icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Patrimoine/ Successions et donations

Prescription de l’action en réduction : l’articulation des délais de cinq ans et deux ans

L’action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès ou, au-delà, jusqu’à dix ans après le décès, à condition d’être exercée dans les deux ans de la découverte de l’atteinte à la réserve.

Cass. 1e civ. 7-2-2024 n° 22-13.665 FS-B


Par Nicole PÉTRONI-MAUDIÈRE, Maître de conférences à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges
quoti-20240328-jeudi-pat.jpg

©GettyImages

Deux époux sont décédés, respectivement, les 27 décembre 1989 et 30 juillet 2015, en laissant pour leur succéder leurs quatre enfants. Le 14 mai 2018, trois des enfants ont assigné le quatrième en partage des successions de leurs parents et de la communauté ayant existé entre eux ainsi qu’en réduction de divers avantages et libéralités dont aurait bénéficié leur frère. Ce dernier reproche à la cour d’appel de déclarer recevable l’action en réduction de ses frères et sœurs. Il fait valoir à l’appui de son pourvoi devant la Cour de cassation que les juges du fond ont considéré que l’article 921, alinéa 2 du Code civil édicte un premier délai de prescription de cinq ans, qui court toujours à compter du décès, et un second délai de prescription de deux années lorsque des faits susceptibles d’avoir porté atteinte à la réserve sont connus d’un héritier tardivement, alors que, selon lui, le texte exige, dans tous les cas, que le demandeur agisse dans les deux ans du jour où il a découvert l’atteinte à la réserve.

La Cour de cassation rejette le pourvoi sur le visa de l’article 921, alinéa 2 du Code civil, au motif qu’« il résulte de ce texte que, pour être recevable, l’action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès ou, au-delà, jusqu’à dix ans après le décès, à condition d’être exercée dans les deux ans qui ont suivi la découverte de l’atteinte à la réserve ».

A noter :

Comme le relève Nicole Pétroni-Maudière, maître de conférences à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges, la réduction des libéralités excessives est naturellement soumise à un délai de prescription au-delà duquel elle ne peut plus s’exercer. Avant la réforme de 2006, la prescription de l’action en réduction était trentenaire à compter de l’ouverture de la succession. Tenant compte des critiques relatives à l’insécurité des partages successoraux en résultant, la loi 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a procédé à une réduction sensible du délai de prescription de l’action en réduction, anticipant la loi 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, qui a réduit le délai de prescription de droit commun à cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (C. civ. art. 2224). L’article 921, dans son nouvel alinéa 2 issu de la loi de 2006, énonce que « le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ». Ainsi, pour assurer la sécurité des partages successoraux, le délai d’action est en principe ramené à cinq ans à compter du décès du disposant. Toutefois, dans un but de protection des héritiers réservataires, le délai est de deux ans à compter de la découverte de l’atteinte à leurs droits, découverte qui, par hypothèse, interviendrait après les cinq années suivant l’ouverture de la succession, sans toutefois pouvoir excéder dix ans à compter du décès. Telle est la lecture classique de l’article 921, alinéa 2 du Code civil, unanimement admise en doctrine.

Le pourvoi proposait une autre lecture, théorique, de la combinaison des délais de prescription de l’action en réduction. Se livrant à une lecture littérale de l’article, il considérait que la disposition présentait les délais quinquennal et biennal comme alternatifs, ce qui avait pour effet de les mettre en concurrence. Il résultait de cette interprétation qu’au délai de cinq ans se substituait automatiquement le délai de deux ans dès lors qu’il était établi que l’héritier réservataire avait connaissance d’une atteinte à sa réserve (avant l’écoulement du délai quinquennal). La prééminence du délai biennal sur le délai quinquennal résultant d’une telle lecture dans cette occurrence n’est pas conforme à l’esprit de la loi.

Il est plus raisonnable et cohérent de considérer que le délai de cinq ans est le principe et que le délai de deux ans, institué seulement pour protéger l’héritier réservataire, ne s’applique qu’à l’expiration du délai quinquennal, pour laisser une chance à l’héritier réservataire, qui jusque-là ignorait l’atteinte à sa réserve, d’agir à compter du jour où il en a connaissance, sans pouvoir dépasser le délai maximum de dix ans à compter du décès de son auteur.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


INNEO Avocat
patrimoine -

INNEO Avocat

Votre fonds documentaire en ligne
à partir de 112,29 € HT/mois
Mémento Successions Libéralités 2025
patrimoine -

Mémento Successions Libéralités 2025

Votre référence en la matière !
149,00 € TTC