Cass. soc. 5-3-2025 n° 23-13.802 F-B, P. c/ Sté Alaine Sud-Est
Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique (CSE) lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise (C. trav. art. L 1226-2 en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle ; C. trav. art. L 1226-10 en cas d’inaptitude d’origine professionnelle).
Dans un arrêt du 5 mars 2025, la question posée à la Cour de cassation était celle de savoir si, eu égard à la rédaction de l’article L 1226-10 du Code du travail, l’obligation de consulter les représentants du personnel s’impose à l’employeur même lorsqu’il n’a aucune proposition de reclassement à faire au salarié.
A noter :
Réservée, à l’origine, aux inaptitudes résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la consultation des représentants du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail a été étendue, depuis le 1er janvier 2017, à toutes les inaptitudes, quelle que soit leur origine, par la loi 2016-1088 du 8 août 2016, dite « loi Travail ».
L’absence de proposition de reclassement à faire au salarié inapte…
En l’espèce, un conducteur routier victime d’un accident du travail et d’une rechute de celui-ci est déclaré inapte par le médecin du travail, puis licencié un mois après pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Estimant que son employeur a manqué à son obligation de consulter les représentants du personnel (ici, les délégués du personnel, remplacés depuis par le CSE) sur son reclassement avant d’engager la procédure de licenciement, il saisit la juridiction prud'homale afin que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.
A noter :
Rappelons en effet que le non-respect par l'employeur de l'obligation de consulter le CSE sur le reclassement, lorsqu'elle s'impose, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, que l'inaptitude soit d'origine professionnelle (C. trav. art. L 1226-15) ou non professionnelle (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-11.974 FS-PBI : FRS 19/20 inf. 17 p. 39).
La cour d’appel déboute le salarié de sa demande, retenant que, si les dispositions de l’article L 1226-10 du Code du travail exigent que l’avis des représentants du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l’absence de proposition de reclassement, ni de ce texte ni de l’article L 1226-12 du même Code, qui prévoit notamment les cas dans lesquels l’employeur est autorisé à procéder au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement d’un salarié. Dès lors, en l’absence de proposition de reclassement compatible avec l’absence de mobilité géographique du salarié, l’employeur n’était pas tenu, selon les juges du fond, de procéder à une consultation des représentants du personnel. Par suite, la tardiveté de leur consultation, puisqu’ils ont été consultés le jour de l’envoi de la lettre de rupture du contrat de travail, était sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement.
… n’exonère pas l’employeur de son obligation de consulter le CSE sur un possible reclassement
La Cour de cassation ne partage pas cette analyse et censure la décision des juges du fond. Pour elle, il appartient à l’employeur de consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié inapte avant d’engager la procédure de licenciement. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait pas juger que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse alors qu’elle avait constaté que l’employeur ne les avait pas consultés avant d’engager la procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du salarié.
A noter :
Cette solution, rendue sous l’empire de l’article L 1226-10 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi Travail, n’est pas nouvelle et ne surprend pas. Elle s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle il appartient à l’employeur de consulter les représentants du personnel même en cas d’impossibilité de reclassement du salarié inapte (Cass. soc. 21-2-1990 n° 88-42.125 P : RJS 4/90 n° 284 ; Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-16.488 F-PB : FRS 20/20 inf. 12 p. 21). On rappellera en effet que seule une dispense expresse de reclassement par le médecin du travail (Cass. soc. 8-6-2022 n° 20-22.500 FS-B : FRS 13/22 inf. 7 p. 14 ; Cass. soc. 7-2-2024 n° 22-12.967 FS-D : RJS 4/24 n° 202) ou l’absence de CSE justifiée par un procès-verbal de carence établi à l'issue du second tour de scrutin (Cass. soc. 19-2-2014 n° 12-23.577 F-D : RJS 5/14 n° 396 ; Cass. soc.11-5-2016 n°14-12.169 FS-PB : RJS 7/16 n° 504) peuvent permettre à l’employeur de s’affranchir de son obligation de consulter les représentants du personnel avant d’engager une procédure de licenciement pour inaptitude.
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