Rappels de la jurisprudence
En 2016 : la preuve du préjudice. La Cour de cassation décide que l’existence d’un préjudice et son évaluation relèvent du pouvoir d’appréciation des juges du fond, le salarié devant donc justifier de son préjudice (Cass. soc. 13-4-2016 n° 14-28.293 ; Cass. soc. 25-5-2016 n° 14-20.5785) .
Puis des exceptions régulières. Dès l’année suivante, les juges ont toutefois admis des cas où le salarié n’avait pas à prouver son préjudice pour en obtenir réparation, notamment :
la perte de son emploi de façon injustifiée (Cass. soc. 13-9-2017 n° 16-13.578) ;
l’atteinte à sa vie privée (Cass. soc. 12-11-2020 n° 19-20.583) ;
l’absence de mise en place des institutions représentatives du personnel dans le cadre d’une procédure de licenciement économique (Cass. soc. 17-10-2018 n° 17-14.392) ;
le dépassement de la durée maximale quotidienne (Cass. soc. 11-5-2023 n° 21-22.281) ou hebdomadaire de travail (Cass. soc. 26-1-2022 n° 20-21.636 ; Cass. soc. 27-9-2023 n° 21-24.782) ;
le non-respect du repos journalier conventionnel entre 2 services (Cass. soc. 7-2-2024 n° 21-22.809) .
Encore récemment complétées. De nouvelles exceptions à la preuve du préjudice sont ajoutées :
désormais, le non-respect du temps de pause quotidien (Cass. soc. 4-9-2024 n° 23-15.944) ;
le travail d’un salarié pendant un arrêt maladie (Cass. soc. 4-9-2024 n° 23-15.944) ou un congé maternité (Cass. soc. 4-9-2024 n° 22-16.129) .
Les préjudices restant à prouver
Les exceptions étant limitatives, le salarié doit prouver son préjudice pour en obtenir réparation dans les autres cas, notamment en l’absence :
d’information sur son exposition à l’amiante ou à d’autres agents cancérigènes (Cass. soc. 4-9-2024 n° 22-20.917) ;
de remise des documents de fin de contrat (Cass. soc. 14-9-2016 n° 15-21.794) ;
d’information sur la CC applicable (Cass. soc. 17-5-2016 n° 14-21.872) ;
de visite médicale d’embauche (Cass. soc. 27-6-2018 n° 17-15.438) , de suivi médical/visite de reprise après le congé maternité (Cass. soc. 4-9-2024 n° 22-16.129) ou de visite de reprise après mise en invalidité de 2e catégorie (Cass. soc. 4-9-2024 n° 22-23.648 ; Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-15.922) .
En pratique
Comment savoir ? Ainsi, selon l’obligation non respectée, le salarié qui réclame une indemnisation l’obtiendra toujours, ou au contraire devra prouver son préjudice. De façon schématique, les exceptions dans lesquelles la réparation du préjudice est automatique sont les cas où :
l’employeur viole une disposition interne, prise en application d’une règle européenne ou internationale dont les juges doivent assurer l’effectivité ;
et aucune sanction spécifique n’existe, la seule sanction disponible étant le droit commun de la responsabilité.
Conseil.
Ce dernier cas vise notamment :
le respect des durées maximales de travail et des pauses, et pourrait donc aussi être jugé pour le repos quotidien de 11 h, ou encore le repos hebdomadaire ;
le travail pendant la maladie (C. trav. art. L 4121-1, L 4121-2 et L 4121-4 ; direct. 89/391/CEE du 12-6-1989 art. 5 et 6) , et la maternité (C. trav. art. L 1225-17, al 1 et L 1225-29 ; direct. 92/85/CEE du 19-10-1992 art. 8) où les juges se fondent sur les textes internes interprétés au vu de la réglementation européenne sur l’obligation de sécurité ;
pour le suivi médical du salarié en revanche, la règle européenne (direct. 89/391/CE du 12-6-1989 art. 14) laisse à la loi nationale le choix entre divers modes de mise en œuvre de la surveillance de la santé, n’offrant ainsi pas aux salariés des droits subjectifs, précis et inconditionnels : elle n’a donc pas d’effet direct en droit interne et les salariés ne peuvent s’en prévaloir en justice pour demander réparation du préjudice causé par leur violation.
Attention aux autres sanctions. En tout état de cause, même sans préjudice automatique, l’employeur peut engager sa responsabilité pénale, par exemple en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l’action du médecin du travail (C. trav. art. R 4745-3 ; Cass. crim. 12-1-2016 n° 14-87.695) .