En matière de discrimination, la charge de la preuve est aménagée : lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et constituant selon lui une discrimination, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'une discrimination et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La Cour de cassation rappelle ces règles dans une affaire mêlant licenciement économique et discrimination liée à l'état de santé.
Déclaré apte après plus de deux ans d'arrêt de travail pour maladie professionnelle, de 2014 à 2016, un directeur administratif et financier solde ses congés à la demande de son employeur puis est de nouveau arrêté. Il est licencié pour motif économique en 2017 avant d'avoir pu reprendre son poste. Il saisit les tribunaux pour demander la nullité de ce licenciement pour discrimination liée à l'état de santé.
Il est débouté en appel. Dans un premier temps, les juges relèvent qu'aucun outil de travail ou bureau n'était disponible à son retour et qu'il était le seul cadre à avoir été licencié au titre de la restructuration opérée par l'employeur et retiennent que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé.
Puis ils observent que, d'une part, l'employeur était déficitaire au cours des exercices comptables 2014 et 2015, que le chiffre d'affaires était en baisse significative sur les années 2013, 2014 et 2015 et, d'autre part, que le salarié ayant initalement remplacé le demandeur sur son poste pendant son arrêt maladie occupait depuis le courant de l'année 2016, un poste réunissant les attributions attachées au directeur administratif et financier ainsi que d'autres rattachées à la logistique, à l'informatique, aux ressources humaines et au service client.
Les juges en déduisent que l'employeur a licencié le salarié pour des motifs tenant à une réorganisation intervenue pendant son arrêt maladie en raison de sa situation économique, ces justifications constituant des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Ils considèrent donc que le licenciement n'est pas survenu pour un motif discriminatoire.
Pour autant, la cour d'appel fait droit à la contestation par le salarié de la cause économique invoquée, les données comptables sur lesquelles l'employeur s'appuyait, antérieures de plus d'une année à la date de la rupture du contrat, ne permettant pas d'établir l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement. Le licenciement est donc jugé sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation censure la cour d'appel pour avoir ainsi établi par des motifs impropres que la décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination alors qu'elle avait constaté que le motif économique invoqué n'était pas établi.
A noter :
On observera que la cassation intervenue à ce titre produit ses effets sur la condamnation au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenue par le salarié, parce que la nullité éventuelle du licenciement affecte nécessairement ce chef de décision.
Cass. soc. 10-7-2024 n° 22-16.805 FS-B
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