icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Social/ Social

Nullité du licenciement d’une femme enceinte notifié par un salarié qui n’en a pas le pouvoir

En principe, le licenciement prononcé par une personne non habilitée pour le faire est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Mais, dans le cas d’une femme enceinte, ce licenciement est nul et justifie le prononcé de sanctions sévères.


Par Laurence MECHIN
quoti-20250409-social.jpg

@Getty images

Cass. soc. 12-2-2025 n° 23-22.310 FS-B, Z c/ Association gestion centre social Vaise

Quelle est la sanction attachée au licenciement pour faute grave d’une femme enceinte, prononcé par une personne n’ayant pas qualité pour le faire ? C’est la question, inédite, qui était posée à la Cour de cassation dans cette affaire. Elle y répond dans un arrêt publié au bulletin de ses chambres civiles.

Un licenciement sans délégation de pouvoirs dans une association

L’affaire concerne une animatrice socioculturelle dans une association, convoquée à un entretien préalable au licenciement en raison de fautes professionnelles. La salariée informe l’employeur de sa grossesse, bénéficiant ainsi de la protection dite « relative » instituée par le Code du travail en faveur des femmes pendant leur grossesse et pendant les 10 semaines suivant l’expiration du congé de maternité.

L’article L 1225-4 de ce Code interdit en effet à l’employeur de rompre le contrat de travail pendant cette période, sauf s’il justifie d’une faute grave non liée à la grossesse ou d’une impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la maternité.

A noter :

Pour rappel, pendant le congé de maternité, la protection est dite « absolue » : la rupture du contrat de travail ne peut ni prendre effet, ni être notifiée à la salariée.

Le directeur de l’association notifie à la salariée son licenciement pour faute grave. Or il n’a pas le pouvoir pour le faire, car il n’a pas reçu de délégation du pouvoir de licencier de la part du conseil d’administration de l’association.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le licenciement prononcé par une personne qui n’a pas qualité pour le faire est dépourvu de cause réelle et sérieuse (voir par exemple Cass. soc. 30-9-2010 n° 09-40.114 FP-PB). Il en va également ainsi au sein d’une association, lorsque le licenciement est notifié par un salarié n’ayant pas reçu une délégation expresse à cet effet (Cass. soc. 2-3-2011 n° 08-45.422 FP-PB).

La salariée saisit le juge prud’homal pour contester la validité de son licenciement. Elle soutient que, du fait de la protection relative dont elle bénéficie en raison de sa grossesse, son licenciement n’est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais nul.

Les critères de la nullité prévue par le Code du travail étaient-ils remplis ?

La question soumise à la Cour de cassation était donc celle de la sanction attachée au défaut de pouvoir du directeur de l’association pour licencier une salariée enceinte. Le licenciement est-il nul ou sans cause réelle et sérieuse ? Le juge doit-il rechercher si la faute grave reprochée à la salariée est établie avant de se pencher sur la procédure de licenciement ?

La Cour de cassation écarte ces questions. Il résulte en effet de la combinaison des articles L 1225-71 et L 1235-3-1 (dans leur rédaction issue des ordonnances 2017-1387 du 22 septembre 2017 et 2017-1718 du 20 décembre 2017) que le licenciement est nul s’il est prononcé en méconnaissance de la protection « relative » accordée à la femme enceinte.

La cour d’appel n’était donc pas tenue de rechercher si la salariée avait bel et bien commis la faute grave qui lui était reprochée. Son licenciement, prononcé par une personne n’en ayant pas le pouvoir, était nul.

A noter :

La Cour de cassation se prononce contre l’avis de son avocat général, selon lequel, pour pouvoir prononcer la nullité du licenciement au visa de l’article L 1225-4 du Code du travail, le juge doit nécessairement constater soit l’absence de faute grave, soit l’existence d’une telle faute, mais liée à l’état de grossesse.

La salariée peut prétendre aux salaires dus pendant la période d’éviction

Restait à trancher la question des conséquences indemnitaires de la nullité du licenciement. En l’espèce, la salariée, qui ne demandait pas sa réintégration, réclamait le paiement :

  • des indemnités de rupture, dont elle avait été privée du fait de son licenciement pour faute grave ;

  • de dommages-intérêts d’au moins 6 mois de salaire en réparation de son préjudice, en application des articles L 1235-3-1 et L 1225-71 du Code du travail ;

  • et d’un rappel de 8 mois de salaire, correspondant à la période d’éviction comprise entre son licenciement et la fin de son congé de maternité.

La cour d’appel a accordé à la salariée les indemnités de rupture et les dommages-intérêts demandés, mais l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire au motif qu’elle n’en précisait pas le fondement juridique et qu’elle ne justifiait pas d’un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité accordée.

Cette analyse est censurée pour violation de la loi, au visa des articles L 1225-71 et L 1235-3-1 du Code du travail, et des directives 92/85 du 19 octobre 1992 et 2006-54 du 5 juillet 2006.

L’ordonnance 2022-1387 du 22 septembre 2017 a modifié la rédaction de l’article L 1225-71, ce qui a semé le doute sur les droits accordés à la salariée licenciée en violation de sa protection prévue par l’article L 1225-4. Mais la Cour de cassation confirme ici que cette maladresse rédactionnelle n’emporte pas une telle conséquence, et que la salariée peut prétendre à un rappel de salaire au titre de sa période d’éviction.

A noter :

La Cour de cassation confirme ainsi une décision récente, par laquelle elle a levé le doute sur la portée des modifications apportées à l’article L 1225-71 par l’ordonnance du 22 septembre 2017 (Cass. soc. 6-11-2024 n° 23-14.706 FS-B).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


Mémento Agriculture 2025-2026
social -

Mémento Agriculture 2025-2026

Maîtrisez les règlementations propres au secteur de l’agriculture
169,00 € TTC
Harcèlement dans les relations de travail
social -

Harcèlement dans les relations de travail

Anticiper ou répondre à une situation de harcèlement sous tous ses aspects !
89,00 € TTC