INFRACTIONS
Provocation à la discrimination
La condamnation pénale d’Eric Zemmour pour provocation à la discrimination et haine religieuse envers la communauté musulmane française, en raison de propos tenus au cours d’une émission télévisée en 2016, est validée par la CEDH. La Cour a jugé que l’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression avait été nécessaire dans une société démocratique afin de protéger les droits d’autrui qui étaient en jeu en l’espèce. Elle énonce notamment que les propos tenus ne se limitaient pas à une critique de l'islam mais comportaient, compte tenu du contexte d'attentats terroristes dans lequel ils s'inscrivaient, une intention discriminatoire de nature à appeler les auditeurs au rejet et à l'exclusion de la communauté musulmane (CEDH 20 déc. 2022 Zemmour c. France, req n° 63539/19).
Droit des étrangers
Un office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM), rattaché au directeur central de la police aux frontières, se substitue à l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST). Il s’agit de renforcer l’efficacité de « la lutte contre les réseaux criminels transnationaux d'aide à l'entrée, au séjour et à la circulation irréguliers sur le territoire national », du « démantèlement des structures organisées employant des étrangers sans titre et des officines de faux documents liées à ces activités », de « l'identification des flux financiers illicites générés par ces trafics et la saisie des avoirs criminels » (Décret 2022-1704 du 27-12- 2022).
PROCEDURE PENALE
Chambre de l’instruction
La seule mention apposée par la personne mise en examen sur le récépissé de notification de l’ordonnance de rejet de sa demande de mise en liberté ne peut pas, en l’absence de toute autre manifestation de l’intéressé, être considérée comme un appel (Cass. crim. 13-12-2022 n° 22-85.602). En effet, un tel document n’est pas destiné au greffe de l’établissement pénitentiaire mais à celui du juge d’instruction et ne vaut pas ainsi lettre d’intention.
Communications électroniques entre juridictions et avocats
La communication des mémoires au greffe de la chambre de l'instruction peut être effectuée par un moyen de télécommunication électronique sécurisé (CPP art. 198), selon des modalités précisées dans la convention nationale signée le 5 février 2021 entre le ministère de la justice et le Conseil national des barreaux. Est, dès lors, irrecevable le mémoire qui, envoyé au moyen d'une messagerie ne répondant pas au format spécifique prévu, n'est pas susceptible d'établir l'authenticité du courriel et des pièces jointes ainsi que l'identité de l'auteur du mémoire, peu important que ce mémoire ait été reçu, en temps et en heure, au greffe de la chambre de l'instruction (Cass. crim. 13-12-2022 n° 22-81.108 P).
Correspondances protégées
Est régulier en la forme l’arrêt relevant qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre le juge d’instruction et les enquêteurs d’avoir eu l’intention de porter atteinte au contenu de correspondances protégées, dès lors qu’il n’est pas question de la défense des intérêts de la personne interceptée mais qu’il est au contraire fait référence à la situation d’autres personnes, certains faisant l’objet d’actes d’information (Cass. crim. 13-12-2022 n° 21-87.333 F-B)
Cour criminelle départementale
Une circulaire publiée le 7 décembre 2022 relative aux dispositions procédurales applicables à la cour criminelle départementale détaille plusieurs points importants tels que la composition de celle-ci, son siège, sa compétence matérielle, les modes de saisine et délais d’audiencement, la procédure applicable ainsi que la possibilité d’un renvoi devant la cour d’assises (Circ. 7-12-2022 NOR : JUSD2235177C)
Système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation
Est régulière la consultation du système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI) dès lors qu’elle est effectuée par une personne habilitée et désignée par un enquêteur sur autorisation du juge d’instruction dans le cadre d’une commission rogatoire, en application des articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, peu importe que l’autorisation ne vise pas spécifiquement la consultation de ce système (Cass. crim. 13-12-2022 n° 22-81.851 F-B)
Suppléments d’information
Les juges sont libres de rejeter la demande de production totale de procédures d’information versées partiellement au dossier, si des motifs établissent que le supplément d’information sollicité n’aurait apporté aucun élément utile à la manifestation de la vérité et que la procédure telle qu’elle était constituée permettait un exercice des droits de la défense satisfaisant aux exigences du procès équitable (Cass. crim. 14-12-2022 n° 21-86.427). En l’espèce, constituent ces motifs, d’une part, le fait que les pièces nécessaires à la compréhension du contexte de ces procédures d’information aient été transmises et, d’autre part, le fait que certaines procédures d’information toujours en cours soient couvertes par le secret de l’instruction. Par ailleurs, pour rappel, selon la Cour européenne des droits de l’homme, l’exigence d’équité du procès ne fait pas obligation à la juridiction de jugement d’ordonner une mesure d’instruction au seul motif que l’une des parties en a fait la demande, et les juridictions sont ainsi libres de refuser une telle mesure (CEDH 26 juill. 2011, [N] et autres c. Azerbaïdjan, req. n°35485/05, 35680/05, 36085/05).
