Mieux protéger les indépendants face aux accidents de la vie, renforcer leur accompagnement - de la création d’entreprise jusqu’à sa transmission -, simplifier leurs démarches administratives et juridiques au quotidien : tels sont, avec la création d’un statut unique, les principaux objectifs du plan de soutien aux travailleurs indépendants présenté, le 16 septembre 2021, par le chef de l’Etat. En préparation depuis plusieurs mois, retardé par la crise sanitaire qui a particulièrement éprouvé ce secteur et mis en évidence la fragilité du statut de ces professionnels, ce plan se veut aussi une réponse aux problématiques fiscales, sociales ou administratives rencontrées par les intéressés. Tour d’horizon des principales mesures sociales figurant dans le dossier de presse gouvernemental.
A noter :
Une partie de ces dispositions sera intégrée dans un projet de loi en faveur des indépendants portée par le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises et présenté au conseil des ministres du 29 septembre 2021. D'autres mesures seront inscrites dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2022, présentés respectivement au conseil des ministres des 22 septembre et 6 octobre 2021. Certaines enfin feront l'objet de textes réglementaires.
Des améliorations en matière de cotisations...
La modulation des cotisations sociales en temps réel serait généralisée
Depuis 2019, une expérimentation permet aux commerçants et aux artisans de l’Occitanie et de l’Ile-de-France de déclarer au fil de l’eau leur revenu estimé et de payer leurs cotisations et leurs contributions sociales en fonction de l’état réel de leur activité.
L’ensemble des indépendants, et particulièrement ceux connaissant d’importantes variations de revenus sur l’année, pourraient bénéficier de ce dispositif qui leur permettrait de moduler en temps réel leurs cotisations versées (auto-liquidation), au plus près des revenus perçus. Etant précisé que l’assiette des cotisations et des contributions sociales des indépendants ne serait pas pour autant modifiée.
Exemple :
Sonia, commerçante, a demandé à bénéficier du dispositif d’auto-liquidation. En 2022, ses revenus ont aussi diminué mais avec l’auto-déclaration de ses revenus qu’elle communique chaque mois aux URSSAF, elle paie des cotisations en 2022 sur la base de ces revenus diminués.
Soufiane, professionnel libéral, n’a pas demandé à bénéficier du dispositif d’auto-liquidation. En 2022, ses revenus ont diminué par rapport à 2021, mais ses cotisations sociales sont toujours calculées sur la base de ses revenus de 2021. Elles ne seront régularisées qu’en 2023. La trésorerie de Soufiane en est fortement affectée pendant 12 mois (Dossier de presse p. 16).
Les pénalités liées à une sous-estimation du revenu d'activité déclaré seraient supprimées
Les indépendants peuvent déclarer en cours d’année un revenu estimé qui sert de base pour payer le montant de leurs cotisations provisionnelles. Lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d'un tiers au revenu estimé par le cotisant, celui-ci se voit aujourd’hui appliquer une majoration de retard, sauf si des éléments en sa possession justifient l’estimation faite initialement. Le plan prévoit de supprimer cette majoration. Ainsi, un indépendant pourrait déterminer en temps réel son revenu estimé et ajuster ses cotisations au plus près de ses possibilités financières, sans crainte d’une pénalité en cas de mauvaise estimation.
La déclaration du chiffre d’affaires du micro-entrepreneur pourrait avoir lieu dès le début d’activité
Aujourd'hui, un micro-entrepreneur qui crée son entreprise doit attendre 90 jours avant de pouvoir effectuer sa première déclaration de chiffre d’affaires et d’effectuer son premier paiement de cotisations sociales. Ce délai serait supprimé. Ainsi, le micro-entrepreneur pourrait ainsi déclarer son chiffre d’affaires dès le début de son activité, et bénéficier des attestations lui permettant d’accéder à l’ensemble de ses droits.
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...et de prestations
L’adhésion au dispositif d’assurance volontaire contre les risques AT/MP serait encouragée
Le dispositif d’assurance volontaire permet aux indépendants de bénéficier de différentes prestations en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle (AT/MP) : prise en charge des frais de santé, indemnisation de l’incapacité permanente et indemnisation des ayants droit en cas de décès. Or, aujourd’hui, seuls 45 000 indépendants ont fait le choix de recourir à ce dispositif, souligne le dossier de presse. De nombreux entrepreneurs ne sont donc pas protégés contre des aléas qui peuvent avoir des conséquences importantes pour eux.
Pour faciliter l’adhésion à ce dispositif, sa tarification, variable en fonction du secteur d’activité, serait réduite d’environ 30 %. Les prestations versées resteraient identiques.
Les droits à retraite des indépendants impactés par la crise sanitaire seraient préservés
Les indépendants relevant des secteurs du tourisme, de l’événementiel, de la culture, du sport, de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi que des secteurs connexes (listes S1, S1 bis du fonds de solidarité et entreprises fermées administrativement), se verraient valider un nombre de trimestres de retraite en 2020 et 2021 équivalant à la moyenne des trimestres validés lors de leurs trois derniers exercices.
Exemple :
Anna, fleuriste, exerçait déjà son activité entre 2017 et 2019. Elle a validé au titre de chacune de ces années quatre trimestres de retraite. Elle verra ses droits à la retraite préservés en 2020 et 2021 quelle que soit sa perte de revenu durant la crise (Dossier de presse p. 18).
