Demain, le territoire, entre cohérence et cohésion
La finitude, par essence, d'un territoire aiguise les appétits et oblige à de difficiles mais nécessaires arbitrages pour la répartition de son usage. Les bouleversements causés par l'explosion démographique, les déplacements de populations, le réchauffement climatique, l'épuisement des énergies fossiles, rendent ces choix encore plus complexes. Jamais les tensions sur le foncier ne semblent avoir été aussi fortes. Elles sont à la mesure des défis à relever. Ces défis quel sont-ils ?
Accompagner les mutations du monde agricole. L'agriculture doit bien évidemment continuer d'assurer à la France son indépendance alimentaire par une production croissante. Mais cet objectif doit également prendre en compte de nouvelles exigences que sont la protection des sols et la mise sur le marché de produits sains. Les agriculteurs doivent être justement rémunérés pour cette production. Il en va de leur survie, mais aussi de celle des territoires ruraux, tant leurs destins sont intimement liés. La question de la régulation de l'accès au foncier agite de nouveau le milieu agricole sous les assauts, encore anecdotiques, d'investisseurs étrangers. Pourtant, les véritables interrogations ne concernent-elles pas plutôt la personne de l'exploitant et le modèle d'exploitation agricole ?
Accélérer la transition énergétique. L'épuisement des énergies fossiles, dont l'exploitation contribue au réchauffement climatique, oblige l'humanité à s'engager dans une course contre la montre et à développer massivement des énergies renouvelables. Bien qu'ayant doublé de surface en deux siècles, la forêt française est encore sous-exploitée, en raison notamment, de son morcellement. Quant aux énergies nouvelles, elles représentent encore une part trop faible de notre consommation. Enfin, la maîtrise de la consommation d'énergie doit être également recherchée par des incitations à la rénovation.
Réduire les fractures territoriales, sociales et culturelles. Le thème du congrès "Demain, le territoire", ne laisse place à aucune ambiguïté ; il ne peut y avoir, comme le relevait Fernand Braudel, de nation sans unité, tant ces deux notions sont consubstantielles l'une de l'autre. Dès lors, aucun espace, centres de villes moyennes ou territoires ruraux, ne doit être abandonné. Il en va de la cohésion de notre territoire.
Le territoire a trop longtemps fait l'objet d'un traitement fragmenté; un jour une loi sur le foncier agricole, le lendemain une loi sur la ville… Le temps d'une politique globale du territoire est arrivé. Sur tous ces sujets, le 114e Congrès des notaires de France fera des propositions qui contribueront, je le souhaite, à plus de cohérence dans la répartition des usages de notre terre et à plus de cohésion pour nos concitoyens.
Par Emmanuel Clerget, notaire à La Charité-sur-Loire, président du 114e Congrès des notaires de France.