Comment les propositions dévoilées le 25 janvier 2017 ont-elles été élaborées ?
Olivier Herrnberger. Damien Brac de La Perrière, directeur des affaires juridiques du Conseil supérieur du notariat (CSN), les permanents et moi-même avons d’abord recensé toutes les propositions faites chaque année dans les différents instituts et groupes de travail de la profession. Nos deux sources principales sont les propositions annuelles du Congrès des notaires et celles de l’Assemblée de liaison, les premières étant de nature à faire évoluer le droit, les secondes relevant de l’organisation de notre métier. Nous les avons analysées pour sélectionner les plus pertinentes. Ensuite, nous avons interrogé les responsables des organes de réflexion : les rapporteurs généraux de congrès en cours, les présidents de l’Assemblée de liaison, des instituts du CSN et du Mouvement Jeune Notariat.
Nous avons retenu des propositions larges qui relèvent du pouvoir d’un président de la République, afin qu’il puisse s’en emparer et les transmette ensuite au gouvernement. Par exemple, évoquer le choc de la construction ou apporter une plus grande sécurité aux couples qui se séparent sont des thèmes qui ont leur place dans un programme présidentiel.
Didier Coiffard, président du CSN, a retenu 18 propositions sur la vingtaine présentée au Bureau. Il les détaillera aux candidats qui accepteront de le recevoir.
Nous réservons des propositions plus techniques aux parlementaires. Une autre équipe est d’ores et déjà constituée pour les soumettre à la majorité issue des prochaines législatives. Il s’agit d’un lobbying juridique allant dans le sens de l’intérêt collectif et initié à partir de ce que les notaires observent dans leur pratique quotidienne.
Les 18 propositions font-elles consensus dans la profession ?
OH. Pas forcément. Ainsi, la proposition qui vise à anticiper les conséquences financières de la désunion d’un couple dans le contrat de mariage ou le Pacs notarié en y définissant les modalités de détermination de la prestation compensatoire émanait de l’équipe du Congrès de Bordeaux qui avait traité, en juin 2010, le thème « Couples, patrimoine, les défis de la vie à deux ». Elle avait été refusée par les notaires présents en Gironde, car jugée prématurée. Le divorce étant désormais déjudiciarisé, il nous semble que, dans la mesure où la société admet que la séparation devienne contractuelle, les modalités d’organisation de la séparation peuvent l’être également afin de donner plus de prévisibilité aux conséquences financières de la rupture.
Toutes les propositions sont issues d’un cheminement par approfondissement des questions pratiques et incorporation des observations de terrain. Elles n’arrivent pas dans le débat public par hasard.
Vous suggérez entre autres la création d’un Code des professions du droit regroupant les règles applicables à chacune (statut, déontologie, compétence et rémunération). Pourquoi ?
OH. L’idée principale est de faire un point sur les missions de ces professions et de réfléchir à l’utilité sociale de chacune. La mission doit commander le statut et non l’inverse. A quoi sert un avocat, un notaire, un huissier de justice, etc. ? De la réponse à cette question découlent un statut et une organisation. Si on considère que le notaire accomplit pour le compte de l’Etat une mission en toute impartialité, il faut différencier son rôle de celui du mandataire d’une partie face à une autre. Notre proposition obligerait les pouvoirs publics et les professions à un travail d’introspection. Nous avons des champs d’intervention communs avec d’autres professions, par exemple les cessions de fonds de commerce, mais la mission qui nous est confiée dans le cadre du service public de l’authenticité n’est pas la même que celle des autres rédacteurs d’actes.
Illustration parfaite, ces questions sous-jacentes surgissent actuellement dans le cadre du divorce sans juge. Elles sont révélatrices. Enregistrer une convention d’un côté ou vérifier la réalité d’un consentement entre les époux et la bonne compréhension des conséquences de leur divorce de l’autre ne constitue pas le même travail. En abordant la rémunération et le coût des intervenants, on prend le problème à l’envers. Dans notre système juridique, il faut bien saisir la nuance entre certifier et authentifier et donc se demander avant toute chose quelle est la fonction de chaque professionnel.
A travers ce code, appelez-vous de vos vœux une modification de l’article 52 de la loi Macron qui prévoit une liberté d'installation encadrée des notaires ?
OH. Le maillage territorial a été fixé par l’Autorité de la concurrence qui a établi la carte d’implantation des futurs offices (voir La Quotidienne du 29 septembre 2016) sans l’avis du ministère de la justice.
Il faudrait rappeler que la définition des lieux d’implantation des offices relève de la compétence du garde des Sceaux. Sa responsabilité est d’apprécier la situation de l’accès au droit sur le territoire puis de décider où doivent être localisés juges, avocats et notaires, de la même manière qu’il établit la carte des tribunaux. Rien ne l’empêche de s’appuyer sur des outils statistiques et des données fournies, le cas échéant, par l’Autorité de la concurrence, mais il doit rester le décisionnaire final.
Ne craignez-vous pas d’alimenter la surenchère législative ?
OH. Ce code consisterait pour l’essentiel à rassembler des dispositions éparses. Il s’agit d’un travail de classement et de rangement. Une codification à droit constant est salutaire en ce qu’elle oblige à classer les textes et à les rendre plus accessibles aux utilisateurs.
Propos recueillis par Alexandra DESCHAMPS
Lire aussi La Quotidienne du 26 janvier 2017 : « Accordez aux entrepreneurs un droit au rebond ! »
Olivier HERRNBERGER