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Questions sur l’identification des « bénéficiaires effectifs » des sociétés

Les textes sur la déclaration des bénéficiaires effectifs laissent subsister des zones d’ombre : une société contrôlée par une société cotée est-elle soumise à déclaration ? Qu’entendre par « détention indirecte » du capital ? Qui déclarer en cas de parts indivises ou démembrées ? Nos réponses.


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1. Prise pour la transposition de la directive européenne antiblanchiment 2015/849 du 20 mai 2015, l’ordonnance 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant la lutte contre le blanchiment a mis, on le rappelle, à la charge des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS) autres que celles dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ce qui inclut donc les sociétés civiles, une obligation d’information sur leurs « bénéficiaires effectifs » (C. mon. fin. art. L 561-46 s. nouveaux). L’ordonnance crée à cet effet un registre des bénéficiaires effectifs tenu par le RCS.

Ce dispositif, précisé sur certains points par le décret du 12 juin 2017 (C. mon. fin. art. R 561-55 s. ; BPAT 5/17 inf. 178), suscite de nombreuses questions délicates laissées sans réponse par les textes.

2. La première de ces questions concerne la notion de bénéficiaire effectif : le décret définissant cette notion n’étant pas encore paru (il devrait être publié prochainement), quelle définition retenir en attendant ? Comme nous l’avons déjà indiqué (BPAT 5/17 inf. 178 n° 3), il y a lieu de se référer à la définition de l’actuel article R 561-1 du Code monétaire et financier en matière de réglementation sur le blanchiment : personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale des associés.

3. A la lettre du texte, toutes les sociétés civiles immatriculées ou en cours d’immatriculation sont visées par la nouvelle obligation d’information, y compris celles dont le capital n’est détenu que par des personnes physiques, dont l’identification ne pose pas de problème puisque chaque associé de société civile doit déjà être déclaré au RCS (C. com. art. R 123-54, 1°).

Ainsi que nous l’avons souligné (BPAT 5/17 inf. 178 n° 4), on regrettera le champ trop large de cette réglementation, qui, à raison du seuil de 25 %, impose à la plupart des sociétés de famille fermées ainsi qu’aux SCP une information inutile dans la mesure où leurs associés (par hypothèse, des personnes physiques) sont connus du greffe par leur inscription au RCS.

Comment faire pour les sociétés en cours de constitution ?

4. On sait que l’obligation s’applique dès à présent aux sociétés en cours de constitution. Les mentions à indiquer sur le document identifiant leurs bénéficiaires effectifs sont les mêmes que celles concernant les sociétés existantes (qui ont jusqu’au 1er avril 2018 pour déposer le document) : notamment, dénomination, forme, adresse et numéro unique d’identification de la société ; identité, nationalité et adresse des bénéficiaires et date à laquelle ceux-ci ont acquis cette qualité. Ce document doit être signé par le représentant légal de la société (C. mon. fin. art. R 561-56).

5. En cas de constitution de la société, le document peut être déposé lors de la demande d’immatriculation ou au plus tard dans les 15 jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt de dossier de création d’entreprise (art. R 561-55 nouveau).

Dans un cas comme dans l’autre, la société n’a pas encore la personnalité morale ; elle n’a donc pas d’organe qui la représente légalement. Le document la concernant peut alors, à notre avis, être utilement signé par la personne (associé ou tiers) à qui les associés ont donné mandat d’accomplir les formalités d’immatriculation.

Par hypothèse, le numéro d’identification de la société (attribué à la suite de l’immatriculation) n’a pas à y être indiqué et la date à laquelle les bénéficiaires effectifs ont acquis cette qualité ne peut être que celle à laquelle la société a été constituée, à savoir la date de signature des statuts.

Détention directe ou indirecte du capital

6. Le bénéficiaire effectif est notamment la personne physique qui détient, « directement ou indirectement », plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société. Comment apprécier la détention indirecte d’une telle fraction du capital ou des droits de vote ?

Deux méthodes sont envisageables.

7. La première consiste à se référer à la règle prévue à l’article L 233-4 du Code de commerce pour la détermination des participations détenues indirectement par une société d’un groupe. Aux termes de ce texte, toute participation détenue par une société que contrôle une autre société est considérée comme détenue indirectement par cette dernière.

