Par acte authentique du 5 mai 2004, une société vend à des époux deux lots de copropriété d'un immeuble devant être réhabilité. Le couple souscrit un emprunt pour financer cette acquisition et les travaux. Les travaux de réhabilitation de l'immeuble n'ayant pas été réalisés, les acquéreurs assignent la société, le notaire et la banque en annulation de l'acte de vente et en dommages-intérêts.
La vente est annulée. Le notaire, jugé fautif d’avoir dressé une vente d’immeuble en réhabilitation en la forme ordinaire et non en la forme d’une Vefa, est condamné à réparer solidairement avec le vendeur le préjudice des acquéreurs.
La banque demande par ailleurs que le notaire soit condamné à l’indemniser de la perte des intérêts et du remboursement des frais du prêt aux époux, l’annulation de la vente entraînant celle du prêt.
Concernant la perte des intérêts conventionnels, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté la demande de la banque. En effet, la banque est fondée à être indemnisée au titre de la restitution des intérêts échus et à se prévaloir de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir. Mais elle ne peut pas demander le paiement du montant des intérêts contractuels non perçus.
La Cour de cassation censure en revanche l’arrêt d’appel pour avoir rejeté la demande en garantie du remboursement des frais de l’emprunt. A la suite de l’annulation d’un contrat de prêt accessoire à un contrat de vente, la banque est fondée à être indemnisée au titre de la restitution des frais du prêt annulé.
A noter : la condamnation du notaire responsable de la nullité d’une vente et du prêt qui en est l’accessoire à garantir la banque au titre de la restitution à l’acquéreur emprunteur des frais de prêt est une précision inédite, qui justifie sans aucun doute la très large diffusion de cet arrêt.
S’agissant du préjudice réparable au titre de la perte des intérêts conventionnels, la troisième chambre civile ne fait que réitérer une solution déjà bien établie et qui repose sur une distinction entre les intérêts échus et ceux à échoir. Si la banque doit en effet être garantie pour la totalité du montant des intérêts échus (Cass. 3e civ. 30-1-2013 n° 11-26.074 : RJDA 5/13 n° 394 ; Cass. 3e civ. 19-5-2016 n° 15-11.441 : RJDA 8-9/16 n° 609), elle ne peut l’être qu’au titre d’une perte de chance de les percevoir pour les intérêts à échoir (Cass. 3e civ. 18-2-2016 n° 15-12.719 : RJDA 7/16 n° 522). Rappelons à cet égard que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée (Cass. 1e civ. 26-9-2012 n° 11-19.464 : RJDA 1/13 n° 9).
Signalons enfin que sur l’ensemble de la question, la première chambre civile de la Cour de cassation paraît adopter une position beaucoup plus restrictive que celle de la troisième chambre civile (qui a rendu l'arrêt ici analysé). Elle a en effet censuré l'arrêt d'une cour d’appel qui avait condamné le notaire responsable de la nullité d’une vente à payer à la banque le montant des intérêts et des frais de garantie qu’elle-même devait rembourser à l’acquéreur-emprunteur après l’annulation du prêt (Cass. 1e civ. 2-7-2014 n° 12-28.615 : RJDA 11/14 n° 834, où il s’agissait d’intérêts échus).
Olivier DESUMEUR
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Vente immobilière n° 70460