A noter :
Une des dispositions du plan prévoit de neutraliser les effets de la crise sanitaire sur l’assiette de calcul des droits aux indemnités journalières des travailleurs indépendants. En pratique, il s’agit d’écarter les revenus d’activité de 2020 pour le calcul des IJ maladie et maternité. A notre avis, cette mesure est déjà effective. En effet, la loi 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et le décret 2021-1049 du 6 août 2021 ont mis en place cette modalité dérogatoire de calcul des prestations en espèces des travailleurs indépendants pour les arrêts de travail débutant le 8 août 2021 et jusqu’au 31 décembre 2021. On peut penser que cette mesure, sans doute initialement prévue dans le cadre du plan, a été maintenue par erreur dans le dossier de presse.
Les critères pour bénéficier des droits à l’ATI seraient assouplis
L’ATI serait ouverte aux indépendants dont l’activité n’est plus économiquement viable
Aujourd’hui, les travailleurs indépendants qui ont exercé une activité non salariée sans interruption pendant au moins 2 ans dans une seule et même entreprise, répondant à des conditions de ressources et de revenus antérieurs d'activité (voir ci-dessous) et faisant l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire prononcée ou engagée depuis le 1er novembre 2019, peuvent bénéficier d’un dispositif d’assurance chômage spécifique – l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) - leur octroyant une aide d’environ 800 € par mois pendant 6 mois.
Le plan prévoit de faire bénéficier de l’ATI les travailleurs indépendants qui ont cessé de manière définitive leur activité, lorsque cette dernière n’était pas viable économiquement. Ce critère de non viabilité serait apprécié en se fondant sur une baisse du revenu fiscal de l’indépendant de 30 % d’une année sur l’autre.
Exemple :
Adrien est commerçant en tant qu’entrepreneur individuel. Son commerce connait des difficultés économiques, il perd 50 % de son revenu fiscal en une année. Avant que son entreprise ne soit placée en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, il cesse son activité et liquide son entreprise en soldant les dettes éventuelles.
Avant la mesure : Adrien ne peut pas bénéficier de l’allocation des indépendants car son entreprise n’a pas été placée en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.
Après la mesure : Adrien pourra bénéficier de l’allocation des indépendants d’un montant d’environ 800 € pendant 6 mois (Dossier de presse p. 20).
La condition de revenu minimum pour bénéficier de l’ATI serait assouplie
Actuellement, pour prétendre à l’ATI, le travailleur indépendant doit, entre autres conditions, justifier, au titre de l'activité non salariée, de revenus antérieurs d'activité égaux ou supérieurs à 10 000 € par an les deux années précédentes. Le montant requis ne serait plus désormais que de 10 000 € minimum sur l’une des deux dernières années d’activité non salariée.
Exemple :
José, restaurateur en tant qu’entrepreneur individuel, a eu des revenus d’activité annuels de 10 000 € puis de 7 000 € au cours des deux années précédant sa demande d’allocation des travailleurs indépendants.
Avant la mesure, José ne pouvait pas prétendre au bénéfice de l’ATI en raison de revenus d’activité trop faibles.
Après la mesure, José ayant eu des revenus d’activité annuels de 10 000 € puis de 7 000 €, il pourra bénéficier de l’ATI, s’il remplit par ailleurs les autres conditions d’éligibilité à l’allocation (Dossier de presse p. 20).
Une protection renforcée pour le conjoint collaborateur
Le statut de conjoint collaborateur serait limité dans le temps…
Afin de favoriser l’indépendance économique du conjoint à l’égard du chef d’entreprise, le plan prévoit de limiter l’exercice du statut de conjoint collaborateur à 5 ans dans une carrière afin d’acter son caractère transitoire. Au-delà de cette durée, le conjoint collaborateur pourrait opter soit pour le statut de conjoint salarié soit pour celui de conjoint associé.
… et ouvert au concubin
Aujourd’hui, le statut de conjoint collaborateur est ouvert aux seules personnes mariées aux chefs d’entreprise ou liées à ces derniers par un pacte civil de solidarité. Or, ce statut confère à son titulaire une pluralité de droits (protection sociale, droits à la retraite et à la formation professionnelle). Le conjoint collaborateur est par exemple affilié personnellement à la caisse d’assurance vieillesse du chef d’entreprise. Aux termes du plan, les concubins des chefs d’entreprise pourraient également, s’ils le souhaitent, opter pour le statut de conjoint collaborateur.
Les modalités de calcul des cotisations des conjoints collaborateurs seraient simplifiées
Actuellement, les conjoints collaborateurs des indépendants, qui ne touchent pas de revenu pour leur activité, doivent cotiser pour s’ouvrir des droits, notamment en matière de retraite.
Les modalités de calcul des cotisations des conjoints collaborateurs des micro-entrepreneurs seraient simplifiées. Ainsi, un taux global s’appliquerait à une assiette calculée soit en fonction du chiffre d'affaires du chef d’entreprise, soit en fonction d’un montant forfaitaire correspondant au chiffre d’affaires permettant d’assurer un revenu égal au 1/3 du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 13 712 € en 2021.
Pour les autres conjoints collaborateurs, deux des cinq assiettes de calcul des cotisations seraient supprimées pour ne conserver que les options les plus protectrices des droits du couple :
une assiette égale à 50 % du revenu du chef d’entreprise avec partage d’assiette (ces 50 % sont déduits de l’assiette de cotisation du chef d’entreprise pour les risques auxquels est affilié le conjoint) ;
une assiette égale à 50 % du revenu du chef d’entreprise sans partage d’assiette ;
une assiette égale à 1/3 du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) afin de permettre au conjoint collaborateur de choisir cette option, par exemple, si l’assiette égale à 50 % des revenus du chef d’entreprise est inférieure à ce montant.
Pour en savoir plus sur les mesures fiscales du plan en faveur des travailleurs indépendants : voir La Quotidienne du 20 septembre 2021