L’application par analogie de ce texte à une personne physique permet, par exemple, de retenir que celle-ci détient indirectement une participation dans une société lorsque cette participation figure dans le portefeuille de titres d’une autre société dont la personne physique possède la majorité des droits de vote ou dont elle détermine en fait les décisions d’assemblée ou encore dont elle a le pouvoir de nommer ou révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance (application de l’article L 233-3, I du Code précité).

8. La seconde méthode consiste à effectuer le produit des participations détenues par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés dans le capital de la société appelée à identifier ses bénéficiaires (critère dit « financier »). Par application de cette méthode, une personne physique associée par exemple à hauteur de 40 % dans une société détenant elle-même 70 % du capital d’une autre société est considérée comme bénéficiaire effectif de celle-ci car sa participation au capital de cette société par l’intermédiaire de la première est de 28 % ( = 40 x 70/100).

9. Le dispositif d’information sur les bénéficiaires effectifs étant conçu dans un esprit de transparence très large, il nous paraît prudent de déclarer comme bénéficiaire de la société toute personne physique détenant indirectement plus de 25 % de son capital par application de l’une ou l’autre méthode.

Désignation d’un bénéficiaire effectif « par défaut »

10. Que faire lorsque l’identité des bénéficiaires effectifs est impossible à déterminer compte tenu de l’opacité de l’actionnariat de la société (cas, par exemple, de la détention du contrôle par une « cascade » de sociétés écrans dont certaines peuvent être situées à l’étranger) ?

A notre avis, la société peut déclarer comme bénéficiaires effectifs la ou les personnes physiques occupant la position de « dirigeant principal » (pour les sociétés civiles, le ou les gérants donc) en se prévalant de la directive européenne anti-blanchiment. Aux termes de ce texte, à la lumière duquel il convient de lire l’ordonnance du 1er décembre 2016 qui en assure la transposition en droit interne, les dirigeants principaux sont considérés comme bénéficiaires effectifs si, après avoir épuisé tous les moyens possibles et pour autant qu’il n’y ait pas de motif de suspicion, la société ou le groupement n’a pas identifié la personne qui, en dernier ressort, le possède ou le contrôle ou s’il n’est pas certain que cette personne est bien le bénéficiaire effectif (art. 3, § 6-a). Mais le législateur européen estime qu’il s’agit là de cas « exceptionnels » (considérant 13).

Parts sociales indivises

11. Lorsque des parts représentant plus de 25 % du capital ou des droits de vote sont détenues en indivision par plusieurs copropriétaires (par exemple, dans le cadre de la succession d’un associé), faut-il tous les déclarer comme bénéficiaires effectifs ?

Certes, ils ne détiennent que des droits dans l’indivision et aucun d’eux ne peut exercer seul les droits attachés aux parts sociales (sauf aux fins d’assurer leur conservation : C. civ. art. 815-2, al. 1). On peut néanmoins considérer qu’ils sont indirectement détenteurs du capital par le biais de l’indivision. Chacun d’eux doit donc être déclaré comme bénéficiaire effectif avec une mention tenant à sa qualité de membre de l’indivision. En revanche, celle-ci n’ayant pas la personnalité morale, il n’est pas possible, à notre avis, de la déclarer comme bénéficiaire en lieu et place de ses membres.

12. En cas de désignation par les coïndivisaires d’un mandataire investi d’un mandat général d’administration sur les parts, le mandataire doit aussi être considéré comme bénéficiaire si le mandat qu’il a reçu lui permet d’exercer un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale des associés (application de l’article R 561-1 du Code monétaire et financier).

Parts sociales démembrées

13. Lorsque des parts représentant plus de 25 % du capital ou des droits de vote sont démembrées entre un usufruitier et un nu-propriétaire, le nu-propriétaire doit, en tant que détenteur du capital, être déclaré comme bénéficiaire effectif. Mais l’usufruitier doit aussi être considéré comme tel puisqu’il détient des droits de vote qu’il peut exercer pour l’adoption des décisions collectives concernant l’affectation des bénéfices (C. civ. art. 1844, al. 3), voire de toutes les décisions si les statuts de la société l’y autorisent.

Pour plus d'information sur le Bulletin du patrimoine voir la fiche produit.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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