux exigences des articles 76 et 230-32, les mesures de perquisition et de géolocalisation prévues par ces dispositions peuvent être mises en œuvre quelles que soient les qualifications finalement retenues à l'issue de l'enquête à l'égard de chacune des personnes impliquées (Cass. crim. 12-7-2022 n° 21-83.805 FS-B).
Juge d’instruction (dessaisissement)
Les dispositions de l'article 706-22 du code de procédure pénale (qui ouvrent un recours devant la chambre criminelle contre l’ordonnance de dessaisissement du juge d’instruction saisi d’infractions terroristes) viennent compléter celles de l'article 663 du même code sans se substituer à celles-ci ou les exclure. L’article 663 prévoit en effet que lorsque deux juges d’instruction sont saisis d'infractions connexes ou d'infractions différentes en raison desquelles une même personne ou les mêmes personnes sont mises en examen, le ministère public peut, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, requérir l'un des juges de se dessaisir au profit de l'autre. Si le juge d'instruction n’est pas saisi d'infractions à caractère terroriste, les dispositions relatives à la poursuite, l'instruction et le jugement des actes de terrorisme ne sont pas applicables, seul l’étant l’article 663 et l’ordonnance de dessaisissement peut, dès lors, faire l’objet d’un appel en application du troisième alinéa de l’article 186 (Cass. crim. 12-7-2022 n° 19-80.388 FS-B).
Chambre de l’instruction (transmission du mémoire par voie électronique sécurisée)
Il résulte des articles 198, D 591 et D 592 que les mémoires produits devant la chambre de l'instruction peuvent être transmis par un moyen de télécommunication sécurisé à l'adresse électronique de la chambre, dans les conditions prévues par la convention passée entre le ministère de la justice et le Conseil national des barreaux (CNB) le 5 février 2021 ; cette dernière prévoyant que les avocats ne peuvent transmettre, en matière pénale, de messages électroniques aux juridictions qu'aux adresses de messagerie déclarées par le ministère de la justice au CNB comme éligibles à la communication électronique pénale. Est irrecevable le mémoire déposé devant la chambre de l'instruction qui a été envoyé à une autre adresse électronique (en l’espèce celle de la messagerie professionnelle nominative d'un greffier) que celle transmise par cette juridiction comme éligible à la communication électronique pénale (Cass. crim. 27-7-2022 n° 22-83.237 F-B).
Diffusion d’informations concernant une victime d’agression sexuelle
La chambre criminelle de la Cour de cassation refuse de transmette au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « L'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 ne méconnaît-il pas la liberté d'expression, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il réprime, sans distinction et sous la seule réserve de l'accord écrit donné par la victime, le fait de diffuser des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable, y compris lorsque de tels renseignements ou une telle image ont déjà été diffusés par la victime elle-même ? »
Elle juge notamment que « la disposition en cause ne prescrit pas une interdiction générale de diffusion mais est limitée à certains éléments, ce dont il se déduit qu'elle n'interdit pas toute expression sur des faits d'agression ou d'atteinte sexuelles » et prévoit une dérogation en cas d'accord écrit de la victime. Même dans le cas où la victime a déjà diffusé elle-même des renseignements concernant son identité, ou son image, un risque d'atteinte aux intérêts précités est susceptible de résulter d'une nouvelle diffusion dans des conditions auxquelles elle n'a pas consenti.
Par conséquent « la disposition en cause, qui ne présente pas un caractère général et absolu, assure donc une conciliation, qui n'est pas manifestement disproportionnée, entre la protection des victimes et le principe de la liberté d'expression » (Cass. crim. 10-8-2022 n° 22-81.057 FS-B).
Droits à la traduction et à l’information dans une procédure pénale
Dans le cadre d’un litige concernant les conséquences de l’absence d’assistance d’un interprète et de l’omission de la traduction de différents documents relatifs à la procédure pénale conduite contre le prévenu, la CJUE précise l’interprétation des articles 1er à 3 de la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (JO 2010, L 280, p. 1), ainsi que de l’article 3 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1).
La Cour considère que les articles 2, § 1, et 3, § 1, de la directive 2010/64/UE ainsi que l’article 3, § 1, sous d), de la directive 2012/13/UE, lus à la lumière des articles 47 et 48, § 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que du principe d’effectivité, s’opposent à une réglementation nationale prévoyant que la violation des droits protégés par ces dispositions doive être invoquée par leur bénéficiaire dans un délai déterminé sous peine de forclusion, lorsque ce délai commence à courir avant qu’il ait été informé, dans une langue qu’il parle ou comprend, de l’existence et de la portée de son droit à l’interprétation et à la traduction et de l’existence et du contenu du document essentiel en cause ainsi que de ses effets (CJUE 1-8-2022 aff. C-242/22).
Déclaration d’intérêts privés
Dans une affaire portant sur le manquement du directeur d’une société lituanienne active dans la protection de l’environnement recevant des fonds publics de déposer une déclaration d’intérêts privés, la CJUE, dans un arrêt du 1er août 2022, précise l’interprétation de l’article 6, § 1, al. 1er, sous e), et de l’article 9, § 1, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, et rectificatif JO 2018, L 127, p. 2, ci-après le « RGPD »).
