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Participation aux acquêts : la clause d'exclusion des biens professionnels bel et bien fragilisée

La clause d'exclusion des biens professionnels stipulée par les époux dans leur contrat de participation aux acquêts constitue un avantage matrimonial révoqué de plein droit par leur divorce sauf volonté contraire exprimée au moment du divorce.

Cass. 1e civ. 31-3-2021 no 19-25.903 F-D


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Des époux se marient sous le régime de la participation aux acquêts. Ils prévoient dans leur contrat une clause d'exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation, sauf en cas de dissolution par décès. Quelques années plus tard, le couple divorce. L'ex-femme réclame une créance dont l'assiette de calcul inclut les biens professionnels.

La Cour d'appel rejette sa demande. Certes, le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial, sauf volonté contraire de l'époux qui les a consentis ( C. civ. art. 265, al. 2 ). Mais tenir la clause litigieuse pour un avantage matrimonial reviendrait à priver d'effet la commune intention des parties, qui était, non de conférer un avantage conventionnel mais de protéger, en cas de divorce, les biens affectés à l'exercice professionnel de chacun des époux.

Cassation au visa de l'article 265 du Code civil. Les profits que l'un ou l'autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ; dès lors, ces avantages sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.
La clause excluant du calcul de la créance de participation les biens et dettes professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès conduit à avantager celui d'entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint constitue un avantage matrimonial. Celui-ci est donc révoqué de plein droit en cas de divorce, nonobstant la qualification qu'en auraient retenu les parties dans leur contrat de mariage.

À noter : Dans les contrats de participation aux acquêts, il était d'usage jusqu'à récemment d'exclure du calcul de la créance de participation les biens professionnels en cas de divorce afin de sauvegarder les intérêts du conjoint professionnel. Mais en 2019, la Cour de cassation a réduit à néant la portée de la clause. Elle a estimé que celle-ci constitue un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime matrimonial, donc révoqué de plein droit par le divorce, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce (Cass. 1e civ. no 18-26.337 FS-PBI : BPAT 2/20 inf. 53 note G. Yildirim, D. actu 2020 23-1-2020 obs. Q Guiguet-Schielé, D. 2020 p. 635 note Th. Le Bars et L. Mauger-Vielpeau, AJ Famille 2020 p. 126 obs. N. Duchange, RTD civ. 2020 p. 175 obs. B. Vareille).

La présente décision est une confirmation la jurisprudence de 2019, mais elle précise aussi expressément deux points :

  • - l'avantage matrimonial est aussi constitué si la clause exclut du calcul de la créance des « dettes » professionnelles. La solution est sans surprise, une telle exclusion permettant, à la dissolution du régime de participation aux acquêts, un enrichissement de l'un des époux par rapport au dispositif légal de liquidation de la créance de participation (à propos des dettes, voir C. civ. art. 1574) ;

  • - la révocation s'impose nonobstant la qualification retenue par les époux dans leur contrat de mariage. Autrement dit, la clause constitue nécessairement un avantage matrimonial en ce qu'elle déroge aux règles de la participation aux acquêts prévues par le Code civil, peu important l'intention des parties et la réalité de l'enrichissement. Comme le rappelle ici la Cour de cassation, ce n'est qu'au moment du divorce que les époux pourraient convenir, dans un élan pacifiste, du maintien de l'avantage matrimonial… L'on imagine bien la rareté de cette situation.

Le sort de la clause d'exclusion des biens professionnels est donc bel et bien scellé. Toutefois, il est important de rappeler qu'à la suite de la décision de 2019, des tentatives de sauvetage ont été amorcées. Un sénateur a demandé de compléter l'article 265 du Code civil pour que les époux puissent décider dans leur contrat de mariage du maintien, en cas de divorce, des avantages matrimoniaux ne prenant effet qu'à la dissolution du régime. La ministre de la Justice s'est dite favorable à une clarification de ce texte (Rép. Malhuret : Sén. 28-5-2020 no 14362). Lors de leur Congrès tenu à Paris en octobre 2020, les notaires ont même proposé de consacrer dans le Code civil deux clauses : celle d'exclusion des biens professionnels de la liquidation de la créance de participation et celle de son plafonnement, en indiquant qu'elles prendront effet au cas de divorce, nonobstant les dispositions de l'article 265 du Code civil (voir notamment G. Yildirim, Le 116è Congrès au secours de l'époux professionnel sous la participation aux acquêts : SNH 38/20 inf. 4). Reste à savoir si, à la différence des Hauts Magistrats, le législateur sera davantage à l'écoute des praticiens…

Florence GALL-KIESMANN

Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Patrimoine n° 406

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