Appelé à se prononcer dans une affaire concernant un salarié travaillant dans le sud de la France et muté en région parisienne par application d’une clause de mobilité, la Cour de cassation rappelle, dans un arrêt du 31 mars 2016 destiné à être publié à son bulletin des chambres civiles, les conséquences du refus d’une telle mutation, sa jurisprudence en la matière n’étant pas toujours suivie par les juges du fond, comme en l’espèce.
Le refus par le salarié d’appliquer une clause de mobilité justifie son licenciement
Dès lors qu’elle est valable, c’est-à-dire qu’elle définit sa zone géographique d’application (Cass. soc. 7-6-2006 n° 04-45.846 : RJS 8-9/06 n° 920 ; Cass. soc. 14-10-2008 n° 06-46.400 : RJS 12/08 n° 1160), la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail s’impose au salarié. En effet, la mutation du salarié dans la zone convenue en application d’une telle clause ne s’analyse pas en une modification du contrat nécessitant l’accord préalable de l’intéressé, mais en un simple changement des conditions de travail que l'employeur peut décider unilatéralement (notamment Cass. soc. 16 -5- 2001 n° 99-40.736), dès lors qu’il est justifié dans l’intérêt de l’entreprise (Cass. soc. 23 -1-2002 n° 99-44.845 : RJS 4/02 n° 392.).
En conséquence, le refus du salarié de se rendre sur son nouveau lieu de travail constitue, en principe, une faute justifiant son licenciement (par exemple Cass. soc. 10-10-2000 n° 98-41.358 : RJS 12/00 n° 1221 ; Cass. soc. 11-3-2009 n° 07-43.378). Il en va différemment, par exception, notamment en cas d’application déloyale de la clause par l’employeur (en ce sens Cass. soc. 23-2-2005 n° 04-45.463 : RJS 5/05 n° 477 ; Cass. soc. 5-3-2014 n° 12-28.661) ou de preuve par le salarié d’une atteinte à sa vie personnelle et familiale non justifiée par la tâche à accomplir et non proportionnée au but recherché (Cass. soc. 13-1-2009 n° 06-45.562 : RJS 3/09 n° 228 et dernièrement Cass. soc. 10-2-2016 : RJS 4/16 n° 238) ,
L’employeur peut exiger l’exécution du préavis sur le lieu d’affectation
Lorsque le salarié est licencié pour une cause réelle et sérieuse en raison de son refus, l’employeur peut-il exiger qu’il effectue son préavis sur le nouveau lieu de travail ? Confirmant une jurisprudence bien établie (Cass. soc. 25-11-1997 n° 95-44.053 : RJS 1/98 n° 28), la chambre sociale de la Cour de cassation répond à cette question par l’affirmative. Mais elle ajoute ici qu’il en est ainsi sans que l’employeur ait à justifier d’une impossibilité de maintenir l’intéressé sur son ancien lieu de travail.
Le salarié qui refuse perd le droit à l’indemnité compensatrice de préavis
Quelles sont les conséquences pour le salarié refusant d’exécuter son préavis sur le lieu de mutation ? Celui-ci doit être considéré comme responsable de cette inexécution et perd alors le droit à l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, rappelle ici la Cour de cassation (déjà en ce sens Cass. soc. 4-4-2006 n° 04-43.506 : RJS 6/06 n° 689 ; Cass. soc. 7-7-2015 n° 13-27.998). Cette dernière casse donc l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, pour condamner l’employeur à payer une indemnité compensatrice de préavis, avait relevé qu’il n’était pas contesté que le salarié travaillait à la veille du licenciement dans les locaux de l’établissement du sud et que l'employeur ne justifiait d'aucun obstacle au maintien de cet aménagement jusqu'à la fin de la relation contractuelle, mettant ainsi l’intéressé dans l'impossibilité d'exécuter son préavis.
A noter : La solution retenue par la chambre sociale de la Cour de cassation, rendue en l’espèce à propos d’un refus de mise en œuvre d’une clause mobilité, vaut pour tout cas de refus d’un changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur et, en particulier, en cas d’un refus de mutation dans le même secteur géographique.
Pour en savoir plus : voir Mémento Social nos 17370 s.