Rappel du dispositif. L’ordonnance de protection repose sur une intervention du juge aux affaires familiales. Lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu'il n'y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu'il n'y a jamais eu de cohabitation, mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, il peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection (C. civ. art. 515-9). En vigueur depuis le 1er octobre 2010, ce dispositif est indépendant de toute procédure pénale, le dépôt préalable d'une plainte n’étant pas nécessaire (C. civ. art. 515-10).
Succès mitigé. Malgré cette dissociation de la procédure pénale, le recours aux ordonnances de protection se montre encore bien limité au regard du nombre de victimes de violences conjugales en 2021 : 208 000 selon les statistiques du ministère de l’intérieur contre 5 901 demandes. Le nombre de telles demandes ne cesse toutefois de croître, avec une augmentation notable de 55 % pendant la période Covid (2019-2020). La moyenne annuelle entre 2019 et 2021 s’établit à 4 500 décisions.
Portrait-robot des parties. Les parties intéressées ont entre 17 et 81 ans. Les demandes émanent à 97 % de femmes, qui ont moins de 36 ans pour la moitié d’entre elles, la tranche d’âge la plus représentée étant celle des 30-39 ans (20 %). Chez les hommes, un sur deux a moins de 39 ans, les plus représentés étant les 35-44 ans.
Dans près de 80 % des cas, les conjoints sont toujours en couple au jour de la saisine du juge, mais plus d’un quart de ceux qui sont mariés ou pacsés sont déjà en cours de séparation. Pour les couples déjà séparés au moment de la demande, celui qui reste dans le logement est, le plus souvent, la victime des violences en cas de concubinage alors que, pour les couples mariés ou pacsés, c’est l’auteur des violences dans 59 % des cas.
Nature des violences conjugales. Les violences subies sont tant physiques que psychologiques (respectivement dans 82 % et 78 % des cas) et elles sont multiples dans 83 % des affaires.
L’enquête met également en évidence l’exposition des jeunes enfants à ces formes de violence : 89 % des parties demanderesses ont des enfants et, dans 33 % de ces cas, elles accusent le défendeur d’avoir fait subir des violences à ces derniers.
Procédure pénale. Du côté des auteurs des violences, 32 % d’entre eux font l’objet d’une procédure pénale au moment de la saisine du JAF (dans la majorité des cas pour les mêmes faits) et, quasi dans la même proportion (27 %), ont un passé judiciaire en lien avec des faits de violences conjugales.
Éléments probatoires en soutien de la demande. Dans 93 % des cas, le demandeur produit au moins un élément de preuve ou d’antécédents. Il s’agit le plus souvent du dépôt de plainte (83 %), mais il peut également s’agir d’un certificat médical (59 %), d’un témoignage de tiers (30 %), d’une main courante (24 %), ou encore d’un témoignage d’enfant (7 %).
Office du juge. 67 % des demandes d’ordonnance de protection ont été acceptées entre janvier 2019 et juin 2021. Les motifs de rejet tiennent à l’absence de danger actuel, de vraisemblance des faits de violences allégués, leur ancienneté, leur cessation ou leur caractère exceptionnel. Entrent en jeu dans la décision du juge l’avis rendu par le ministère public et la position tenue par le défendeur. Comme mesure accessoire à l’ordonnance de protection, le juge est compétent pour statuer sur la jouissance du logement commun ou l’attribution du droit au bail (C. civ. art. 515-11, 3° et 4°). Elle concerne 77 % des demandes et est acceptée par le juge dans 94 % des cas.