Presse (diffamation, compétence)
En matière de diffamation, les éléments relatifs à l’identification de la victime relèvent du débat contradictoire et sont soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. crim. 13-12-2022 n° 22-85.880). Ils échappent ainsi à la compétence de la juridiction d’instruction. Ainsi, la chambre de l’instruction ne peut se prononcer sur l’absence ou non d’identification de la personne visée par les propos diffamatoires pour infirmer une ordonnance de non-lieu.
Droits de la défense (permis de communiquer)
Le refus du juge d’instruction d’octroyer un permis de communiquer aux collaborateurs et associés de l’avocat désigné, qui en avait fait la demande, ne porte pas atteinte aux droits de la défense (Cass. crim. 13-12-2022 n° 22-85.810). Ainsi, si, en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat (Conv. EDH, art. 6§3, c), la délivrance d’un tel permis est indispensable à l’exercice des droits de la défense, la chambre criminelle considère qu’un défaut dans cette délivrance aux collaborateurs et associés ne fait pas nécessairement grief à la personne mise en examen, dès lors que ceux-ci n’ont pas été personnellement désignés par l’intéressé. L’article D. 32-1-2 du Code de procédure pénale, issu du décret 2022-95 du 31-01-2022, permet pourtant à tout avocat désigné qui en fait la demande de voir figurer ses collaborateurs et associés sur le permis de communiquer.
Droits de la défense (correspondances entre un avocat et les proches de son client)
Les conversations interceptées entre la compagne de la personne placée sous surveillance et des avocats qu’elle a successivement sollicités pour assurer la défense de son compagnon relèvent de l’exercice des droits de la défense de l’intéressé, même s’il n’a été donné aucune suite à un tel échange et/ou si la personne placée sous surveillance n’était pas le client de l’avocat à la date de la communication, dans la mesure où ces conversations ne sont pas de nature à faire présumer la participation de l’un des avocats à une infraction (Cass. crim. 13-12-2022 n° 21-87.435). Il résulte en effet des articles 6§3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et 100-5 du code de procédure pénale, que l’interdiction de la transcription des correspondances entre un avocat et son client s’étend à celles échangées à ce sujet entre l’avocat et les proches de celui-ci, sauf à ce que le contenu et la nature des échanges soient propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction. En revanche, la transcription des conversations interceptées avec les secrétariats des avocats sollicités est possible.
Audition de témoins à décharge
La Cour européenne des droits de l’Homme conclut à la violation de l’article 6 de la Convention dans un dossier où était en cause l’absence d’audition de témoins à décharge. Elle réitère ainsi sa jurisprudence antérieure selon laquelle le refus des juridictions internes d’auditionner de tels témoins peut, à l’aune de l’ensemble de la procédure, porter atteinte au droit à un procès équitable (CEDH 15 déc. 2022, Vasarab et Paulus c/ Slovaquie, req. nos 28081/19 et 29664/19).
DROIT PENAL DES AFFAIRES
Fraude fiscale
Une nouvelle convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a été signée le 15 décembre 2022, dans une affaire de fraude au crédit impôt recherche. Le groupement d'intérêt économique Unilabs France, qui regroupe une vingtaine de sociétés de biologie médicale, versera à ce titre une amende de plus de 13 millions d’euros au Trésor public. Il s’agit de la 15e CJIP de ce type.
