Le contrat de mariage d’un couple marié sous le régime de la participation aux acquêts stipule qu’en cas de dissolution du régime pour une autre cause que le décès, les biens affectés à l’exercice effectif de la profession des époux seront exclus de la liquidation.
Le couple divorce. Le mari demande que soit constatée la révocation de plein droit de cette clause et que les biens professionnels soient intégrés à la liquidation de la créance de participation.
La cour d’appel rejette sa demande. Si le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial (C. civ. art. 265 ), la clause d’exclusion des biens professionnels ne constitue pas un avantage matrimonial, lequel est attaché au régime de communauté. Les biens professionnels doivent donc être exclus du calcul de la créance de participation à la liquidation du régime.
Cassation. Les profits que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial. Ils sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.
À noter : l’arrêt commenté constitue un tournant dans l’histoire de la participation aux acquêts. En effet, ce régime peut faire l’objet d’aménagements conventionnels (C. civ. art. 1581) et de nombreuses formules ont été proposées par la pratique. Ainsi, pour sauvegarder les intérêts du conjoint professionnel, il a été préconisé d’exclure les biens professionnels du calcul de la créance de participation dans l’hypothèse notamment du divorce. Cette clause procure inévitablement un avantage au profit de l’époux concerné. Cet avantage est-il néanmoins matrimonial ?
L’avantage matrimonial consiste généralement « dans l’enrichissement que le fonctionnement d’un régime conventionnel procure à un conjoint » (B. Vareille, Rép. civ. Dalloz v° Avantage matrimonial n° 6). Si l’application aux communautés conventionnelles est acquise (C. civ. art. 1527, al. 1), l’application à la participation aux acquêts a souvent été discutée (voir notamment Rép. Hage AN 17-10-1988 n° 601; Rép. Delpon AN 1-1-2019 n° 12382). La Cour de cassation lève désormais toute incertitude : tout profit retiré par l’un ou par l’autre des époux d’un aménagement du dispositif légal de liquidation de la créance de participation constitue un avantage matrimonial.
Cette qualification a son importance en cas de divorce. L’article 265 du Code civil fait la distinction entre le maintien des avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et la révocation de plein droit de ceux qui prennent effet seulement à la dissolution du régime ou au décès de l’un des époux. Cette différenciation propre au régime de communauté n’est pas adaptée à celui de la participation aux acquêts. Pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient sous la séparation de biens (C. civ. art. 1569, al. 1 ), ce qui laisse peu de place à un avantage matrimonial. Le bien exclu de l’évaluation du patrimoine originaire ou du patrimoine final demeure la seule propriété de l’époux auquel il appartient.
En revanche, à la dissolution, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre (C. civ. art. 1569, al. 2). Aussi les aménagements n’interviennent qu’au stade de la liquidation et ne concernent en principe que le calcul de la créance de participation. Si on reprend la distinction précédente, ils sont révoqués de plein droit en cas de divorce. Sont donc remis en cause non seulement la clause d’exclusion des biens professionnels mais aussi tous les aménagements qui prévoient une participation inégale ou qui attribuent au survivant la totalité des acquêts nets faits par l’autre.
La détermination d’un avantage matrimonial résulte en principe d’une comparaison entre le profit retiré du régime conventionnel et celui d’un régime de référence. En mentionnant que c’est par rapport au « dispositif légal de liquidation de la créance de participation » que le profit d’un époux doit être établi, la Haute juridiction précise que c’est le résultat donné par la participation aux acquêts type qui doit constituer la référence et non une séparation de biens ou même le régime légal retenu pour les communautés conventionnelles. Cette précision méthodologique est utile notamment en cas de décès pour l’éventuel retranchement de l’avantage matrimonial en présence d’un enfant non commun.
Cette décision dont la portée est indéniable risque néanmoins de fragiliser la plupart des aménagements de la participation aux acquêts notamment dans l’hypothèse du divorce. Elle ne contribuera certainement pas à inciter les praticiens à proposer ce régime, déjà le plus mal aimé de tous les régimes conventionnels…
Gulsen YILDIRIM, Maître de conférences HDR à la Faculté de droit des sciences économiques de Limoges