Une femme, mariée sous la séparation de biens, procède au financement, d'une part, d'un bien personnel de son mari et, d'autre part, d'un bien acquis en indivision avec lui. À son décès, ses trois enfants, issus d'une précédente union, réclament l'inscription, au profit de la succession, de créances à l'encontre de leur beau-père au titre de ces financements. La cour d'appel déclare leurs demandes recevables, considérant que ces créances ne sont pas prescrites.
1. S'agissant du financement du bien personnel au mari, elle applique les dispositions relatives aux dettes des copartageants dans le cadre d'un partage successoral pour en déduire que cette créance était insusceptible de prescription avant la clôture des opérations de partage. Au contraire, l'époux survivant soutient que le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage mais relève des règles propres aux régimes matrimoniaux (C. civ. art. 1479 sur renvoi de C. civ. art. 1543).
La Cour de cassation confirme l'arrêt d'appel. Les créances de l'époux sur son conjoint constituent, au décès du premier, des dettes du second à l'égard de la succession. Celle-ci a donc une créance à l'encontre du conjoint survivant. Sauf lorsqu'elle est relative aux biens indivis, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la créance de la succession à l'encontre de l'un des copartageants n'est pas exigible avant la clôture des opérations de partage (C. civ. art. 865). En conséquence, cette créance n'est soumise à aucune prescription avant la clôture des opérations de partage.
2. S'agissant de l’achat du bien en indivision, les juges d'appel écartent, là encore, la prescription. Le mari conteste au motif notamment que le financement d'un bien indivis avec des deniers personnels ouvre droit à une indemnité dont le paiement peut être poursuivi avant tout partage (C. civ. art. 815-13 et 815-17).
La Cour de cassation rejette le pourvoi avec les précisions suivantes. Certes, un indivisaire peut prétendre à une indemnité à l'encontre de l'indivision lorsqu'il a, à ses frais, amélioré l'état d'un bien indivis ou fait de ses deniers personnels des dépenses nécessaires à la conservation de ce bien (C. civ. art. 815-13). Mais ce texte ne s'applique pas aux dépenses d'acquisition. Par suite, un époux séparé de biens qui finance de ses deniers personnels la part de son conjoint dans l'acquisition d'un bien indivis peut invoquer à son encontre une créance évaluable selon les règles de l'article 1479 du Code civil (sur renvoi de C. civ. art. 1543).
En outre, sauf lorsqu'elle est relative aux biens indivis, la créance de la succession à l'encontre de l'un des copartageants n'est pas exigible et ne peut se prescrire avant la clôture des opérations de partage (C. civ. art. 865).
A noter :
Pour Annie Chamoulaud-Trapiers, maître de conférences HDR à la faculté de droit des sciences économiques de Limoges, le notaire chargé de la liquidation de la succession d'un époux séparé de biens devra faire preuve d'une vigilance particulière sur la qualification des créances liées à l'achat d'un bien en indivision : pour ces créances entre époux, le point de départ du délai de prescription sera soit le décès, soit la clôture des opérations de partage selon que la créance est détenue par le survivant des époux à l'encontre de la succession ou par la succession à l'encontre du conjoint survivant. En toute hypothèse, ces créances entre époux devront être liquidées suivant les règles applicables à de telles créances (C. civ. art. 1543) et non selon l'article 815-13 du Code civil.