PEINE ET EXECUTION DES PEINES
Avertissement pénal probatoire
Une circulaire publiée le 13 décembre 2022 présente les dispositions de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire relatives à l’avertissement pénal probatoire, en vigueur depuis le 1er janvier 2023. La circulaire évoque les conditions d’orientation vers cette nouvelle mesure, sa mise en œuvre ainsi que les dispositions relatives au rappel à la loi (Circ. 13-12-2022 NOR : JUSD2235758C)
Code pénitentiaire
Divers ajustements liés à l’entrée en vigueur du code pénitentiaire sont réalisés. La liste des cours d'assises et des tribunaux judiciaires auprès desquels il n'y a pas de maison d'arrêt ou de quartiers maison d'arrêt est ainsi transférée du code de procédure pénale au code pénitentiaire. Le régime spécial de détention applicable en matière de presse est abrogé, puisqu’il n’était plus appliqué en pratique. Le décret fixe encore notamment le sort des biens et de l’argent figurant sur le compte nominatif d’une personne détenue s’évadant. (Décret 2022-1710 du 29-12-2022).
Travail des personnes détenues
Le II de l’article 9 du décret 2022-655 du 25-04-2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le code pénitentiaire est entré en vigueur le 3 janvier dans les ressorts des directions interrégionales de l’administration pénitentiaire de Lyon et de l’Outre-Mer. Ces dispositions concernent le temps de travail des personnes détenues. Dans les autres directions, les dispositions des deuxièmes et troisièmes alinéas de l'article 15 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R 57-6-18 du code de procédure pénale dans sa rédaction en vigueur avant le 1er mai 2022 demeurent applicables aux personnes détenues ayant conclu un contrat d'emploi pénitentiaire. On notera que l’arrêté du journal officiel contient une erreur, visant le II de l’article 8, qu’il convient de comprendre par « II de l’article 9 ». (Arr. 30-12-2022 portant sur les dispositions relatives au temps de travail des personnes détenues).
Conditions de détention (référé-liberté)
Le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L 521-2 du code de justice administrative sur le référé-liberté, ne s’estime pas compétent pour ordonner des mesures d’ordre structurel ou reposant sur des choix de politique publique (CE 20-12-2022 n°469304). En l’espèce, il refuse ainsi d’ordonner la fermeture d’une cellule du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan. Le Conseil reconnaît, avec l’OIP, que l'occupation de cette cellule par trois ou même deux détenus conduit à exposer, de manière caractérisée, ces derniers à un traitement inhumain ou dégradant et renvoie les personnes concernées à la possibilité de saisir, le cas échéant, l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale.
DROIT PENAL INTERNATIONNAL
Extradition
La Cour de Justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la demande d’extradition, adressée par un Etat tiers à un Etat membre, concernant le ressortissant d’un autre Etat membre résidant de façon permanente sur le sol de celui-ci, aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté. La Cour estime que dès lors que le droit national de l’Etat requis interdit seulement l’extradition de ses propres ressortissants hors de l’Union européenne et prévoit la possibilité qu’une telle peine soit exécutée sur son territoire à condition que l’État tiers y consente, ledit Etat doit rechercher activement ce consentement en utilisant tous les mécanismes de coopération et d’assistance en matière pénale dont il dispose dans le cadre de ses relations avec cet État tiers. Si un tel consentement n’est pas obtenu, l’État membre peut procéder à l’extradition, conformément aux obligations qui pèsent sur lui en application d’une convention internationale, pour autant que cette extradition ne porte pas atteinte aux droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CJUE 22 déc. 2022, n°C-237/21 ; articles 18 et 21 TFUE).
Extradition
La Cour de cassation apporte des précisions concernant une demande d’extradition émise par la Fédération de Russie antérieurement au 16 septembre 2022, date à laquelle elle a cessé d’être partie à la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour estime que si les engagements antérieurement pris par la Russie eu égard au respect des droits fondamentaux garantis par ladite convention sont désormais caducs et si l’Etat membre requis doit refuser la remise lorsqu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne réclamée court un risque réel d'être soumise à la peine de mort, ou à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou y d’être exposée à un risque de déni de justice flagrant, il n'y a pas lieu à réexamen de la demande d'extradition lorsque la personne n'a fait état, au regard des articles 8 et 9 de la convention, que d'un risque d'atteinte, sur le territoire de la Fédération de Russie, à son droit au respect de la vie privée et familiale et à sa liberté religieuse, sans alléguer un risque de persécution religieuse susceptible de s'apparenter à un traitement contraire à l'article 3 (Cass. crim. 13 déc. 2022 n° 22-80.610 P).
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal