Le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie verse plusieurs primes entre 1985 et 1997 pour un total de 120 000 euros. En 2006, à l’âge de 83 ans, il rachète son contrat et réinvestit la somme de 160 000 euros sur un autre contrat. Après son décès en 2012, des difficultés s’élèvent dans le cadre du partage de sa succession, entre son épouse, désignée bénéficiaire du second contrat, et sa fille issue d’une précédente union. Cette dernière, arguant du caractère exagéré des différentes primes versées, demande leur réintégration dans la succession, mais la cour d’appel rejette ses prétentions.
La Cour de cassation confirme :
d’une part, les juges du fond n’avaient pas à vérifier si les primes versées entre 1985 et 1997 sur le premier contrat présentaient un caractère manifestement exagéré. En effet, les dispositions relatives au rapport et à la réduction des primes manifestement exagérées ne s’appliquent pas aux primes versées sur un contrat racheté par le souscripteur ;
d’autre part, la prime de 160 000 euros versée en 2006 sur le second contrat ne présentait pas un caractère manifestement exagéré eu égard à l’âge du souscripteur, à sa situation patrimoniale et familiale et à l’utilité que présentait pour lui l’opération.
A noter :
1. Au décès du souscripteur d’un contrat d’assurance-vie, le capital payable à un bénéficiaire déterminé n’est soumis ni aux règles du rapport à succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers. Il en va de même des primes versées par le souscripteur, sauf si elles ont été manifestement exagérées eu égard à ses facultés (C. ass. art. L 132-13). Ainsi que le rappelle cet arrêt, l’exagération s’apprécie au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité du contrat pour ce dernier (en ce sens, notamment, Cass. 2e civ. 7-2-2008 no 06-16.373 FS-D ; Cass. 1e civ. 19-3-2014 n° 13-12.076 F-PB : BPAT 3/14 inf. 136). En l’espèce, pour juger du caractère non exagéré de la prime de 160 000 euros, les juges du fond ont notamment retenu que ce versement n’avait pas retiré au contrat d’assurance-vie son aléa, que l’utilité du placement n’était pas contestable, que le souscripteur n’avait pas de charge particulière, pas de frais pour se loger et pas de problèmes financiers et qu’il avait laissé plus de 84 000 euros à son décès.
2. L’exagération doit être établie à la date du versement des primes (Cass. ch. mixte 23-11-2004 nos 01-13.592 et 02-17.507 : BPAT 6/04 inf. 139 ; Cass. 2e civ. 4-12-2008 no 07-20.544 F-D). L’arrêt ici commenté précise que les primes versées sur un contrat racheté avant le décès n’ont pas à être prises en compte par le juge. En effet, la somme issue du contrat racheté (composée des primes versées et des produits capitalisés) intègre le patrimoine du souscripteur de son vivant. Lorsque cette somme est réinvestie sur un autre contrat, elle constitue une prime versée sur ce nouveau contrat et est alors prise en compte par le juge, à la date de son versement (en l’espèce, les juges ont bien recherché si la prime de 160 000 euros présentait ou non un caractère exagéré lors de son versement en 2006).