Ayant consenti en 1990 un pacte de préférence sur un immeuble, le promettant informe le bénéficiaire en 2011 qu’il entend vendre ce bien à un tiers et à quelles conditions. En réponse, le bénéficiaire fait part de son intention d’exercer son droit de préférence, mais le promettant refuse de signer l’acte de vente. Après le décès du promettant, le légataire universel de celui-ci conteste la validité du pacte pour s’opposer à l’exécution forcée de la vente ; il soutient que, dénué de terme, le pacte est nul.
La Cour de cassation rejette l’argument : les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat mais chaque contractant peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. En l’absence de résiliation du pacte de préférence, le bénéficiaire de celui-ci pouvait exercer son droit de préférence.
A noter :
Un pacte de préférence est valable même s’il ne mentionne ni le délai pour son exécution ni le prix du contrat envisagé (Cass. 1e civ. 6-6-2001 n° 98-20.673 F-P : RJDA 1/02 n° 25 ; Cass. 3e civ. 15-1-2003 n° 01-03.700 FS-PBI : RJDA 4/03 n° 371). Mais il reste soumis à la prohibition des engagements perpétuels.
S’agissant de la sanction d’un engagement perpétuel, la première chambre civile de la Cour de cassation reprend ici à l’identique un principe récemment posé par la chambre commerciale à propos de la durée excessive d’un pacte d’actionnaires incluant une promesse unilatérale de cession d’actions (Cass. com. 21-9-2022 n° 20-16.994 F-B : BRDA 22/22 inf. 1).
Dans la décision commentée comme dans celle précitée de 2022, la réforme du droit des contrats de 2016 n’était pas applicable. Mais, sous l’empire des nouveaux textes, la solution est la même en application du nouvel article 1210 du Code civil qui traite de manière identique l’engagement perpétuel ou à durée indéterminée.
Celui qui entend consentir un pacte de préférence doit donc s’interroger préalablement sur l’intérêt pour lui (en fonction de ses objectifs et des circonstances) de fixer ou non un terme à son engagement. S’il n’en fixe pas, il s’expose à exécuter le pacte bien longtemps après l’avoir consenti, alors peut-être que ses motivations ou les circonstances ont évoluées. S’il fixe un terme, il doit le respecter, sans pouvoir mettre fin au pacte unilatéralement avant l’arrivée du terme (cf. C. civ. art. 1213) mais il recouvre ensuite sa liberté de contracter avec toute autre personne.
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