Cass. soc 9-10-2024 n° 23-14.465 F-D, T. c/ Sté Xenax
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 9 octobre 2024, fait une application classique de sa jurisprudence relative aux règles d’accès de l’employeur aux documents détenus par le salarié au bureau et aux courriels issus d’une messagerie personnelle.
Dans cette affaire, un salarié est licencié pour faute lourde après que l’employeur a découvert, sur le bureau de celui-ci, des échanges de courriels avec une société concurrente révélant des manquements de l’intéressé à ses obligations contractuelles, en particularité son obligation de loyauté. Le salarié contestait son licenciement en faisait valoir que ces éléments de preuve étaient illicites car l’employeur n’avait pas le droit de consulter ces documents en son absence. Il faisait valoir en effet que lesdits documents provenaient de son adresse personnelle de messagerie et étaient conservés dans une sacoche, de sorte que l’employeur ne pouvait y avoir accès sans fouiller dans ses effets personnels. Pour débouter le salarié de cette demande, la cour d’appel de Lyon retient que la charge de la preuve du caractère illicite de la preuve produite par l’employeur incombe au salarié et que ce dernier ne démontre pas que l’employeur a découvert les documents litigieux en fouillant dans ses affaires personnelles.
La Cour de cassation rappelle ses fondamentaux : les documents détenus par le salarié dans le bureau de l'entreprise mis à sa disposition sont, sauf s'il les identifie comme personnels, présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès en son absence. C’est l’application d’une jurisprudence constante (Cass. soc. 18-10-2006 n° 04-47.400 FS-PB ; Cass. soc. 4-7-2012 n° 11-12.330 F-D). Or, les documents litigieux provenant de la messagerie personnelle du salarié, ce qui n’était pas contesté, ils étaient donc identifiés comme personnels. Dès lors, l'employeur ne pouvait pas y accéder et les appréhender hors la présence du salarié, et la cour d’appel aurait dû déduire de ses constatations que la preuve a été obtenue de manière illicite.
Cette position est en cohérence avec la jurisprudence selon laquelle les courriels adressés ou reçus par le salarié sur sa messagerie personnelle, distincte de la messagerie professionnelle, sont nécessairement à caractère privé et couverts par le secret des correspondances (Cass. soc. 26-1-2016 n° 14-15.360 FS-PB). Relevons toutefois que dans un précédent arrêt publié, la chambre sociale affirmait que l'identification personnelle d'un fichier informatique ne peut pas résulter du seul fait qu'il émane initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié (Cass. soc. 19-6-2013 n° 12-12.138 F-PB). Une telle divergence d'analyse peut s'expliquer par le fait que la dénomination d'un fichier informatique peut ne pas faire référence à l'origine de ce fichier alors qu'elle peut être immédiatement visible sur un document papier.
A noter :
Dans cette affaire, le droit à la preuve, permettant à certaines conditions de faire admettre la recevabilité en justice d’une preuve obtenue de manière illicite (voir en dernier lieu Cass. soc. 25-9-2024 n° 23-13.992 FS-B) n’avait pas été invoqué par l’employeur, mais il pourrait encore l’être devant la cour d’appel de Lyon (autrement composée), qui aura à connaître cette affaire sur renvoi après cassation.