Valérie Depadt, maître de conférences HDR en droit à l'Université Sorbonne Paris Nord, conseillère de l’Espace éthique Île-de-France, analyse l'apport de trois textes intéresant l'AMP. Tout d’abord, un récent décret précise certaines dispositions de la loi bioéthique du 2 août 2021, notamment en ce qui concerne l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées (Décret 2022-290 du 1-3-2022). Plusieurs points du texte intéressent directement le notaire en charge tant du recueil des consentements (C. civ. art. 342-10) que de la nouvelle déclaration conjointe prévue par le Code civil (C. civ. art. 342-11 : SNH 27/21 inf. 10).
Par mesure de coordination, les dispositions du Code de procédure civile relatives au recueil du consentement à l’AMP avec tiers donneur sont modifiées en ce qu’elles incluent désormais les couples de femmes et les femmes non mariées parmi les personnes susceptibles de recourir à la procréation assistée (CPC art. 1157-2 modifié).
Les éléments de l’information délivrée par le notaire au moment du consentement sont complétés (CPC art. 1157-3 modifié). S’agissant des couples de femmes, il doit être précisé que la femme qui ferait obstacle à la remise à l’officier d’état civil de la reconnaissance conjointe engage sa responsabilité. Doit également être mentionnée la possibilité de faire apposer cette reconnaissance sur l’acte de naissance de l’enfant, soit sur instruction du procureur de la République à la demande de l’enfant majeur, soit sur celle de son représentant légal s’il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice. S’agissant de l’ensemble des candidats à une AMP avec tiers donneur, le notaire est désormais tenu de les informer de la possibilité ouverte à l’enfant qui le souhaite d’accéder, à sa majorité, aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.
Ces dispositions sont applicables depuis l’entrée en vigueur du décret, soit le 2 mars 2022.
Le décret modifie également certains points du décret du 29 octobre 2004 portant application de la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil, afin de l’adapter aux couples de femmes et aux femmes non mariées qui recourent à l’AMP, y compris en cas de désaccord sur le nom.
Ensuite, une réponse du garde des Sceaux à la question d’un député envisage une hypothèse non prévue par la loi bioéthique concernant les couples de femmes ayant commencé un protocole d’AMP à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi mais dont l’insémination ou le transfert d’embryon a abouti à une grossesse après cette entrée en vigueur (Rép. Houlié : AN 15-2-2022 n° 42897). Ces femmes bénéficient-elles de la disposition transitoire prévue par l’article 6, IV de la loi du 2 août 2021 ? Cette mesure, on le rappelle, permet aux femmes ayant eu un enfant par AMP réalisée à l’étranger de bénéficier, pour une durée de 3 ans à compter de la publication de la loi, de la procédure de déclaration conjointe dès lors que l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de la mère ayant accouché. La réponse de la Chancellerie est sans appel : pour bénéficier de ce dispositif transitoire, « il convient que l'insémination ou le transfert d'embryon réalisé par ces couples de femmes à l'étranger l'ait été avant l'entrée en vigueur de la loi ». Pour les couples qui se trouvent dans une situation non prévue par les textes, « l'adoption reste le seul mode d'établissement de la filiation possible entre l'enfant et la femme qui n'a pas accouché », conclut le ministre.
Enfin, la loi du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption contient une mesure applicable à l’hypothèse dans laquelle la mère inscrite sur l’acte de naissance refuse la déclaration conjointe de l’article 6, IV précité. En ce cas, « la femme qui n'a pas accouché peut demander à adopter l'enfant, sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et de l'assistance médicale à la procréation réalisée à l'étranger avant la publication de la même loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puissent lui être opposées l'absence de lien conjugal ni la condition de durée d'accueil prévue au premier alinéa de l'article 345 du Code civil » (voir aussi S. Prétot, Présentation de la réforme de l’adoption : SNH 9/22 inf. 16).
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