Ainsi, la Cour considère que l’article 7, sous c), de la directive 95/46/CE et l’article 6, § 1, al. 1er, sous c), et § 3, du règlement (UE) 2016/679, lus à la lumière des articles 7, 8 et 52, § 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’opposent à une législation nationale prévoyant la publication en ligne de la déclaration d’intérêts privés que le directeur d’un établissement percevant des fonds publics est tenu de déposer, cette publication portant sur des données nominatives relatives à son conjoint, concubin ou partenaire ainsi qu’aux personnes proches ou connues du déclarant susceptibles de donner lieu à un conflit d’intérêts, ou sur toute transaction conclue au cours des douze derniers mois civils dont la valeur excède 3 000 euros. La Cour ajoute ensuite qu’il convient d’interpréter l’article 8, § 1, de la directive 95/46 et l’article 9, § 1, du règlement 2016/679 en ce sens que la publication de données nominatives sur le conjoint, concubin ou partenaire, contenues dans la déclaration d’intérêts, permettent de déduire l’orientation sexuelle du déclarant, constituant des données sensibles (CJUE 1-8-2022 aff. C‑184/20).
Organisation du travail en détention
Le 28 juillet 2022 ont été publiés la circulaire du 18 juillet 2022 relative à l’organisation du travail en détention (NOR : JUSK2221734C) et ses annexes. Dans la continuité du processus de diversification du travail pénitentiaire opéré par la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, le texte appelle à l’engagement de plusieurs actions pour stabiliser et faire croître le nombre de personnes détenues travaillant en détention.
Ainsi, l'amélioration des conditions d'accès et de travail et la réalisation d’un bilan socio-professionnel des personnes détenues sont présentées comme étant des axes de travail prioritaires. Le développement de formes de travail spécialisées pour les publics éloignés de l'emploi doit être poursuivi et accéléré, un risque d'éviction étant reconnu pour la population détenue la moins productive. Par ailleurs, l'implantation massive de ces structures permettra d'orienter prioritairement les personnes éloignées de l'emploi vers des dispositifs assurant une rémunération et un accompagnement renforcé. Enfin, deux nouveaux outils seront mis en service en appui aux missions relatives au travail pénitentiaire : « IPRO360° » et « Octave », lesquels permettront, entre autres, une meilleure gestion de l’insertion professionnelle, des affectations, des temps et de la paie.
Lutte contre le blanchiment
Dans un communiqué du 27 juillet, Tracfin a rendu public son traditionnel rapport d’activité pour l’année passée. On y apprend que la hausse continue des informations transmises à la cellule de renseignement financier se poursuit (+ 43 % par rapport à 2020).
Le rapport met en lumière les domaines dans lesquels des enquêtes approfondies sont menées, notamment les atteintes aux finances publiques (fraudes fiscale, sociale et douanière ou détournement, à des fins d’escroquerie, de dispositifs d’aides) ou encore les risques de crypto-blanchiment (flux financiers issus d’attaques par rançongiciels).
Rapport annuel 2021 de la Cour de cassation
Organisé autour de trois temps forts, les discours de la Première Présidente Mme Chantal Arens et du Premier avocat Général M. François Molins, les propositions de réformes et les arrêts importants rendus dans l’année, le rapport de la Cour de cassation est toujours une précieuse occasion de revenir avec un peu de distance sur l’actualité de l’année passée.
Parmi les réformes proposées depuis plusieurs années par la chambre criminelle, mais qui n’ont pas encore été entendues ou n’ont pas encore abouti, on retrouve la possibilité aux enquêteurs de la DGCCRF de recourir à des scellés fermés provisoires dans le cadre d’opérations de saisie autorisées par le juge des libertés et de la détention en matière d’infractions à la consommation, la révision des dispositions de l’article 712-13 du code de procédure pénale qui excluent la comparution du condamné devant la chambre de l’application des peines, l’extension de l’appel en matière contraventionnelle, l’extension de la représentation obligatoire devant la chambre criminelle. Au titre des suggestions nouvelles, il est proposé de modifier l’article 148-2 du code de procédure pénale, afin que le délai imparti à la juridiction pour statuer sur une demande de mise en liberté présentées par une personne renvoyée en jugement puisse être prorogé en cas de circonstances insurmontables, afin d’aligner le régime de ce délai sur celui qui s’applique aux autres demandes de mise liberté (V. notamment : CPP art. 194).
Dans les « grands arrêts », la Cour retient notamment le revirement du 15 décembre 2021 (n° 21-81.864) qui autorise largement le cumul idéal de qualifications, par exemple, en l’espèce, entre l’escroquerie et le faux et l’usage de faux, ou l’arrêt du 27 janvier 2021 (n° 20-85.990) qui a imposé aux juridictions d’instruction statuant en matière de détention provisoire de s’assurer, à tous les stades de la procédure, de l’existence d’indices graves ou concordants à l’encontre de la personne subissant la mesure de sûreté.
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal